Alors que les cortèges de tracteurs se dirigent vers l'Île-de-France pour le « blocus » de Paris, Ludovic Beyrand est parti, à 11h ce matin, bloquer l'autoroute A20 à Boisseuil, au sud de Limoges. Une décision aussi logique qu'inévitable pour cet éleveur syndiqué à la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles). « On a d'abord retourné les panneaux d'entrée de villes pour dire qu'on marchait sur la tête, raconte le délégué cantonal de la FDSEA et trésorier départemental. On n'embêtait personne mais on n'a pas été entendu. Les annonces d'Attal, ce sont des mesurettes ! » Seule la fin de la hausse de la taxe sur le GNR (gasoil non routier) est bien accueillie pour plomber un peu moins sa trésorerie.
Le carburant est un budget important à cause d'engins agricoles de plus en plus puissants donc gourmands. « Tout le reste c'est de la poudre aux yeux, assène-t-il. On s'y attendait. Malgré l'ampleur des manifestations et deux morts, le gouvernement peine à nous prendre aux sérieux. On en est venu à faire des manifestations plus dures qui embêtent les consommateurs et les camionneurs. » L'annonce de simplifications administratives qu'il réclame « depuis 30 ans » ne le satisfait pas, pointant du doigt « encore plus de normes et de contraintes, on veut une simplification avec du concret. »
« Les mêmes règles pour tous »
Pour cet éleveur installé en GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) familial depuis 1997, on est très loin du compte. Il entend continuer la lutte « jusqu'à que Gabriel Attal nous accorde ce qu'on demande. » Les nouvelles mesures environnementales imposées par la PAC (Politique agricole commune) n'ont fait qu'attiser la colère des agriculteurs qui se sentent de plus en plus pieds et mains liés par l'Europe.
« On n'est plus libre de choisir comme on veut nos cultures et c'est encore pire avec le Green deal assure l'éleveur, pour les jachères, on nous oblige à passer de 4 % à 10 %, on veut bien en faire mais sur la base du volontariat. » Il demande également une équité en matière de pesticides : « On veut les mêmes règles pour tous. En Espagne ils utilisent un pesticide interdit en France sur les cerisiers. On produit moins de cerises chez nous et ils nous envoient les leurs ! »
Autre sujet qui cristallise la colère agricole, le non respect de la loi Egalim censée protéger le revenu des agriculteurs en encadrant les négociations commerciales entre distributeurs et industriels. « Trois grands groupes industriels ne la respectent pas, ils auraient dû être sanctionnés depuis longtemps, estime-t-il. Le gouvernement a laissé faire donc il cautionne. »
« On pourrait se passer de la PAC avec 10 € le kilo »
Pour prendre soin de son cheptel de 100 mères qu'il élève sur 170 hectares dans le Limousin, le quinquagénaire fait des semaines de 70 h « samedi, dimanche et jours fériés compris et parfois jusqu'à plus de 90 h. » Un travail harassant qui n'est pas rémunérateur avec des prix qui ont longtemps stagné, même s'ils ont augmenté depuis un an ou deux. « On vend au même prix qu'il y a 40 ou 50 ans mais les engrais ont doublé depuis le Covid et tout a augmenté, le gasoil, l'électricité, le gaz, les crédits sont à 5 % et les tracteurs ont pris 30 %. Résultat : on perd de l'argent... » Les animaux sont actuellement payés à l'éleveur entre 5 et 6 euros le kilo selon les catégories. « Si tout était payé dix euros le kilo, on pourrait se passer de la PAC et on nous embêterait plus avec ça. »
Si le mouvement devait durer, Ludovic Beyrand se dit favorable au boycott du Salon de l'agriculture qui ouvrira ses portes le 24 février à Paris et même prêt « à empêcher que les Jeux olympiques aient lieu » à partir du 26 juillet. Pour l'heure, l'éleveur prévoit déjà de passer la nuit sur le barrage routier et compte bien y rester quelques jours.
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