Immobilier : Bordeaux ne doit pas avoir peur de grandir, estime le patron de l’A’urba

Par Jean-Philippe Déjean  |   |  971  mots
Il semble que la densification de l'espace soit un sujet d'inquiétude pour les Bordelais.
Le patron de l’Agence d’urbanisme Bordeaux Métropole Aquitaine (A’urba), Jean-Marc Offner, a donné la réplique aux partisans bordelais du "Parisien rentre chez toi", qu’il assimile à des malthusiens.


Lors la cérémonie des vœux 2018 de l'Agence d'urbanisme Bordeaux Métropole Aquitaine (A'urba), ce jeudi 18 janvier, Jean-Marc Offner, directeur général de l'A'urba, et Véronique Ferreira, maire (PS) de Blanquefort, présidente de l'agence d'urbanisme ont successivement pris la parole. Devant les personnels de l'A'urba mais aussi un panel de personnalités clés, parmi lesquelles Jacques Mangon, maire (centre droit) de Saint-Médard-en-Jalles et vice-président de Bordeaux Métropole en charge de l'urbanisme, ou encore Michèle Laruë-Charlus, directrice générale adjointe à l'aménagement à la mairie de Bordeaux.

Dans son intervention Jean-Marc Offner a traité d'un sujet d'actualité, celui du rejet potentiel des nouveaux arrivants en ville par les Bordelais plus anciens, caricaturé par les affichettes titrées "Parisien rentre chez toi", sur fond de montée des prix de vente des biens immobiliers et d'arrivée du TGV Bordeaux-Paris. Sujet qu'il a ensuite lié à la thématique de la ville à taille humaine. C'est ainsi que le directeur général a commencé par évoquer "une petite musique, cette espèce de malthusianisme ambiant, qui repose sur l'idée que l'on serait bien comme on est" et que l'on risque peut-être de devenir trop nombreux.

Bordeaux, une ville diluée (depuis longtemps)

Rappelant que ce discours ne date pas d'aujourd'hui et qu'il l'avait déjà entendu lors de son arrivée à Bordeaux, il y a une dizaine d'années, Jean-Marc Offner a déroulé une série de griefs qu'il juge comme représentatifs de cette tendance au repli qui s'exprime dans le port de la Lune. Parmi ces reproches figurent l'idée que les nouveaux venus prendraient les emplois des Bordelais, provoqueraient davantage de bouchons sur la rocade, obligeraient à construire en hauteur...

Ce troisième grief, pour autant qu'il soit représentatif, pourrait traduire un sentiment plus profond qu'il n'y paraît puisque si Bordeaux est une ville construite à faible hauteur c'est semble-t-il, comme l'ont remarqué certains historiens médiévistes, par mimétisme avec Londres, son ancienne métropole. Jean-Marc Offner a tenu à répondre que tout d'abord la libre circulation des personnes est garantie dans l'espace national. Avant de souligner aussi que l'agglomération bordelaise est territorialement l'une des plus diluées de France, pays qui est lui-même l'un des moins denses en population d'Europe : "ça se cumule", a-t-il observé.

Les métropoles : là où il y a le plus d'emplois

Pour enrayer cette "petite musique" malthusienne, qui semble hanter Bordeaux, Jean-Marc Offner a dessiné le profil d'une métropole heureuse (voir le blog de cette néo-bordelaise). Sans avoir à forcer le trait puisque tout le monde ou presque a intégré le fait que « c'est dans les métropoles qu'il y a le plus d'emplois » ou encore les meilleures solutions en termes de mobilité. Puis il a plaidé pour une amélioration de la qualité de la vie : en arrêtant de gaspiller l'espace et en construisant tout en ménageant la nature. Le directeur général de l'A'urba a ensuite développé sa vision de la ville à taille humaine.

"Tout le monde veux un territoire à échelle humaine. De Libourne à San Francisco des gens mettent en avant cette dimension, mais la taille humaine c'est quoi ? Il y a beaucoup d'avis différents. Pour certains c'est avoir tous les services à 3 minutes, pour d'autres c'est pouvoir voir les limites de la ville, d'autres encore pouvoir en sortir..." a illustré Jean-Marc Offner.

Modulor -Le Corbusier (DR-Fondation Le Corbusier)

Repassant de l'urbanisme à l'architecture le patron de l'A'urba a rappelé que Le Corbusier - malgré son Modulor, unité de mesure architecturale qu'il a créée pour déterminer les volumes d'espaces habitables à partir d'un homme standard de 1,83 mètre - est aussi à l'origine des grandes barres d'immeubles désormais très décriées.

De jeunes partisans d'une ville durable

Il a ensuite revisité la migration des habitants des métropoles vers les zones périurbaines "trop vue sous le seul angle financier" alors que ce tropisme relève aussi selon lui de l'envie de vivre dans une petite ville à la campagne. Le périurbain étant alors un compromis permettant de profiter de la ville centre de la métropole tout en habitant à sa périphérie.

En conclusion Jean-Marc Offner a déclaré qu'il ne fallait pas avoir peur de grandir et que cet accompagnement de la croissance urbaine est au cœur du métier de l'agence, à Bordeaux Métropole, mais aussi dans le Département et la Région, partenaires de l'A'urba. Avant de finir sur une citation de Montaigne qui dit "Il est bon que les mortels pensent à hauteur d'Homme".

De son côté, la présidente de l'A'urba, professeure d'histoire et géographie en lycée, est revenue sur un travail collectif qu'elle a lancé dans sa classe de première, d'où il ressort que 60 % des élèves plébiscitent le modèle de la ville durable, plutôt que connectée (contrairement à leurs parents). Ils se distinguent aussi de leurs aînés en préférant aller faire les courses plutôt que d'être livrés à domicile.

Plus étrange, et sans doute un peu inquiétant, ces lycéens attribuent aux hommes tout ce qui ne va pas en ville : saleté, dégradations, etc., et se disent qu'il faudrait une ville pour les femmes... Faut-il mettre les complications administratives dans le pot de ces nuisances ? En tout cas Véronique Ferreira n'a pas manqué de faire savoir que personne ne comprend vraiment comme fonctionne le mille-feuilles réglementaire en termes d'urbanisme, entre PLU, Scot, et schémas régionaux et nationaux. "C'est pourquoi on va voir le maire", s'est-elle amusée, avant de souligner que "l'A'urba est au cœur de ces complexités car on fait les villes pour les gens".