Quiksilver / Boardriders licencie 136 salariés et vend son siège de Saint-Jean-de-Luz

Le groupe Quiksilver / Boardriders vient de valider un plan de 136 licenciements économiques à Hossegor et Saint-Jean-de-Luz. 20 % des effectifs français sont supprimés. En plus de ce 3e plan social en six ans, la direction a également annoncé la mise en vente du vaste siège social de Saint-Jean-de-Luz.
Avis de gros temps sur les salariés de Boardriders / Quiksilver en France : près de 20 % des effectifs sont supprimés.
Avis de gros temps sur les salariés de Boardriders / Quiksilver en France : près de 20 % des effectifs sont supprimés. (Crédits : Googlemap)

Quiksilver, Roxy, DC Shoes, Billabong, Element  : les marques du groupe Na Pali / Boardriders, dont le siège social est situé à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), véhiculent dans le monde entier les valeurs habituellement accolées au monde du surf : sport, nature, insouciance. Pourtant depuis le décès en mer, début 2018, de Pierre Agnès, son emblématique président, le groupe traverse une période de fortes turbulences et les salariés français sont en première ligne.

450 M$ de dettes

Actionnaire majoritaire de Boardriders depuis 2015, le dirigeant du fonds américain Oaktree Capital, Dave Tanner, est devenu l'an dernier le nouveau patron du groupe qui emploie 9.000 salariés dans le monde, compte 630 boutiques dans 28 pays et génère un chiffre d'affaires qui devrait atteindre 1,9 Md$ en 2019. Dès son arrivée, Dave Tanner a engagé une vaste réorganisation de l'entreprise pour dégager pas moins de 106 M$ (environ 96 M€) d'économies grâce à des "synergies", en clair des coupes dans les coûts de fonctionnement.

Malgré le rachat de Billabong l'an dernier, le groupe Boardriders rencontre en effet des difficultés économiques et affichait un résultat d'exploitation négatif de 7 M$ en 2018, pour la 4e année consécutive malgré un redressement relatif (-43 M$ en 2016 et -10 M$ en 2017). A l'inverse, le résultat d'exploitation est resté positif en Europe, qui reste le principal marché, malgré des ventes en baisse sur les trois marques iconiques (Quiksilver, Roxy et DC Shoes). "Ce résultat positif en Europe est lié à une politique de refacturation interne favorable", fait valoir la direction.

Confrontée à un endettement de 450 M$, celle-ci cherche à améliorer son profil emprunteur pour réduire à tout prix ses lourdes charges d'intérêt. "Grâce aux synergies, l'EBITDA [résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissement, NDLR] atteindrait 202 M$ en 2021 [contre 106 M$ en 2018, NDLR] ce qui facilitera la renégociation de la dette et permettra d'investir dans le marketing afin de redynamiser les ventes", indique ainsi la direction dans un document interne. En septembre, Dave Tanner assurait avoir atteint 75 % de ses objectifs de synergies (environ 70 M$) et défend désormais une stratégie de collections plus petites, plus flexibles et plus rapides à déployer sur les marchés régionaux (Amérique du Nord, Europe, Australie, Asie). Il souhaite aussi accélérer sur le marché textile féminin et investir dans le numérique et le e-commerce. Sur les trois premiers trimestres de 2019, les ventes sont toujours en repli sur tous les continents (1,32 Md$ en repli de -4,4 % sur un an) mais, grâce aux économies réalisées, l'EBITDA s'établit désormais à 97 M$ (+11,9 %).

73 licenciements à Saint-Jean-de-Luz, 63 à Hossegor

En France, cette situation financière délicate et cette stratégie d'économies à marche forcée se traduisent par le troisième plan de licenciements en six ans après ceux intervenus en 2013 et 2016. Cette fois, c'est le regroupement à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) des équipes de Billabong encore installées à Soorts-Hossegor (Landes) dont la fermeture définitive a été annoncé en début d'année.

Lire aussi : Glisse : Billabong quitte Soorts-Hossegor pour Saint-Jean-de-Luz

Ce mouvement s'accompagne d'un vaste plan de licenciements économiques : au mois d'avril, la direction Europe a annoncé la suppression de 194 postes en France. Au sein de Na Pali / Boardriders, stricto sensu (*), le plan de sauvegarde de l'emploi concerne 164 postes et se traduit par le licenciement collectif, pour motif économique, de 136 salariés (73 à Saint-Jean-de-Luz et 63 à Hossegor). Une véritable saignée qui correspond à 20 % des effectifs français en CDI ! En mai dernier, Na Pali comptait en effet 699 CDI et 37 CDD.

Ce plan a été validé le 23 mai dernier par la Direccte (direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) de Nouvelle-Aquitaine et a fait l'objet d'un vote défavorable du comité social et économique (CSE) de l'entreprise quelques semaines plus tôt. Le PSE prévoit notamment des aides à la mobilité vers Saint-Jean-de-Luz (navette, indemnité kilométrique, aide au déménagement, aide au reclassement du conjoint et pour trouver une place en crèche, etc.) ainsi que des aides au reclassement : de 5.000 à 10.000 € HT pour une formation et 10.000 € bruts pour une création d'activité. Un congé de reclassement de douze mois à 80 % du salaire brut mensuel est également prévu.

La position française fragilisée

Le CSE a notamment souligné son inquiétude au sujet de "la suppression des directeurs commerciaux alors que l'entreprise doit chercher de la croissance et augmenter son chiffre d'affaires" et de "la délocalisation du sourcing à Hong Kong qui ne garantit pas une hausse de la qualité des produits". Car la principale crainte des salariés français est bien de voir le centre d'excellence textile, basé en France, perdre de l'influence voire disparaître au profit de l'Amérique, de l'Australie et de l'Asie. Pierre Agnès, très attaché à la côte basque, jouait le rôle de garant de la pérennité des activités en France. Depuis sa disparition, le top management du groupe en Europe est progressivement trusté par des profils nord-américains et les effectifs européens sont réduits au profit des équipes installées en Asie ou aux Etats-Unis. Au printemps 2019, l'équipe DC Shoes en France a ainsi été dissoute au profit de l'équipe américaine tandis que le président Europe, le Français Thomas Chambolle qui avait pris la suite de Pierre Agnès, a été remplacé par l'Australien Greg Healy. Parallèlement, l'antenne de Hongkong est, elle, en plein essor.

Et les salariés de la côte basque ont d'autres raisons de s'inquiéter sur leur avenir depuis l'annonce fracassante de Greg Healy le 27 septembre dernier devant tous les salariés du siège : les locaux de Saint-Jean-de-Luz sont mis en vente ! Si la démarche aboutit, Quiksilver deviendra alors locataire de ses propres locaux. Un levier couramment utilisé dans les opérations de LBO (rachat par endettement) pour faire rentrer rapidement de l'argent frais dans les caisses. Il faut dire que le "campus" de Quiksilver à Saint-Jean-de-Luz, inauguré en 2010, est un bien de premier choix avec 15.000 m2 de bâti sur un terrain de 11 hectares et un parking de 400 places, le tout avec vue sur la mer.

Quant à la rentabilité à long terme de l'opération et à la pérennité de l'implantation du groupe à Saint-Jean-de-Luz, c'est une autre histoire. Et dans ce contexte tendu, le serpent de mer du projet de piscines à vagues et de complexe hôtelier dans la perspective des Jeux olympiques 2024 paraît incongru voire surréaliste à bien des salariés.

Malgré de multiples sollicitations, aucun membre de la direction, ni du CSE de Na Pali / Boardriders n'a souhaité répondre aux questions de La Tribune.

(*) Les effectifs de DC Shoes ne sont pas comptabilisés dans ce PSE car rattachés à une autre entité légale, Emerald Coast.

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Commentaires 4
à écrit le 29/05/2020 à 17:10
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Revenez sur vos fondamentaux avec de la qualité, des couleurs, de la vague, des tee shirts, sweet shirts du graphisme type photo que vous faisiez avant. Aujourd'hui si vous cherchez un tee shirt ou un débardeur moderne il n'y a plus rien. Pas de vêt...

à écrit le 13/10/2019 à 9:48
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Et en plus ,ils vont se taper la nouvelle réforme du chômage.

à écrit le 12/10/2019 à 0:32
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On ne veut pas de vous pour bosser mais on veut de vous pour consommer...chercher l’erreur. Il y en a pas ,il suffit de réfléchir et d’acheter du made in france (ex. toyota label france).

à écrit le 11/10/2019 à 19:28
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Evidemment, c'est bien triste pour les futurs licenciés à qui je souhaite de retrouver rapidement un poste en cette période qu'on nous dépeint de vaches grasses. Etonnant, ce nombre d'instances qui donnent leur avis sur un bateau qui sombre: laisso...

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