"Les ETI constituent une classe moyenne indispensable"

Président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset défend de longue date l'importance des entreprises de taille intermédiaire. L'élu livre son regard sur les freins qui empêchent leur émergence et évoque les initiatives prises en Nouvelle-Aquitaine, à l'occasion du dossier publié par La Tribune à ce sujet, en plein Congrès des Régions.
Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine
Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine (Crédits : Agence APPA)

La France peine toujours à faire émerger des ETI solides. Quels sont les freins que vous identifiez ?

Deux facteurs : la centralisation industrielle, qui est un boulet au pied de la France, permettant aux services achats de certains grands groupes d'avoir en face d'eux des PME fragiles, de 30 ou 40 personnes. Et ceci, même si les directions industrielles disent qu'elles ont besoin de sous-traitants de rang 1. Deuxième constat, c'est le manque de fonds propres, la mauvaise organisation y compris publique de ces fonds propres. La France, plutôt que de faire des banques centrales d'investissement à la mode allemande, a tout centralisé, y compris Bpifrance. Ce n'était pas du tout ce que j'avais proposé à François Hollande en 2012. Aujourd'hui, force est de constater que nous n'arrivons pas à structurer la chaîne de sous-traitants. Or, 80 % des entreprises industrielles sont sous-traitants. Les services achats des grands groupes viennent ainsi chercher le low cost à leur porte, ou délocalisent. Et les petites PME n'ont pas la solidité nécessaire pour s'adapter aux transformations économiques si elles ne sont pas soutenues.

Lire aussi : Les nouvelles régions, moteurs des entreprises de taille intermédiaire (ETI)


Faut-il y voir un manque de patriotisme des grands groupes ?

En Nouvelle-Aquitaine on discute, on négocie, à la fois en transparence et en très bonne intelligence, avec les grands groupes de telle sorte qu'avec eux, nous essayons de transformer cette chaîne de sous-traitance en "classe moyenne" d'entreprises. On le fait avec Safran, Dassault, Thales, j'en ai parlé avec le président du groupe Renault Jean-Dominique Senard il y a quelques jours... C'est dans l'intérêt des grands groupes de voir se constituer cette catégorie intermédiaire. Un pays ne se développe que quand il peut s'appuyer sur une classe moyenne. Mais dans le même temps, la plupart des grands groupes du CAC 40 sont plus liés à des fonds d'investissements mondiaux qu'au capital français. Ce qui m'amène à plaider depuis mille ans pour qu'on flèche mieux l'épargne des Français vers nos entreprises. Notre boulet, largement lié à l'Inspection des finances et au pilotage de Bercy, c'est la centralisation de cette épargne à Paris, où les décisions sont prises. Le sujet n'évoluera que lorsque les Régions auront plus de moyens pour créer des fonds d'investissements solides de 100, 200, 500 millions d'euros. C'est ce que nous avons fait en créant notre fonds Naci. A ce jour nous avons collecté 70 millions d'euros. Mon rêve depuis plusieurs années était de disposer d'un spectre complet pour la croissance des PME, du prêt d'honneur de quelques milliers d'euros à 15 M€. C'est la raison de la création de ce nouveau fonds destiné aux PME et ETI, car l'apport en fonds propres est un élément indispensable pour le développement industriel. Naci a vocation à couvrir les besoins entre 3 et 15 M€.

En Nouvelle-Aquitaine, quels sont les choix que vous avez faits pour faire émerger davantage d'ETI ?

Mener une véritable politique industrielle et favoriser l'échange. Je reste persuadé que les discussions autour de l'international, des modèles de développement, des transformations économiques sont extrêmement enrichissantes et tirent tout le monde vers le haut. C'est pour cela que nous avons créé un Club des ETI en Nouvelle-Aquitaine. Il est d'ailleurs ouvert, non seulement aux entreprises de taille intermédiaire, mais aussi à des PME à potentiel. De la même manière, nos actions de formation à 360° opérées par Bpifrance dans le cadre de nos accélérateurs s'adressent à ces deux typologies d'entreprise.

Lire aussi : « Les ETI sont les entreprises qui ont créé le plus d'emplois entre 2009 et 2015 » Pierre-Olivier Brial, Meti


Doit-on également pousser les entrepreneurs à être plus ambitieux ?

On est dans un monde très paradoxal. La France est un des pays qui a le plus fort taux de création d'entreprises, ce qui montre que l'accompagnement à la création est très développé, mais on a tellement maintenu une chape de plomb au-dessus des PME que la culture de ces chefs d'entreprise est souvent de dire : "Aujourd'hui, je me débrouille comme je suis." Sauf que quand on n'investit pas, quand on ne se développe pas, les problèmes arrivent. Il y a un vrai changement culturel à réaliser.

En quoi le développement des ETI est vital pour les territoires péri-urbains et ruraux ?

Ceva est la 6e entreprise mondiale de santé animale, c'est une ETI et elle est basée à Libourne, à 35 km de Bordeaux, en-dehors de la métropole. Nous en avons d'autres partout dans la Région. Les ETI ont un attachement fort à leur territoire, et c'est aussi ce qui fait leur intérêt. Elles construisent autour d'elles des écosystèmes associant fournisseurs, prestataires, services... créateurs de richesses et d'emplois. Mais pour qu'elles émergent, cela suppose du temps long.

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Un club pour les rassembler toutes, et dans le business les lier

Créé en 2013 à l'initiative du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et de son président, le Club des ETI rassemble autour de 80 entreprises. Objectifs : fournir un espace de parole de d'échanges, ainsi que générer des courants d'affaires au bénéfice de l'économie régionale. Très mondialisés, les adhérents cumulent un chiffre d'affaires total de 9 milliards d'euros et 52.000 emplois. Ils participent régulièrement ensemble à des missions internationales de découverte et de business. Le Club des ETI de Nouvelle-Aquitaine est présidé par Marc Prikazsky, PDG du groupe libournais Ceva Santé animale. Le chiffre d'affaires de ce dernier, basé à Libourne en Gironde, dépasse le milliard de dollars. Employant plus de 5.500 personnes partout dans le monde, le groupe est malgré tout très impliqué au périmètre régional. Il est par exemple à l'origine, avec le soutien du Club des ETI, de la première édition du Salon Achat[s] qui s'est tenu en mai dernier à Bordeaux. L'événement avait pour finalité de favoriser les liens entre ETI et fournisseurs locaux. Pour une fois, c'était aux acheteurs d'être exposants.

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Commentaires 2
à écrit le 02/10/2019 à 4:45
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Les ETI sont indispensables. C'est sur. Marche captif pour le fisc, les taxes diverses et tres variees pour la region. En bref des moutons bien parces et faciles a tondres

à écrit le 01/10/2019 à 18:05
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on croit rever! les socialistes ont mis le peu de bonne volonte qui restait via les business angels au tas avec hollande, puis viennent avec des mesures d'epargne! le flechage de l'epargne, hollande en a parle toute sa campagne! et pour flecher l'e...

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