Pays basque : l'Estia enrôle les industriels de la mode dans le recyclage textile

L'école d'ingénieurs Estia basée à Bidart, dans les Pyrénées-Atlantiques, relance un programme sur trois ans avec sa chaire Bali, spécialisée dans l'innovation technologique dans l'industrie de la mode, avec de nouveaux partenaires. Eram et Petit Bateau entrent dans la danse de l'éco-conception textile, alors que Patatam, friperie en ligne, ambitionne d'ouvrir un site de collecte et de recyclage de la matière textile au Pays Basque.
Maxime Giraudeau
L'école d'ingénieurs de Bidart, l'Estia, accélère son programme de recherche sur l'éco-conception textile avec la promesse d'un site pilote d'une ampleur inédite en Europe.

Relocalisation industrielle. Le précepte est revenu en force avec la crise du Covid-19 et promet d'être au cœur des politiques publiques économiques des toutes prochaines années. A l'école d'ingénieurs de Bidart, sur la côte basque, l'Estia (École supérieure des technologies industrielles avancées), c'est déjà tout un groupe de recherche et une chaire - Bali pour Biarritz active lifestyle industry - qui se mobilise pour défendre le concept depuis 2017. Objectif : pousser les industriels de la mode et du textile à aller vers une collecte d'invendus ou d'usagés optimisée et une production issue de ce recyclage.

Financée par le Centre européen des textiles innovants (Ceti) et les industriels membres, la chaire Bali accueille, pour son nouveau programme 2020-2023, les entreprises Petit Bateau, Eram et Patatam. Ce dernier, implanté à Saint-Irube (64) depuis sa création en 2013, ambitionne d'ouvrir un site industriel pilote de production recyclée.

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Basé au Pays-Basque, il pourrait permettre d'organiser une collecte de vêtements invendus et usagés d'une ampleur inédite. "On est sur un programme européen pour un pilote industriel chez Patatam d'ici 2024. Il y a encore beaucoup de travail mais Patatam pourra absorber de plus gros volumes, avec une meilleur identification des produits", commente Chloé Salmon Legagneur, responsable de la chaire Bali. Dans l'idée, les industriels enverraient leurs invendus à la plateforme qui en ressortirait de nouveaux vêtements entièrement conçus à base de matières recyclées.

" La chaîne fonctionnera ainsi : les vêtements seront collectés pour les faire entrer en chaîne de valorisation avec des équipements qui vont reconnaître leur couleur et leur composition. Ensuite, nous pourrons, via des cellules de démantèlement, enlever les parties métalliques pour récupérer les textiles et les retransformer pour refaire du fil. Nous les regriffons pour qu'ils soient réintégrés dans la conception d'un vêtement", explique Chloé Salmon Legagneur.

Chaîne automatisée

Le site industriel promet d'être une première en France et en Europe. Un atout pour la filière, alors que les géants du textile s'engagent de plus en plus dans des objectifs ambitieux d'éco-conception d'ici 2030. Problème : ceux-ci rencontrent d'importantes difficultés à s'approvisionner en matières textiles usagées.

Aujourd'hui le système de collecte n'est pas suffisant pour répondre aux ambitions des marques, qui sont très nobles soit dit en passant. Avec la chaire Bali, nous essayons de repenser le système de collecte, par exemple dans les magasins des grandes firmes. Il faut viser un système de collecte beaucoup plus global et plus opérationnel pour répondre aux enjeux environnementaux.

A ce titre, le site de Patatam serait un test pour répondre à la demande. A la clé, une relocalisation industrielle, sans pour autant augurer un rapatriement des emplois manufacturiers car l'Estia travaille sur des chaînes de production majoritairement robotisées. Un programme prometteur pour les élèves ingénieurs de l'Estia, dont l'un vient d'être embauché par Patatam pour développer le projet sur les trois prochaines années.

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Un vêtement sur deux n'atteint pas le point de vente

Le site basque pourrait en appeler d'autres s'il se révèle à la hauteur des attentes. Un leader de l'industrie textile, basé à Saint-Sébastien en Espagne serait déjà intéressé pour un projet de même type. La relocalisation intéresse, mais elle n'est pas possible pour tous les industriels.

" Pour les industriels qui ont encore des savoirs-faire sur le territoire, ils auront une meilleure flexibilité et réactivité sur une demande qui va les bousculer rapidement. Les productions en Europe ne faisaient que chuter depuis dix ans, car le modèle linéaire de conception était à bout de souffle : en envoyant les ordres de fabrication en Asie, pour recevoir la production en Europe dix mois après, l'offre n'était pas réactive à la demande. Au final, un produit sur deux n'atteint jamais le point de vente. Il faut maintenant parvenir à recréer une production en lien avec le consommateur", martèle Chloé Salmon Legagneur.

Plus facile donc lorsque les firmes ont préservé des savoirs-faire et des emplois sur le territoire. La conjoncture augure en tout cas un tournant dans l'industrie textile, alors que Naf Naf, Camaïeu, André, la Halle ou encore Celio sont durement touchés par la crise économique et que la loi sur l'économie circulaire, votée en février 2020, impose aux acteurs de la mode et du textile une valorisation des invendus.

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Maxime Giraudeau

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