Industrie, énergie, aéronautique : la PME Epsilon Composite câblée pour devenir une ETI

En ouvrant son capital à un actionnaire étranger et en décrochant des contrats sur le marché des lignes à haute tension, Epsilon Composite se donne les moyens de nourrir une forte croissance. La PME girondine, spécialisée dans les matériaux composites à base de fibre de carbone, prévoit de tripler son activité et d'agrandir son site historique dans le Médoc.
(Crédits : Epsilon Composite)

Depuis sa création par Stéphane Lull en 1987, à Gaillan-en-Médoc, Epsilon Composite a su trouver, renouveler et étoffer ses marchés au fil des ans pour vendre ses matériaux composites issus d'un processus breveté et jalousement protégé : la pultrusion de la fibre de carbone. Ce procédé automatisé permet la production continue de profilés en matériaux composites haute performance en tirant la fibre de carbone - ce fil cent fois plus fin qu'un cheveu - à travers un moule chauffant. Et les applications pour ces matériaux légers et résistants sont innombrables : éléments pour l'industrie et ses machine outils et pour l'aéronautique, dispositifs de sécurisation pour les infrastructures et le génie civil ou encore des objets plus simples pour le secteur des sports et loisirs tels que des pagaies ou des bâtons de marche.

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100 millions d'euros en 2030

Désormais pilotée par Alexandre Lull, 35 ans, la PME médocaine qui emploie déjà 230 salariés pour 33 millions d'euros de chiffre d'affaires s'attèle à écrire un nouveau chapitre qui doit la mener au statut d'ETI (entreprise de taille intermédiaire). C'est à dire au-delà des 250 salariés et des 50 millions d'euros. « L'enjeu n'est pas d'acter une course à la croissance mais de continuer à privilégier la qualité de nos produits et le bien-être de nos équipes », tempère toutefois le directeur général qui opère sous la présidence de son père. « Mais on envisage un premier pallier à 50 millions d'euros puis, si c'est possible, le cap des 100 millions d'euros en 2030. »

Epsilon Composite

À 35 ans, Alexandre Lull est directeur général délégué d'Epsilon Composite depuis sept ans. Son père Stéphane reste PDG de l'entreprise médocaine (crédits : Epsilon Composite).

Une feuille de route qui implique une décision stratégique pour cette entreprise historiquement ancrée dans le Médoc. Jusque-là détenue par la famille Lull, majoritaire, et par une cinquantaine de ses salariés, elle ouvre son capital au groupe japonais Sumitomo, qui entre comme actionnaire minoritaire au 3e rang.

Epsilon Composite réalise déjà 80 % de son chiffre d'affaires à l'export mais ce rapprochement avec Sumitomo n'est pas anodin au regard du profil de ce puissant conglomérat industriel qui est aussi un client historique de la PME médocaine. Créé en 1919, il chapeaute 884 entreprises et emploie 80.000 salariés dans 65 pays pour un résultat net de 2,6 milliards de dollars en 2023 et plus de 29 milliards de dollars de fonds propres. Le groupe opère dans les domaines de l'énergie, l'acier, l'automobile, les transports, les matières premières, la chimie, l'aménagement urbain ou encore la mode et les médias.

La locomotive des câbles électriques

« La logique est d'injecter de l'argent dans l'entreprise pour financer cette phase de croissance, notamment pour se développer sur le marché des câbles à haute-tension, qui nécessite beaucoup de trésorerie, et pour structurer un réseau commercial dans le monde entier », justifie Alexandre Lull. Le chef d'entreprise ambitionne ainsi d'ouvrir deux sites à l'international d'ici à 2026 : l'un en Asie, l'autre aux États-Unis. Une manière de se rapprocher de ses clients et futurs clients face à ses deux concurrents directs que sont CTC Global (États-Unis) et Tokyo Rope (Japon).

Et dans l'immédiat, c'est bien le marché des câbles à haute-tension qui fait office de principale locomotive de croissance d'Epsilon. Cette activité démarrée dès 2011 monte en puissance depuis trois ans. « Nous avons déjà déployé 3.000 km de câbles et nous allons en déposer 3.000 de plus rien qu'en 2024 ! La transition énergétique tire le marché avec l'électrification croissante des usages et le développement des énergies renouvelables. Cela implique de renforcer le maillage et la résilience des réseaux existants ou futurs », illustre Alexandre Lull. La PME vise autant le marché des lignes nouvelles dans les pays émergents que celui des rénovations de lignes dans les économies déjà pourvues en infrastructures électriques.

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Epsilon Composite

À gauche, un câble doté d'une âme composite, à droite un câble classique doté d'une âme en acier (crédits : Epsilon Composite).

L'argument d'Epsilon c'est de remplacer l'âme du câble à haute tension, habituellement en acier, par une âme composite issue de fibre de carbone « plus légère, plus résistante, qui ne se dilate pas et qui peut transporter deux fois plus de courant » mais aussi plus coûteuse avec « un prix trois fois plus élevé ».

Une extension du site historique

La PME vient de décrocher un important contrat pour électrifier le nord du Cameroun avec un consortium composé de Sonatrel Cameroun, TransRail et Dervaux. Un investissement global qui s'élève à 1,2 milliard d'euros pour ce pays d'Afrique de l'Ouest. Et Epsilon Composite est aussi chef de file du projet Smart Cables qui associe l'équipementier Sicame, le chimiste Resoltech ainsi que des laboratoires des Arts & Métiers et de l'Université de Montpellier. Ce programme de R&D soutenu notamment par France 2030, RTE et Nexans vise à développer de nouveaux produits et services autour de ces câbles de nouvelle génération.

Parallèlement, Epsilon Composite porte un plan d'investissement de 20 millions d'euros sur cinq ans pour développer cette activité et étendre son site médocain de 18.000 m2 où les équipes travaillent déjà 7j/7 et 24h/24. Déjà premier employeur privé du Médoc, la PME compte bien le rester et vise 300 salariés à l'horizon 2030.

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