Pourquoi le futur de la batterie va s’écrire en Béarn

La batterie du futur, capable de supplanter toutes les technologies actuelles sera vraisemblablement produite en Béarn à l’issue d’une aventure humaine de quatre ans entre deux ingénieurs français et le géant de l’énergie Hydro-Québec. Denis Lagourgue, un de ces ingénieurs, raconte.
Élie Saheb, vice-président exécutif – Technologie à Hydro-Québec, et Alain Rousset, président de la région Aquitaine ont signé, vendredi 4 juillet, à Montréal, une entente sur le soutien à la R&D sur les matériaux de batterie. Cette entente pose les bases du déploiement, à Lacq, du projet industriel porté par Powertrend Energy Conversion.

Ce n'est pas une innovation, c'est potentiellement une révolution. Ce n'est pas la phrase d'attaque du PDG de la firme US "à la pomme" présentant un nouvel outil de communication, mais peut-être le résumé d'une histoire industrielle qui est en train de s'écrire en Béarn, à Pau, plus précisément sur le site de Lacq.

Le géant de l'énergie nord américain, Hydro-Québec et son outil de recherche l'Institut de Recherche Hydro-Québec (IREQ) ont choisi, à l'issue de quatre ans d'instruction du dossier, de s'associer avec une TPE tout juste créée à Lacq, Powertrend Energy Conversion, pour transférer une des innovations de l'Institut Hydro-Québec, dans le but, à terme, de produire des batteries issues d'une technologie révolutionnaire, et ce pour toute l'Europe.

Une technologie qui supplante toutes les autres ?

Une technologie associant phosphate de fer et nano-titanate, capable de donner naissance à des batteries électriques plus petites, plus légères, plus sûres, elles ne chauffent presque pas, capables de stocker 10 fois plus d'énergie que leurs concurrentes de même taille et pouvant supporter 30.000 cycles de rechargements. Soit des performances dix fois supérieures à celles affichées par les batteries les plus perfectionnées du marché. A l'image des batteries Lithium Métal Polymère (LMP), issues, elles aussi, d'un brevet de l'Institut de Recherche Hydro-Québec et de chercheurs texans, et qui font aujourd'hui la fierté de Vincent Bolloré qui les produit en Bretagne et au Canada. Des batteries qui équipent d'ailleurs ses Bluecar.

En clair, cette technologie pourrait bien répondre à la problématique des énergies éoliennes, hydroliennes, photovoltaïques... à savoir la question, non résolue à ce jour, du stockage de masse de l'électricité afin de la rendre disponible quand les besoins l'exigent. "Avec cette techno, dans l'équivalent, en taille, d'un container, ont peut stocker entre 2 et 4 MW. On pourrait en mettre aux pieds des champs d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques et/ou en faire des stations services de rechargements de véhicules électriques" prophétise Denis Lagourgue, l'ingénieur en mécanique franco-canadien porteur du projet.

Hydro-Québec a préféré Pau et Powertrend à la Chine

Le plus étonnant, c'est que ce projet soit porté, en France, par une TPE, Powertrend Energy Conversion,  qui à ce jour se limite à deux hommes, l'ingénieur tarbais, pionnier de la mécatronique de puissance, installé à Tarbes, Alain Jullien et donc Denis Lagourgue. "Ma rencontre avec ce génie visionnaire qu'est Alain Jullien a été déterminante dans cette aventure" tient à préciser  Denis Lagourgue. "Ensemble, nous avons pu créer, à Tarbes, un consortium réunissant notamment Alstom, Schneider Electric, l'Université de Pau, l'Enit...  autour du centre de recherche et une plateforme d'innovations : Primes. Nous avons pu créer une véritable chaîne de valeur autour de l'électronique de puissance, domaine dans lequel la France était absente. Cette expertise, et notre idée commune de créer un campus technologique associant recherche, industrie et formation autour de leur innovation, le tout sur un site unique, ont séduit Hydro-Québec qui nous fait confiance".

De la confiance, il en a fallu puisque le géant canadien a tiré un trait sur une proposition chinoise d'achat de brevet d'une valeur de 1 milliard de dollars pour lui préférer l'offre du français Powertrend... Surtout quand on sait que pour de le déploiement de la "batterie du futur" en Asie, Hydro Québec a cédé son brevet au géant japonais Sony...

Dans le plus grand secret à l'issue de plusieurs visites des décideurs du groupe canadien en France, deux protocoles d'accord ont été signés en décembre 2012, puis en mars 2014, avant la signature finale du 5 juillet dernier. Celle-ci prévoit qu'Hydro Québec transfère sa technologie de rupture à la société Powertrend Energy Conversion... dans laquelle elle prend des parts. "En fait, Hydro-Québec ne procède jamais de cette manière, mais nous lui avons offert 20% du capital de la société", raconte Denis Lagourgue. "A nos côtés et à ceux d'Hydro-Québec, la région Aquitaine, à hauteur de 10%, soit 5 M€ environ et cinq ou six multinationales vont également entrer au capital de Powertrend qui, dans un premier temps se situera entre 40 et 50 M€."

D'ici la fin de l'année, c'est près de Pau, à Lacq, que sortiront de terre les prémices de ce qui devrait devenir un site industriel majeur. Un site de 80 hectares (le site N°5 de Pau-Lacq), désormais réservé, dont la localisation ne doit rien au hasard.

"Chemparc et le Conseil Régional ont su comprendre l'intérêt économique, stratégique, de cette rupture technologique"

"Si nous avions d'abord pensé à Tarbes, parce que nous y étions installés, il est apparu très vite que nous n'aurions pas la place nécessaire pour l'avenir industriel du projet. Lacq s'est imposé très vite grâce aux compétences des décideurs de Chemparc et à la réactivité du Conseil régional et de Thibaut Richebois (Ndr. directeur de la recherche, de l'enseignement supérieur et du transfert de technologie au Conseil régional) qui a su très vite comprendre l'importance de cette rupture technologique et son impact économique potentiel ".

Dans un premier temps, "la phase 1 du projet qui durera jusqu'en 2017 va mobiliser 50 M€ d'investissement et génèrera 150 emplois" assure Denis Lagourgue. Powertrend, qui a loué des bureaux au sein de Chemparc, va d'abord créer, d'ici la fin de l'année, un laboratoire de recherche dédié au stockage de l'énergie. "Le contrat signé avec Hydro-Québec, c'est un contrat de partage de l'intelligence. Dans le cadre de ce projet, un institut de productique et de process va voir le jour à Pau, tout comme la première usine de poudre en nano particules d'Europe... le triptyque labo, industrie et formation est en route. Alain Jullien et moi sommes arrivés là où nous voulions aller. Il n'y a pas de projet de qualité dans le domaine de la recherche et de l'innovation sans l'enseignement et la formation derrière."

La phase 2 du projet, qui doit, à partir de 2017, permettre l'industrialisation de la production de batteries, devrait, elle, mobiliser au moins 400 M€ et générer, à terme, environ 600 emplois supplémentaires. On parle, d'ores et déjà, de la possible création de 16 usines de production de batteries de toutes tailles et usages, dévolues au marché européen, sur le bassin de Lacq. "Mais cette phase-là ne sera pas pilotée par Powertrend. Nous n'aurons jamais la surface financière pour le faire. Nous passerons le relais à un très gros industriel de taille mondiale". Un contact serait déjà très avancé...

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Commentaires 8
à écrit le 22/04/2018 à 4:17
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Votre partenaire pourrait-il être lié au Groupe TOTAL et à POWER CORP., société très liée au PLQ et au milieu politique ? Quelles seront les intérêts d'Hydro-Québec dans cette entente ? Des vraies retombées ou des miettes ?

à écrit le 25/07/2015 à 18:55
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S'il s'agit bien de phosphate de fer/titanate, c'est une technologie Li-ion, avec une tension de 1.8V et une densité d'énergie qui plafonne à 70Wh/kg, quand les meilleurs Li-ion aujourd'hui sont déjà à 250Wh/kg (comme dans la Tesla S par exemple). D...

le 16/12/2015 à 15:57
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tu na pas tord par contre la puissance est limité a 2000wh/kg tandis que celle-ci est 8000wh/kg

à écrit le 12/12/2014 à 18:45
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Parent d'un enfant en 1ere S sur Pau, quels sont les établissements et formations qui permettraient d'être recruté dans cette entreprise?

à écrit le 16/08/2014 à 11:43
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Possible que ces batteries soient en graphène et dès lors ne chauffent absolument pas et se chargent et déchargent à vitesse record ce qui permet une puissance suffisante pour alimenter des moteurs électriques nouvelle génération . J'imagine que le ...

à écrit le 11/07/2014 à 16:56
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Je suis surpris par cet article. D'une part cette technologie chauffe et nécessite d'être maintenue à une température supérieur a l'ambiance. D'autre part ces batteries souffrent d'une auto décharge forte (nettement supérieur au plomb...) la renda...

le 17/07/2014 à 0:06
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Moi c’est par ton commentaire que je suis surprise ! Premièrement la technologie phosphate de fer et nano-titanate ne chauffent presque pas. De plus, je ne vois pas ce qui te fait dire qu’il faut que la température soit maintenue supérieure à l’ambi...

le 12/12/2014 à 19:37
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Il y a quelques jours j'entendais parler de cette nouvelle pile mise au point par Hydro-Québec (Institut de Recherche Électrique du Québec, IREQ). J'ai dit à ma femme : WOW ! vient entendre ça, ils (l'H-Q) viennent de découvrir la façon de faire une ...

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