Sur le papier, tout le monde ou presque connaît Connaissance du Monde. Pas seulement parce que ce programme de documentaires diffusés en public a été créé en 1936, le 4 février, à 21h, salle Pleyel à Paris avec la présentation d'autochromes (photos sur plaques de verre) du Groenland et des enregistrements de sons des Inuits par deux géants de l'exploration : Paul-Émile Victor et le Commandant Charcot.
Ce n'est sans doute pas tant l'ancrage historique de Connaissance du Monde qui a fait sa notoriété, mais le fait que ces documentaires-conférences ont généralement été des étapes incontournables de nos cursus scolaires, des sorties au cinéma du coin qui, en nous éloignant des classes, ont sans doute suscité bien des vocations, sinon d'explorateurs, au moins de voyageurs.
Ce jeudi 17 novembre Denys Wissler, directeur général de la société parisienne Terres des Mondes, qui exploite cette marque, était de passage à Bordeaux pour expliquer ce qu'elle est devenue, 80 après sa création.
Une marque, Connaissance du Monde qui, dans les années 40 et 50, faute de concurrence TV, a connu un âge d'or désormais révolu. Finalement, après avoir fait une incursion d'une trentaine d'années dans le monde de la presse avec des magazines de type Géo, Connaissance du Monde est presque revenu à ses origines.

Une entreprise de spectacle vivant

"Comme au début de l'aventure, explique Denys Wissler, nous sommes ce que nous avons toujours été : une entreprise de spectacle vivant. Un organisateur de ciné-conférences où l'écran n'est qu'un alibi pour le voyage et la rencontre du public avec d'autres cultures, avec des conférenciers explorateurs qui ont produit et réalisé le film."

Un spectacle vivant qui a pour vedette 45 producteurs, réalisateurs-aventuriers-conférenciers dont certains très connus à l'image d'Antoine, Gonzague Saint-Bris, Jean-Loup Chrétien ou encore les frères Bogdanov.

"Nos conférenciers se rangent dans deux grandes catégories. Les aventuriers de nouvelle génération, capables de passer des mois à observer une culture, l'évolution d'un pays, à l'image de deux jeunes québécois qui ont vécu la transition démocratique de la Birmanie et qui sont revenus avec une documentaire formidable, et les aventuriers ou experts reconnus. Ils ne sont pas nos salariés. Leur liberté d'écriture est totale. Nous validons seulement leur production et organisons leurs tournées de présentation et de conférence ; en échange, nous leur accordons une rémunération basée sur les billets commercialisés", explique le directeur général.

Connaissance du Monde s'appuie sur un réseau national de 400 bénévoles (en Aquitaine son animation est assurée par les journalistes Freddy Thomelin, délégué régional, et Jean-Louis Lorenzo, correspondant local) pour proposer 4.500 séances annuelles.

Environ 7 M€ de billets vendus chaque année

Connaissance du Monde organise 4.500 séances annuelles pour environ 65 films haute définition présentés par leurs auteurs en France, au Canada, en Belgique et en Suisse. Le réseau de Connaissance du Monde, qui comprend 400 villes, vend environ 650.000 billets chaque année. Des entrées commercialisées aux alentours de la dizaine d'euros en moyenne.
Si Terre des Mondes, ses cinq salariés parisiens et son réseau national de 400 bénévoles, s'évertuent surtout, et avec succès depuis trois ans, à rationaliser les coûts de production, la société qui porte la marque et l'activité de Connaissance du Monde s'adapte aussi à son environnement concurrentiel. Après avoir subi la concurrence directe de la télévision, Terre des Mondes est devenu dernièrement un acteur de la télévision publique.

"Nous produisons en moyenne 10 documentaires par an pour France 5. Ils sont issus de l'énorme fonds documentaire de Connaissance du Monde", explique Denys Wissler.

Quand on lui demande de projeter Connaissance du Monde dans le futur, Denys Wissler reconnaît qu'il passera peut-être par la télévision, "peut-être une chaîne spécialisée... mais ce ne sera jamais plus qu'accessoire par rapport à notre activité. Notre public, fidèle, aime les documentaires, oui, et la télévision, la VOD peut lui en donner, mais il aime surtout les discussions avec les conférenciers-aventuriers-explorateurs et ça, il n'y a que Connaissance du Monde pour lui offrir à ce jour."
Voilà un modèle économique, fragile certes, mais qu'il sera sans doute difficile de disrupter... Paul-Emile Victor et le Commandant Charcot, en 1936, ont initié une nouvelle forme de spectacle vivant qui n'a pas encore fini d'être explorée.