Meublés touristiques : députés et élus locaux pressent l’Etat d'agir face à une situation « d'urgence »

Députés, élus locaux et représentants professionnels étaient réunis à La Rochelle ce mercredi pour présenter la mouture révisée d'une proposition de loi de régulation des meublés de tourisme. Dans une ville où leur nombre a bondi de 175 % en trois ans, tous parlent d'une « urgence exponentielle ». Mais après un retard de calendrier, l'alliance transpartisane a été contrainte d'alléger ses revendications.
A La Rochelle, la municipalité cherche, en vain à réguler la poussée des meublés de tourisme.
A La Rochelle, la municipalité cherche, en vain à réguler la poussée des meublés de tourisme. (Crédits : MG / La Tribune)

« Nous ne sommes pas que des stations balnéaires ! » C'était, en somme, la teneur du discours des élus présents, à La Rochelle ce mercredi 12 juillet, qui pestent contre l'explosion des meublés de tourisme. À l'image des propos du maire Jean-François Fountaine, la coordination entre élus et nationaux avec les représentants professionnels veut changer de braquet. La proposition de loi finalisée en avril devait être présentée à l'Assemblée nationale lors de la semaine transpartisane en juin... mais a finalement été reportée sine die.

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Les députés Annaïg Le Meur (Renaissance) et Julien Bayou (EELV), le maire de La Rochelle Jean-François Fountaine, le 1er adjoint du maire de Saint-Malo, Jean-Virgile Crance, accompagnés des représentants de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, Véronique Siegel et Eric Abihssira, n'entendent pas en rester là. Tous réclament qu'un texte puisse être examiné par le Parlement d'ici la fin de l'année. Car, sur fond de crise du bâtiment, de pénurie de logements pour les travailleurs et de concentration des meublés de tourisme dans les grandes villes, les territoires se retrouvent face à « un phénomène exponentiel qui implique un besoin d'urgence. »

Un rééquilibrage fiscal entre les marchés locatifs

« L'attractivité se traduit par une demande touristique forte et c'est une bonne nouvelle », tempère Jean-François Foutaine. « Mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment de nos habitants et de ceux qui veulent habiter à La Rochelle », dans une ville, comme beaucoup d'autres, où les prix de location d'un meublé de tourisme pour une semaine ont atteint ceux d'une location classique pour un mois. En plus des élus locaux, représentant notamment des cités côtières, les députés porteurs de la proposition de loi peuvent compter sur l'appui de l'Umih pour mener leur lobbyisme.

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« Les effets de l'augmentation des meublés de tourisme nous touchent tous. Faute de pouvoir loger leurs salariés, nos établissements en restauration sont obligés de réduire leurs activités saisonnières », fustige Véronique Siegel, présidente de l'Umih Hotellerie, face à un problème aux causes multiples. « Aujourd'hui, nous demandons un rééquilibrage fiscal avec Airbnb. Il est nécessaire que nous ayons les mêmes règles du jeu puisque nous pratiquons le même métier », ajoute-t-elle encore. Ça tombe bien, les députés ont conservé dans leur proposition de loi révisée l'idée de mettre fin aux avantages fiscaux des propriétaires de meublés touristiques (l'abattement fiscal tomberait de 71 à 50 voire 30 %). Les porteurs mettent l'accent sur trois principaux points qui découlent des sept grandes mesures présentées début mai.

Donner du pouvoir aux maires

Ils souhaitent tout d'abord imposer le Diagnostic de performance énergétique (DPE) à tous les biens mis en location sur le marché de courte durée. Ainsi, les logements classés G, F et E ne pourraient plus être loués sur le marché des plateformes d'ici 2025, 2028 et 2034. Pour l'instant, ces habitats sont encore disponibles sur Airbnb... mais demeurent interdits sur le marché locatif classique. En revanche, Annaïg Le Meur a précisé que cette obligation serait laissée à l'appréciation des maires, au vu des situations disparates entre villes balnéaires et stations de ski par exemple où, pour ce dernier cas, il n'existe pas de marché de location longue durée.

Ensuite, les députés veulent permettre à toutes les communes de zones tendues de pouvoir recenser les biens touristiques via un numéro d'identification et un changement d'usage des logements. Un dispositif mis en place à La Rochelle dès 2019 et grâce auquel la municipalité suit l'évolution du parc, dans une ville qui compte 5.000 meublés touristiques en 2023. Aujourd'hui, seules les villes de plus de 200.000 habitants peuvent le faire - complétées par une liste de communes dites tendues et de plus 50.000 habitants recensées par l'État. Plus loin encore, les maires auraient la possibilité, via le Plan local d'urbanisme, de déterminer l'usage final des bâtiments et d'interdire donc les meublés de tourisme sur certains zonages. Une mesure qui, selon la députée Renaissance, aura de toute façon peu de chance d'être validée par le Conseil d'État en raison de sa non-conformité avec le droit de propriété. Le dernier volet présenté étant le volet fiscal, où les députés souhaitent appliquer les mêmes règles que celles en vigueur sur le marché locatif classique, pour répondre à un « sentiment d'inéquité ».

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Des mesures coercitives désapprouvées par les propriétaires

Une observation que l'Union nationale des propriétaires (Unpi), à l'origine de moult recours devant les tribunaux face aux réglementations territoriales, ne partage pas. « Le problème soulevé, des zones tendues et des gens qui n'arrivent pas à se loger à cause de la courte durée, c'est un problème sur lequel on peut peut-être réfléchir. On n'est pas fermé sur le sujet. Mais il faut savoir de quel type de localité il s'agit : là on prend les zones tendues mais elles ne sont pas toutes touristiques et soumises à des tensions ! », agite Frédéric Pelissolo. L'administrateur de l'Unpi s'élève contre des mesures qu'il juge « coercitives, notamment sur la hausse de la fiscalité qui contraindrait les propriétaires à réaliser moins de travaux de rénovation sur leurs biens. »

En revanche, cette nouvelle proposition de loi marque un recul d'ambition puisque la réglementation du nouveau nombre de jours légaux pour une mise en location d'un meublé de tourisme a été retirée. Comme annoncé en mai, les députés souhaitaient baisser ce volume de 120 à 90 jours par an. Mais dans un souci de travail transpartisan et d'espoir de vote favorable, l'ambition a été balayée. « Cela impliquait le risque que le texte ne soit pas voté », indique Annaïg Le Meur à La Tribune. Les maires quant à eux ont de vives attentes et espèrent éviter « une loi nationale qui ne répondent pas aux problématiques locales », comme l'évoque Jean-Virgile Crance, élu de Saint-Malo.

Octobre ou décembre pour l'Assemblée

Côté calendrier, deux possibilités se dessinent. La proposition de loi pourrait être portée à l'Assemblée en décembre, lors d'une semaine transpartisane. Mais l'alliance veut aller plus vite et va demander au gouvernement d'introduire le sujet en octobre, lors des premiers débats sur le projet de loi de finances pour 2024. De quoi aussi permettre au gouvernement de l'intégrer dans une réponse globale à la structurelle crise du logement. « C'est plus intéressant d'avoir un projet de loi qui englobe les situations pour déterminer une politique générale du logement », brandit la députée Renaissance qui lance un appel du pied à son gouvernement. Ce sur quoi Julien Bayou ne manque pas de rebondir : « Ce sujet fait véritablement consensus. Aujourd'hui, il ne manque plus que le gouvernement ! »

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