L’adieu d’Alain Juppé à la vie politique bordelaise

En choisissant le Conseil constitutionnel plutôt que Bordeaux, dont il était le maire depuis juin 1995, Alain Juppé fait son adieu au combat politique à la bordelaise. Comme un général trop longtemps resté en première ligne, Alain Juppé dit aspirer à la sérénité que va lui procurer le Conseil constitutionnel. Techniquement il va laisser sa place à quelqu’un, sans que l’on sache encore s’il s’agira d’une personnalité nationale ou plutôt régionale. Quoi qu'il arrive le scrutin municipal de 2020 est déjà chamboulé à Bordeaux.
Alain Juppé suivi par Nicolas Florian (sans cravate) adjoint en charge des finances, avant la déclaration du maire de ce 14 février.
Alain Juppé suivi par Nicolas Florian (sans cravate) adjoint en charge des finances, avant la déclaration du maire de ce 14 février. (Crédits : Agence Appa)

Lors de la conférence de presse de ce jeudi 14 février, à la mairie de Bordeaux, Alain Juppé a expliqué les raisons de sa démission de ses fonctions de maire de Bordeaux et de président de Bordeaux Métropole, sans vraiment s'appesantir sur le sujet. Dans une intervention marquée par l'émotion, où il a retenu ses larmes à au moins deux reprises, Alain Juppé a tout de même avoué qu'il avait bluffé.

"Depuis plusieurs semaines j'avais pris la décision en moi de ne pas me présenter à l'élection municipale de 2020. Je n'avais pas envie de faire le mandat de trop. J'ai laissé planer le suspense" a-t-il admis.

Impossible de lui reprocher un mensonge par omission puisque sa décision intérieure n'a officiellement débouché sur aucune action particulière et qu'il s'était contenté de repousser l'annonce de sa décision concernant ce scrutin municipal après les élections européennes du 26 mai prochain. D'où le côté saisissant de l'effet d'accordéon quand Alain Juppé a souligné ensuite que Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, ne lui avait laissé que 24 heures pour décider s'il allait ou non au Conseil constitutionnel (1). Le président de l'Assemblée nationale pouvant proposer trois candidatures au Conseil constitutionnel. Après avoir été auditionné et avoir prêté serment Alain Juppé devrait rejoindre les Sages du Conseil constitutionnel le 12 mars prochain.

"Aujourd'hui l'envie me quitte"

Alain Juppé a réfuté les questions pouvant laisser entendre qu'il quittait la mairie de Bordeaux pour laisser sa place à quelqu'un d'autre, par exemple le Premier ministre Edouard Philippe, dont il est proche. "D'ici mars 2020 beaucoup de candidatures vont se déclarer" a-t-il pronostiqué. Revenant sur les liens qui l'attachent à cette ville Alain Juppé, saisi par l'émotion et les yeux embués de larmes, s'est exprimé comme s'il devait survivre à un coup du sort, "il restait tant de choses à faire... j'avais tant de projets en tête..." a-t-il ainsi ponctué avant d'expliquer "mais je sens aussi le besoin d'un renouvellement qui grandit et la politique est un combat qui se fait avec passion : aujourd'hui l'envie me quitte, l'esprit public est devenu délétère..." a éclairé le maire.

Lire aussi : Démission d'Alain Juppé : les premières réactions

Ceci avant de pointer les symptômes d'un malaise qui lui semble profond, avec "le discrédit des élus, la stigmatisation des élites", attisés notamment par le mouvement social des Gilets jaunes, et plus largement par "un climat général infecté par la haine" lourd à porter. Avec au bout du compte un résultat d'une imparable logique. "Etre dans des conditions sereines, le Conseil constitutionnel m'en donne la chance" a  tranché Alain Juppé. C'est ainsi une sorte de poste en apesanteur que va occuper Alain Juppé, après avoir tenu la première ligne d'un élu de grande ville.

Coup de shaker à la droite de l'échiquier bordelais

Concernant son successeur (que ce soit une femme ou un homme) à la tête de la majorité, dans le cadre de la coalition de droite et du centre Communauté d'avenir, qui a gagné les élections de 2014 à la mairie de Bordeaux et au conseil de Bordeaux Métropole, Alain Juppé a dit que ce dernier serait collectivement désigné samedi 16 février. "Je ne désigne pas de successeur, c'est le groupe majoritaire qui le fera. [...] Je ne suis pas là pour désigner un dauphin", a précisé Alain Juppé. Mais il est bien possible que cette désignation du maire intérimaire ne fixe pas le choix ultime de la majorité bordelaise pour 2020.  Quoi qu'il arrive son départ rebat les cartes du prochain scrutin municipal et Alain Juppé en convient : "Le jeu est ouvert, les élections municipales sont en mars 2020. Je ne pourrai pas m'en mêler. C'est aux forces vives de Bordeaux de vivre."

Un proche de Vincent Feltesse, rencontré hier mercredi par La Tribune au cours d'un déjeuner, et qui ne cache pas que ce dernier, ex-président de la Communauté urbaine de Bordeaux et candidat malheureux face à Alain Juppé en 2014, devrait probablement se représenter en 2020 à Bordeaux, témoigne de l'important reformatage du panorama politique bordelais qui va devoir être mené par tout le monde. Avant l'annonce improbable d'hier après-midi, ce proche de Vincent Feltesse pronostiquait avec raison, et sans doute comme beaucoup à Bordeaux, une absence totale de mouvement d'ici 2020 sur la droite de l'échiquier. Alain Juppé tenant fermement sa coalition en main et le parti du président, LREM, n'étant pas motivé pour aller au casse-pipe bordelais.

C'est ainsi que Vincent Feltesse réfléchissait à une recomposition du paysage politique bordelais principalement à gauche mais pas uniquement. Si cet impératif reste d'actualité, tout est désormais changé à droite. Sans compter d'éventuelles surprises venues de l'extrême-droite susceptibles de modifier le jeu au dernier moment, complète ce proche de Vincent Feltesse. D'où l'attention qui va être portée aux résultats des Européennes.

(1) Né avec la Ve République le Conseil constitutionnel s'intéresse à la constitutionnalité des normes et au contentieux électoral. Longtemps remis en question parce qu'il était perçu comme une atteinte "à l'expression de la volonté de la Nation", le Conseil constitutionnel accueille les anciens présidents de la République en tant que membres de droit. Mais aussi des anciens Premiers ministre, comme Lionel Jospin, qu'Alain Juppé va justement remplacer.

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Commentaires 19
à écrit le 17/02/2019 à 11:24
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Nous voilà rassurer de ne plus en entendre parler!

à écrit le 17/02/2019 à 9:16
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Conseiller , député , ministre , premier ministre , maire , .....il pourrait donner un aperçu des ses revenus de cumulard ? Sur que c'est pas un gilet jaune ..... le pays e souffre de ces profiteurs !!!

à écrit le 16/02/2019 à 12:20
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meme si sa condamnation été du a un autre toute personne avec un casier judiciare ne peut acceder a ce poste voir meme etre elu mais c'est la France apres on dira comment le simple citoyen pense que les politiens ne sont transparent et voici ...

à écrit le 16/02/2019 à 9:21
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Il est parti en maison de retraite..non, au conseil constitutionnel, ah bon, on m'aura mal renseigné.

à écrit le 15/02/2019 à 16:20
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Je me demande bien pourquoi vous n'avez pas pas publié mon commentaire du 14.2 à 16h42. Problème technique? Car il me paraît plus courtois et rédigé que beaucoup d'autres ci-après.

à écrit le 15/02/2019 à 13:02
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11000 patates par mois qui vont bien vite sècher les larmes du geignard.

à écrit le 15/02/2019 à 12:26
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Rien contre ce monsieur un peu âgé et les autres, mais cette nomination va nous revenir combien ? Nous sommes endettés et il y a beaucoup de misères. On ne promet rien au peuple à part réduire les déficits public dont ils seront les contributeurs et ...

à écrit le 15/02/2019 à 9:47
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Il a été sèchement débarqué lors des Primaires de la droite et du centre. C'est une faute politique de le remettre en selle en le nommant au Conseil Constitutionnel. Et il a gravement tort d'accepter : il participe ainsi toujours plus à la décrédibil...

à écrit le 15/02/2019 à 2:34
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La photo est tres evocatrice. On dirait un roi suivi de son aeropage de courtisans attendant la pitance. Ce fat au CC ! Il sera bien entoure avec la representant du sang contamine responsable mais pas coupable. Pays pourri.

à écrit le 15/02/2019 à 0:33
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Bordeaux était endormie, elle est revenue au premier rang, mieux que ce qu'un bordelais aurait espéré. Vous avez montré votre humanité. Que le prochain essaie de faire mieux (aussi bien et je signe). Quant aux conspirationnistes, on va voir quelle r...

à écrit le 14/02/2019 à 19:20
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Notez, même les Bordelais sur Sud-Ouest lui reprochent d'avoir trop suivi la ligne du parti... Certes, il suffit de voir la composition du Conseil Constitutionnel pour se rendre compte que la quasi-totalité a un casier. J'ai mal à ma France...

à écrit le 14/02/2019 à 18:09
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Le coup du dictionnaire amoureux, Juppé l'a déjà fait des dizaines de fois avant de laisser tomber comme des loques, les bordelais(es) qui l'avaient élu. Ses larmes sont des larmes de joie! Il est inespéré qu'à son âge et avec son casier judicia...

à écrit le 14/02/2019 à 18:01
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en politique ,il peut tout se passer sauf trouver un politique honnête ! peut étre !

à écrit le 14/02/2019 à 17:28
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Il n'aurait pas été réélu à Bordeaux

à écrit le 14/02/2019 à 17:08
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Je pense qu'il aurait ete plus honorable pour lui de finir son mandat et d'arreter !!!il a menti tellement de fois aux bordelais !!!!!!! et puis sa nomination Par ferrand ,en instance de jugement laisse à desirer avec des gamelles comme FABIUS PUI...

le 15/02/2019 à 5:35
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En France, le politique ment. C'est dans son ADN, une seconde nature. Et puis le francais aime les corrompus, pour preuve, il en redemande a chaque tour.

à écrit le 14/02/2019 à 16:42
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A son âge...toujours frustré de n'avoir pas compris que ses électeurs lui préféraient Fillon et son programme. Il touche là le prix de la compromission avec le pouvoir en place, et s'assure une place de parking bien rémunérée pendant 9ans. Mieux que ...

à écrit le 14/02/2019 à 16:25
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une nomination de complaisance ! sera elle bénéfique pour remonter les marches de l équipée qui fait déja campagne ?

à écrit le 14/02/2019 à 15:33
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C'est là que l'on trouve dommage du coup de ne pas avoir suivi de candidats crédibles étant donné que celui qui a prit une raclée par Juppé n'est pas le mieux placé. Pour parler oui on s'en doute pas de souci il est là... Juppé c'est le candidat ...

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