Emploi, immobilier, Ford, métro : Nicolas Florian fait le tour des dossiers économiques bordelais

Par Pierre Cheminade  |   |  2300  mots
Nicolas Florian, le maire de Bordeaux, invité du Petit Déjeuner de La Tribune, jeudi 12 septembre 2019. (Crédits : Agence APPA)
Des réflexions autour d'un hôtel d'entreprises municipal à celle sur l'avenir du site industriel de Ford en passant par les prix de l'immobilier, les transports en commun, la LGV, la Jallère et le stade Matmut Atlantique : le maire de Bordeaux, Nicolas Florian, a répondu aux questions de La Tribune lors d'un Petit déjeuner organisé en partenariat avec le Crédit agricole d'Aquitaine ce jeudi 12 septembre à l'Intercontinental Bordeaux-Le Grand Hôtel. Morceaux choisis

L'élection municipale des 15 et 22 mars 2020

Elu maire de Bordeaux le 7 mars dernier à la suite de la démission d'Alain Juppé, "j'ai toujours dit, dès le 1er jour, que je serai candidat à ma succession, les choses sont claires. La campagne commencera en 2020, j'y pense mais aujourd'hui je consacre 80 % de mon énergie et de ma réflexion à 2019", a répété Nicolas Florian, qui annonce qu'il ne briguera pas l'étiquette Les Républicains en 2020 : "J'assume ma liberté, mon indépendance, je ne veux pas être sous tutelle et je n'aurai aucune étiquette !" Le maire de Bordeaux présentera son projet, puis son équipe, en janvier 2020.

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La conjoncture économique et l'emploi

Citant les filières structurantes de l'économie bordelaise - viticulture, aéronautique, nautisme, numérique, santé, image, etc... - Nicolas Florian a dressé un tableau satisfaisant de la situation : "Je ne suis pas à la recherche de records mais la santé économique de l'agglomération est plutôt bonne avec plus de créations d'entreprises et un marché de l'emploi qui reste difficile mais qui est meilleur qu'ailleurs. [...] Mon job en tant que maire est de faciliter l'installation et la croissance de ces entreprises. De ne pas les emmerder !"

Sur la question de l'emploi du conjoint, qui pénalise parfois les installations de nouveaux salariés, il souligne "la fracture entre les difficultés de recrutement des entreprises et les difficultés à trouver un emploi de ceux qui en cherchent. La collectivité doit assurer ce trait d'union entre l'offre et la demande." Le maire annonce ainsi la création dans les semaines qui viennent "d'un bureau d'accueil pour tous ceux qui ont envie de s'installer à Bordeaux" adossé à "une liste de toutes les entreprises qui recrutent sur le territoire."

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Alors que la chasse aux sièges sociaux était un objectif plus ou moins assumé par l'équipe municipale ces dernières années, Nicolas Florian a changé de stratégie : "Nous n'avons pas l'ambition d'attirer le siège de Toyota à Bordeaux mais plutôt des sièges régionaux. Il y a moins d'antagonismes aujourd'hui entre les grands groupes et les PME et je préfère travailler à la multiplication des petits pains sur tout le territoire plutôt que de rechercher une seule grosse galette ! Mais on ne refusera pas des grands groupes bien entendu."

Plus de 200 personnes ont assisté au Petit Déjeuner de La Tribune avec Nicolas Florian ce 12 septembre (crédits photo : Agence Appa).

Bientôt un hôtel d'entreprises ?

Face à l'inadéquation entre l'offre neuve et la demande de bureaux à Bordeaux, en particulier pour les petits espaces, Nicolas Florian souhaite travailler sur "des cahiers des charges négociés entre la mairie et le promoteur pour envisager en priorité quelle sera la fonctionnalité du bâtiment et à quelle demande il pourra répondre". Il souhaite également lancer un diagnostic de tout le bâti tertiaire existant mobilisable et réhabilitable et indique réfléchir à "une mobilisation du patrimoine immobilier de la ville pour accueillir des entreprises qui sortent de pépinières mais n'ont pas encore l'envergure pour se lancer sur le marché classique. Cela pourrait être un hôtel d'entreprises en centre-ville, intra-boulevards ou le long du tram. On peut imaginer d'avoir un exploitant privé avec la ville qui viendrait amortir le coût et jouer le rôle de filet de sécurité."

Un Bordeaux à 300.000 habitants ?

"Aujourd'hui nous sommes à 250.000 habitants. Atteindre 300.000 habitants n'est pas un objectif mais il faut dire les choses et ce chiffre correspond à une vision pragmatique et réaliste face à la capacité d'accueil de la ville, à sa structuration. On est staffé pour accueillir 300.000 habitants à Bordeaux même s'il y a déjà parfois des difficultés sur le logement ou les déplacements", explique le maire de la ville qui prône une position d'équilibre : "Tout l'enjeu est que cette croissance économique et démographique ne s'accompagne pas d'exclusions et de contraintes. L'immobilier neuf était à 2.700 €/m2 à Bordeaux il y a dix ans et il est à 4.800 €/m2 aujourd'hui. Je crois que l'on a atteint un seuil d'acceptabilité, on ne pourra pas continuer à être attractif si les prix continuent de grimper."

Pour autant, Nicolas Florian s'interroge aussi sur l'étape d'après : "Quand on aura atteint 300.000 habitants, que fera-t-on ? Un équilibre ou un nouvelle phase de croissance ? Ce qui est certain c'est qu'une nouvelle hausse de la population impliquera de changer le modèle horizontal sur lequel la ville s'est historiquement construite, il faudra aller sur des constructions plus hautes, plus verticales."

Nicolas Florian, maire de Bordeaux, et Mikaël Lozano, rédacteur en chef de La Tribune à Bordeaux (crédits photo : Agence Appa).

Construction neuve et coup de frein sur la Jallère

"J'ai entendu beaucoup d'inquiétudes sur la construction de nouveaux logements et sur la nécessité de végétaliser davantage la ville donc, message reçu : on fait une pause sur le projet de la Jallère parce qu'il n'y a pas d'urgence à engager la construction de 2.000 nouveaux logements dans ce secteur qui, par ailleurs, n'est pas desservi par les transports en commun", explique Nicolas Florian, qui précise conserver les composantes du projet d'aménagement en matière de développement économique et de ferme urbaine.

Plus largement, le maire de Bordeaux revient sur l'offre de logements jugée "suffisante sur le marché de l'accession mais insuffisante sur le marché locatif". La faiblesse du parc social est notamment pointée du doigt. "Nous étions à moins de 15 % et nous approchons désormais de 19 % de logements sociaux et il y a donc encore beaucoup de choses à faire pour atteindre l'objectif légal de 25 %. Il faut construire davantage". Affirmant être opposé à l'encadrement des loyers, l'édile bordelais souhaite plutôt mettre à contribution les bailleurs sociaux et le patrimoine municipal pour loger des salariés en CDD, en période d'essai ou en apprentissage : "On peut envisager un système de quotas, sur le parc existant ou la production neuve, qui seraient fléchés vers des baux précaires adossés à une période d'essai par exemple pour résoudre cette problématique du premier emploi. Je suis prêt à regarder si le patrimoine de la ville peut aussi accueillir des jeunes travailleurs, ou des demandeurs d'emplois."

Sur le front du foncier, le maire appelle les promoteurs "à cesser la course à l'échalote qui entraîne une spéculation foncière et une hausse du prix des logements neufs : tout le monde est perdant à ce jeu alors même qu'il y a de quoi faire à Bordeaux." Et l'impact de l'Établissement public foncier, opérationnel depuis l'an dernier à Bordeaux, reste à relativiser : "L'EPF n'est pas une matraque et il n'a mobilisé que 44 M€ en acquisitions foncières l'an dernier à l'échelle de la Nouvelle-Aquitaine quand la Métropole a consacré 20 M€ à la constitution de réserves foncières, d'abord pour de l'activité économique."

Nicolas Florian, maire de Bordeaux (crédits photo : Agence Appa).

Quel avenir pour le site de Ford ?

Regrettant "la lente agonie et la mise sous respiration artificielle depuis des années de l'activité de Ford Aquitaine Industries à Blanquefort", Nicolas Florian veut se tourner vers l'avenir notamment pour sauvegarder l'activité de l'usine voisine de Getrag FT. "Soyons francs : il n'y aura pas de repreneur sur ce site pour faire la même activité, je n'y ai jamais cru. Nous négocions actuellement avec Ford sur le devenir du foncier et des outils de production. Ce n'est pas facile, c'est une partie de poker avec les Américains. Mais ces discussions, qu'il faut avoir d'égal à égal, aboutiront avant la fin de l'année", analyse-t-il avant d'esquisser quelques pistes de reconversion : "La production de piles à l'hydrogène peut constituer un vrai projet de reconversion industrielle et serait l'occasion de structurer une filière à l'échelle de l'agglomération. Il y a des discussions avec Air Liquide, EDF et d'autres. Tout est ouvert et les collectivités joueront un rôle d'impulsion et pourront mobiliser leur flotte de véhicules et de transports en commun si nécessaire." Une autre piste avancée par l'élu local concernerait la production de mats d'éoliennes en lien avec le port de Grattequina, à Parempuyre.

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Métro, boulevards et grand contournement

Alors que le sujet est sur la table des élus métropolitains, Nicolas Florian n'a pas encore "de position définitive" sur l'opportunité de construire une ligne de métro à Bordeaux. "Je m'interroge sur plusieurs points : est-ce que ce réseau souterrain pourra être complémentaire du réseau existant de surface ? Est-ce que le coût du projet ne risque pas d'obérer nos capacités d'investissement sur les autres sujets liés à la mobilité, sachant que quand on annonce un coût de 1,4 Md€, on termine au mieux autour de 2 Md€ ! Enfin, l'enjeu prioritaire aujourd'hui est d'avoir un réseau circulaire entre les boulevards et la rocade parce que c'est là que ça coince. Si le métro répond à cet enjeu aux cotés ou à la place du RER métropolitain, pourquoi pas...Il faut en discuter, c'est certain parce qu'en 2030 le réseau actuel sera saturé avec la croissance démographique et l'usage croissant des transports en commun au détriment de la voiture. Il faut donc anticiper !"

L'hypothèse de ligne de Métro à Bordeaux qui sera discutée par Bordeaux Métropole (crédits photo : @GraffikDesigner)

Et le maire de Bordeaux d'insister sur les autres sujets qui risqueraient d'être occultés par le métro. "Il faut parler de l'intermodalité, du maillage, des déplacements doux, de la place du vélo, de celle de la voiture, du stationnement des uns et des autres, du réaménagement des 12 km de boulevards, qui devra faire de la place aux mobilités douces, de l'élargissement à 2x3 voies de la rocade et, au-delà, de la réalisation d'un moyen de délestage de la rocade", énumère-t-il. Sur le sujet du grand contournement autoroutier de Bordeaux par l'Ouest ou par l'Est, Nicolas Florian ne cache pas son scepticisme : "Un tel chantier c'est 20 ou 30 ans, je ne suis pas persuadé qu'il aboutisse vu les blocages qu'on a pu constater ces dernières années à Notre-Dame-des-Landes par exemple. "

La LGV vers Toulouse et vers l'Espagne

En revanche, l'élu local est clairement favorable à une autre chantier de grande ampleur : celui de la poursuite de la ligne à grande vitesse vers Toulouse et vers l'Espagne. "Sur ce sujet, je suis en ligne avec le maire de Toulouse et les présidents de région de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie : la LGV Paris-Bordeaux n'a de sens que si elle est prolongée vers Toulouse et vers l'Espagne, c'est un élément fondamental pour le développement de nos territoires", indique-t-il avant d'en questionner le modèle économique : "Les coûts d'un tel projet sont rédhibitoires nous dit l'Etat et la rentabilité du modèle adopté pour la ligne Bordeaux Tours a atteint ses limites. Est-ce qu'il faut inventer un nouveau modèle ? Les collectivités doivent-elles payer davantage ? Il faut réunir tout le monde autour de la table pour en discuter." Parallèlement, la mairie est très favorable à la mise en place d'une liaison directe Bordeaux-Londres en 5 heures.

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Darwin, le Matmut Atlantique et la Cité numérique

Enfin, le maire de Bordeaux s'est aussi exprimé sur des sujets plus locaux dont le conflit d'usages entre l'écosystème Darwin et Bordeaux Métropole aménagement (BMA). "Je vais régler ça !", lâche Nicolas Florian. "Ne soyons pas dans l'irrationnel, ne tombons pas dans le syndrome 'Perdu de vue' où les gens ne se parlaient plus pendant des années avant de se retrouver en pleurant de joie... Je veux être le Jacques Pradel de Darwin pour que tout le monde se parle et travaille ensemble", avance le maire en référence à l'animateur de cette émission télévisée diffusée de 1990 à 1997. Il promet des annonces très rapidement.

Plus au nord, SBA, l'exploitant du nouveau stade Matmut Atlantique, affichait fin 2018 des pertes cumulées supérieures à 10 M€ depuis 2015. De quoi inquiéter la collectivité ? "La rentabilité de SBA n'est pas mon sujet tant qu'ils paient la redevance. Le stade est une vraie réussite en termes d'aménagement, d'architecture, de rapport qualité-prix et de montage financier. L'un des péchés originels c'est la surévaluation des recettes liées au naming. Ils font des efforts pour améliorer la situation", estime le maire de Bordeaux qui rencontrera dans les prochains jours Joe DaGrosa, le propriétaire depuis bientôt un an des Girondins de Bordeaux. "Le bilan du rachat est positif et je suis confiant par rapport au projet porté par les nouveaux actionnaires pour développer le club." La rencontre pourrait entre autres porter sur la volonté du club de racheter, ou non, le stade.

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De son côté, la Cité numérique devrait prochainement être rebaptisée et Nicolas Florian se dit d'ailleurs ouvert à toute proposition. "Il faut renommer ce lieu. On y réfléchit avec French tech Bordeaux pour mieux l'identifier comme la vitrine commerciale de l'écosystème local, ce lieu doit fédérer, attirer, concentrer, diriger l'écosystème numérique bordelais. Ce doit être un phare plus qu'un totem."

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