Quand la gestion des déchets préoccupe les acteurs touristiques

Le poids des déchets ne représente certes pas la part la plus élevée de l'empreinte carbone des acteurs du tourisme. Mais les démarches de limitation, collecte et valorisation des déchets se multiplient à la faveur de la réglementation mais aussi des économies qu'elles peuvent engendrer.
Le Domaine Ecôtelia, qui propose des hébergements insolites en Gironde, travaille sur la réduction des déchets depuis une dizaine d'années.
Le Domaine Ecôtelia, qui propose des hébergements insolites en Gironde, travaille sur la réduction des déchets depuis une dizaine d'années. (Crédits : Domaine Ecotelia)

Dans les hébergements insolites du Domaine Ecôtelia en Gironde, des seaux pour trier les biodéchets destinés au compost, le carton, le verre et les ordures ménagères non recyclables équipent les cuisines depuis la création du site il y a dix ans, avec des panneaux explicatifs destinés aux occupants. « Le tri des déchets a été une évidence dès le départ, avec pour maître-mot la simplicité pour les utilisateurs. Mais nous essayons d'aller plus loin en travaillant, quand c'est possible, avec des fournisseurs qui mettent en place des consignes - le jus de pomme du petit-déjeuner, les plats en bocaux des paniers repas, les yaourts ou la bière - et adoptons plein de petits gestes comme faire le ménage avec des nettoyants vapeur de façon à limiter la production de déchets », indique Olivier Clerc, fondateur et dirigeant d'Ecôtelia.

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De nouvelles obligations légales

Ce choix guidé par des convictions personnelles s'est depuis fait rattraper par la législation : le tri à la source est devenu obligatoire au 1er juillet 2016, tout comme la collecte et la valorisation des biodéchets, qui concerne depuis le 1er janvier 2024 l'ensemble des entreprises. Une nécessité puisque selon le bilan 2021 des gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France réalisé par l'Ademe, chaque touriste produit autant de déchets qu'un habitant, soit 1,4kg de déchets ménagers par jour, qui génèrent une surproduction de 27 %.

Pour valoriser les biodéchets produits sur les événements qu'elle accueille, La Rochelle Tourisme & Événements a contracté avec Alter Gaïa, spécialisée dans la collecte et la valorisation de ces déchets. « Cette sous-traitance nous permet de mesurer précisément le tonnage de chaque événement. Nous avons ainsi pointé l'année dernière deux événements où il était trop important et nous nous sommes rapprochés des organisateurs pour comprendre et essayer de faire évoluer leurs pratiques », note Nicolas Martin, directeur de la société d'économie mixte.

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Un besoin d'accompagnement

Beaucoup d'autres professionnels se sentent en revanche démunis face à la réglementation. « Une étude menée en 2023 auprès des membres de nos trois filières (Union nationale des associations de tourisme (UNAT) Nouvelle-Aquitaine, Union des métiers et des industries de l'hôtellerie Nouvelle-Aquitaine (UMIHNA) et Nouvelle-Aquitaine Hôtellerie de plein air (NAHPA), a identifié un besoin d'accompagnement », indique Andrea Pedersen, animatrice tri et valorisation des biodéchets en tourisme pour l'Interfilière tourisme durable Nouvelle-Aquitaine.

L'Interfilière déploie donc depuis le printemps un parcours « Tri et valorisation des biodéchets en tourisme » à destination de ses adhérents, comprenant des actions de formation à distance, une étude de faisabilité et un accompagnement à la mise en œuvre des préconisations, jusqu'en août 2025. Lauréat de l'appel à projets du conseil régional Nouvelle-Aquitaine « BioDpro : solutions de biodéchets des professionnels de Nouvelle-Aquitaine », le programme s'est vu doter d'une subvention de 133.750 euros par la collectivité et est également financé par l'Ademe. Il cible 100 entreprises, mais n'a pas encore fait le plein : les inscriptions sont par conséquent encore ouvertes jusqu'en octobre, après la fin de la saison.

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Un gisement d'économies

Ayant accompagné dans leur transition écologique plus de 700 acteurs de l'hébergement touristique, la société bordelaise We Go GreenR reconnaît la difficulté à embarquer ces professionnels dans de tels projets. « Le principal frein est qu'ils doivent d'abord répondre à une première préoccupation : trouver de la main d'œuvre », estime Marie-Pierre Schaubroeck, cofondatrice de la startup. Sans parler de leur manque de disponibilité.

La démarche présente cependant un intérêt majeur. Food Index for good (FIG) intervient par exemple auprès des restaurateurs pour réduire leur empreinte carbone. Même si dans ce secteur travailler sur ses déchets pèse pour moins de 5 % de son empreinte carbone (la plus grande part étant liée à l'énergie), c'est un levier très visible. « Il a un aspect psychologique important auprès des équipes comme des clients. Et pour réduire son empreinte carbone globale, la lutte contre le gaspillage et donc la quantité de déchets générés contribuent à faire des économies et améliorer les marges des restaurateurs », avance Eva Genel, cofondatrice de FIG. Et de citer les chiffres de l'Ademe, selon lesquels 10 % des sommes consacrées à l'achat des ingrédients sont effectivement jetées.

Les marges de progrès sont donc réelles et dépassent le seul volet alimentaire. La Rochelle Tourisme & Événements mesure assez finement depuis deux ans le tonnage de ses déchets en verre, mais aussi en moquette ou goodies à l'issue des congrès organisés dans ses locaux. « En tant que chef d'orchestre, nous édictions des règles, nous apportons des facilités en installant de plus en plus de fontaine d'eau pour éviter les bouteilles en plastique et nous disposons aussi de marges de manœuvre budgétaires. Par exemple, nous faisons désormais payer la dépose et le recyclage de la moquette, pour inciter à ne plus en utiliser », souligne Nicolas Martin. Reste que changer les habitudes demande du temps.

Des expérimentations portées par la Région

Outre l'appel à projets sur les biodéchets, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine déploie plusieurs actions en faveur de la gestion des déchets des acteurs du tourisme. Deux projets sont en cours dans le cadre de l'appel à expérimentation Tourisme innovant. Le premier concerne une expérimentation de compostage mutualisé de proximité entre professionnels du tourisme, dans des campings ou villages vacances disposant de l'espace nécessaire. L'autre porte sur une collecte anti-gaspillage et solidaire des surplus alimentaires de la filière événementielle, opérée par l'association Le Chaînon à destination de personnes vulnérables.

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Commentaire 1
à écrit le 01/08/2024 à 8:58
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Les gens sont propres, c'est la société marchande qui est sale et donc leurs propriétaires et responsables qui ne sont pas si nombreux que cela, qui pourraient changer si on avait des politiciens non larbins de la finance, mais dans notre système dél...

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