Nouvelle-Aquitaine : la formidable mobilisation pour fabriquer masques et visières

Startups, Fablabs, tiers-lieux ou simples « makers » particuliers : ils se sont levés en Gironde et dans toute la Nouvelle-Aquitaine pour fabriquer et distribuer près de 200.000 masques en tissus et plus de 100.000 visières de protection contre la pandémie.
Des imprimantes 3D utilisées par le groupe de volontaires 3D Makers 33 pour fabriquer des visières de protection pendant le confinement.
Des imprimantes 3D utilisées par le groupe de volontaires "3D Makers 33" pour fabriquer des visières de protection pendant le confinement. (Crédits : Jean-Luc Escalant)

En l'espace de quelques jours, les imprimantes 3D de Gryp se sont arrêtées faute de commandes... avant de redémarrer à plein pour produire des visières de protection contre le Covid-19. Spécialisée dans l'impression 3D de pièces pour l'automobile et l'aéronautique, la startup bordelaise a en effet pivoté l'ensemble de ses moyens de production pour fabriquer des visières en urgence puis pendant toute la durée du confinement. « Avec D33D, Ideokub et le Fablab de Bordeaux Ecole Numérique, on a mutualisé nos efforts pour fabriquer et fournir gratuitement 2.500 visières de protection en PVC pour le CHU de Bordeaux et d'autres centres hospitaliers mais aussi 3.500 visières pour les policiers, pompiers, infirmiers, ambulanciers, etc. », témoigne Gauthier Laviron, l'un des co-fondateurs de Gryp, créée en 2017 et qui compte un salarié en plus des deux associés. La matière première pour fabriquer les visières a notamment été financée par la société d'ingénierie Ingéliance tandis que des liens ont été approfondis avec le cabinet de design Felix & Associés et le CHU de Bordeaux pour la fourniture de valves pour respirateurs artificiels.

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Un effort solidaire de Gryp qui est loin d'être un cas isolé, bien au contraire. Jean-Luc Escalant, ingénieur informatique à Martillac (Gironde), a ainsi piloté une incroyable mobilisation de particuliers dans tout le département au sein du groupe Facebook « Les 3D Makers 33 ». Avec son fils Guillaume et un ami dessinateur mécanique chez Thales Avionics, Jean-Noël Klaver, ils ont décidé d'utiliser leurs imprimantes 3D pour fabriquer des visières. Au fil du confinement, ils seront une centaine de makers, des amateurs en immense majorité, à les rejoindre pour produire 33.000 visières ! « On a commencé avec un Google doc basique et on a fini par créer une application dédiée dotée d'un formulaire de demande, d'un suivi des commandes et d'un outil permettant même d'assurer les livraisons en fonction de la géolocalisation des uns et des autres », explique Jean-Luc Escalant.

Au final, ces visières fabriquées et distribuées gratuitement ont permis d'approvisionner plus de 2.500 organismes girondins dont des forces de l'ordre, dentistes, grandes surfaces, maraudeurs, infirmières, etc. « C'est une organisation maillée et hyper-dynamique qui s'est créée avant de disparaître avec le déconfinement puisque chacun a repris son activité professionnelle mais j'en retiens qu'il faut faire confiance aux gens et à leurs sens des responsabilités », insiste Jean-Luc Escalant. Et comme pour Gryp, les makers mobilisés ont pu compter notamment sur le soutien financier de la Fondation Vinci et d'une cagnotte en ligne abondée à hauteur de 22.000 € pour payer la matière première.

Cet élan collectif ne s'est pas arrêté aux frontières girondines puisque la Fédération des Tiers-lieux, installée à Floirac, a répertorié au total en Nouvelle-Aquitaine plus de 100.000 visières produites à titre gracieux par 23 tiers-lieux, structures et collectifs. C'est notamment le cas du tiers-lieu Sew&Laine qui a coordonné la fabrication de près de 200.000 masques en tissus vendus à prix coûtant avec le soutien de Bordeaux Métropole et de la Région. Autant de projets qui ont bien souvent dépassé les attentes de leurs propres initiateurs : « On visait moins au départ quand on a créé le consortium Home Made qui visait surtout à fédérer des énergies du terrain déjà existantes moins de dix jours près le début du confinement. C'est assez extraordinaire ! Tout a fonctionné avec des fichiers partagés et des logiciels libres », remarque Lucile Aigron, co-gérante de la Coopérative. Et il est possible que cette nouvelle configuration économique spontanée fondée sur un maillage de micro-usines au lieu d'un site de production centralisé s'inscrive dans la durée. « Nous travaillons avec la Région à pérenniser ce système de production décentralisé et continuer à aider le secteur sanitaire et social », précise Lucile Aigron.

Du côté de Gryp, l'optimisme reste de rigueur même si la moitié des carnets de commande sont à l'arrêt pour l'instant : « Tout ce qu'on faisait en prototypage pour l'industrie aéronautique et automobile est clairement en pause pour l'instant mais ça reviendra et pendant ce temps les commandes de pièces automobiles reprennent donc ça compense. Je suis convaincu qu'à long terme notre investissement collectif s'avèrera payant pour l'entreprise même si pour l'instant le redémarrage est quelque peu poussif », sourit Gauthier Laviron. Malgré le Covid-19, la startup vise 200.000 € de chiffre d'affaires en 2020 ce qui représenterait déjà un doublement d'activité par rapport à l'an dernier.

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