"L'enjeu solidaire du financement participatif est en phase avec ce que nous sommes. On veut proposer une alternative au regroupement constant des grands groupes. Il y a une solidarité citoyenne autour de ce projet", explique David Pagès, directeur de la Coopérative laitière du Pays basque (CLPB). De fait, la première campagne de crowfunding sur le mode du don contre don lancée fin juillet par la CLPB sur Bulb in Town a rencontré un franc succès : l'objectif de 100.000 € était réalisé en moins d'un mois. Ce matin, la somme de 126.000 € était atteinte avec des contreparties telles que dégustation de plateaux de fromages, adoption d'une brebis, rencontre avec les producteurs, séjours dans les Aldudes. La campagne a toujours cours jusqu'à fin octobre.

Adopter une brebis : l'une des contreparties de la campagne don contre don

"Poil à gratter des groupes industriels"

Une deuxième campagne, d'investissement en capital cette fois, a ensuite été lancée pour créer une filiale dédiée à la commercialisation qui doit désormais monter en puissance.

Née d'une scission d'un groupe coopératif après les tensions permanentes sur les prix dans les années 90 qui se cristallisent autour de récurrentes crises du lait, la Coopérative laitière du Pays basque s'est créée autour de 70 producteurs. "Déjà à l'époque, cette démarche partait d'une volonté de travailler en toute indépendance vis-à-vis des circuits classiques de collecte. Aujourd'hui encore, la CLPB est toujours un peu le poil à gratter des groupes industriels", témoigne David Pagès. Dans ce bassin qui compte 70 millions de litres de lait de brebis produits par 1.500 producteurs (2e bassin français après l'Aveyron avec le Roquefort), avec des groupes comme Lactalis, Bongrain, Sodiaal ou Andros qui concentrent 70 à 80 % des volumes, la CLPB prend la décision de transformer elle-même son lait en 2011.

La Fromagerie des Alduldes entre en service en 2014 pour fabriquer fromages et beurres avec le lait des 103 producteurs de la coopérative. 6 M€ sont investis par la Communauté de communes de Garazi Baigorri et la coopérative dans ce projet de 1.500 m2.

Un objectif minimum de 200.000 euros

Aujourd'hui, CLPB compte 70 % de producteurs de lait de brebis et 30 % d'éleveurs de vaches. La laiterie collecte les deux laits produits avec une démarche de qualité certifiée AOP Ossau Iraty pour le lait de brebis et Bleu-Blanc-Cœur pour le vache. La laiterie produit donc du beurre, des fromages basques traditionnels à pâte pressée, des fromages à pâte molle (fromages frais de vache et brebis et petites bûchettes), ainsi que du lait de consommation de vache demi-écrémé. La moitié de la production de la fromagerie est écoulée via la grande distribution, l'autre moitié via le secteur traditionnel (crèmeries, fromageries, restaurants, etc.) sous les marques Etxaldia et Aldarri.

Les éleveurs de vache sont engagés dans la démarche Bleu-Blanc-Coeur.

La CLPB en appelle désormais au financement participatif pour accélérer le développement de sa fromagerie. Avec 25 salariés, l'entreprise qui a réalisé en 2014 un chiffre d'affaires de 5 M€ (lait en vrac et fromage) va tripler cette année le CA réalisé avec ses produits transformés pour arriver en fin d'année à un CA global de 6 M€.  Mais la constitution du stock demande des moyens financiers importants, pour un produit à cycle long puisque les fromages demandent 4 à 6 mois d'affinage.

"On arrive au bout de nos ressources financières, explique David Pagès. Avec cette opération, on pourra faire levier sur les banques. La vente de lait, c'est du chiffre d'affaires, mais pas de la marge. Le CA de 2015 est réalisé à 20 % par le lait transformé, l'objectif est d'arriver à 100 % dans quelques années. C'est-à-dire ne plus vendre de lait. En 2015, le CA est réalisé à près de 80 % par la vente de lait, ce rapport devrait être de 50/50 en 2016."

Pour la deuxième campagne d'investissement en capital, la CLPB s'est fixé un objectif minimum de 200.000 euros à atteindre fin octobre pour que la campagne soit validée et puisse être prolongée puisque la coopérative espère atteindre les 600.000 sur cette seconde levée destinée à sa filiale dédiée à la commercialisation. Il est possible de prendre des parts à partir de 300 €.

"Nous avons un groupe très déterminé, les producteurs ont mis tous les moyens qu'ils avaient sur la table pour financer la fromagerie : nous avons plus que doublé le capital et les producteurs de lait ont accepté que le délai de paiement de leur lait soit repoussé à quatre mois. Ils font preuve de détermination et de sacrifice parce que nous avons une année de recul sur notre lancement commercial, nous avons triplé notre CA sur ces produits, et nous voyons que nous sommes dans le vrai."