Immobilier : Bordeaux surfe sur une vague qui risque de se fracasser

Lors de la présentation de l’évolution du marché immobilier à Bordeaux Métropole, Jacques Mangon, vice-président de la Métropole en charge de l’urbanisme, a lancé un avertissement aux professionnels du secteur. Plus question de laisser faire le marché. (Réactualisé 13/11/2017)
Jacques Mangon, vice-président de Bordeaux Métropole
Jacques Mangon, vice-président de Bordeaux Métropole (Crédits : Agence Appa)

"La Métropole avance mais il y a des risques. Nous arrivons dans une zone de danger. L'éviction des primo-accédants à la propriété, qui ne sont pas des héritiers, est devenue une réalité à Bordeaux centre. Une réalité qui est en train de diffuser. D'autant qu'il s'agit aussi d'une éviction sociale de la ville. D'où des facteurs explosifs, Bordeaux centre c'est potentiellement une poudrière socio-économique et politique" a déroulé Jacques Mangon, maire de Saint-Médard-en-Jalles, vice-président de Bordeaux Métropole en charge de l'urbanisme.

C'était ce vendredi matin à la fin de la présentation par l'Observatoire immobilier du Sud-Ouest (Oiso), présidé par Laurent Mathiolon (promoteur Aqprim), des chiffres du marchés dans la Métropole au cours des neuf premiers mois de 2017.

Sans donner dans le mélodrame ni citer à nouveau l'autocollant "Parisien rentre chez toi", Jacques Mangon a profité de la présence dans la salle du conseil de Bordeaux Métropole des professionnels de l'immobilier, qui alimentent en chiffre les enquêtes de l'Oiso, pour leur faire passer un message agréé par le président de Bordeaux Métropole et maire de Bordeaux : Alain Juppé.

2.500 €/m2 : le bon prix pour les habitants

Message que tout un chacun a pu prendre pour ce qu'il était : un avertissement.

"Nous ne sommes pas dans des auto-tamponneuses. Promoteurs, bailleurs, collectivités doivent coopérer. Nous devons stabiliser le mouvement. Pour le foncier il va falloir réfléchir à un système nouveau. Vous allez devoir vous impliquer sinon l'effet bulle va finir par devenir une réalité. Nous devons absolument limiter les facteurs de risques. Des logements à 4.800 € le mètre carré parking compris ce n'est plus possible pour les populations. On ne peut pas surfer sur cette vague, sinon elle va se fracasser" a prévenu l'élu.

Ce pharmacien de centre droit diplômé de Sciences Po, qui a pris la mairie de Saint-Médard-en-Jalles au PS en 2014 notamment à l'issue d'un combat mené de main de maître - avec toute la panoplie d'une mobilisation écologiste - contre un programme immobilier collectif prévu dans un parc, n'a pas l'habitude d'improviser. Devenu le grand patron de l'urbanisme de la Métropole, Jacques Mangon ne dit jamais un mot plus haut que l'autre. Et c'est avec cette tonalité quasiment sans relief qu'il a donné la dernière touche à son coup de semonce.

Bordeaux est entré dans une zone de danger, selon Jacques Mangon (DR)

"Bien sûr c'est mieux d'avoir des problèmes de riches, comme nous, que des problèmes de pauvres, a d'abord observé l'élu. Construire des logements à 2.500 € le mètre carré, a-t-il poursuivi, ça fait frémir les promoteurs mais ça correspond exactement aux moyens des habitants de Bordeaux Métropole et nous ne pouvons pas miser que sur l'arrivée de nouveaux habitants" a-t-il enfin asséné, tandis que dans le fond de la salle certains professionnels commençaient à souffler de dépit.

Bordeaux intra-muros fait exploser le marché

L'évolution du marché immobilier dans le neuf montre que la situation à Bordeaux Métropole n'a pas cessé de se tendre au cours du 3e trimestre 2017, a confirmé Xavier Longin, directeur général associé du cabinet Adéquation. C'est ainsi que 1.341 logements ont été vendus, soit +7 % sur un an (même période en 2016), mais +85 % par rapport au 3e trimestre 2015 ! L'évolution sur neuf mois, avec 4.217 ventes, est en hausse de +15 %. Ce sont les T2 qui ont connu la plus forte hausse, avec un prix de vente moyen à Bordeaux Métropole de 180.000 € au cours des neuf premiers mois de 2017, à +13,2 % (159.000 € à la même période en 2016), devant les T3, à 241.000 € (+7,5 %) et les T4 à 314.000 € (+1,6 %).

Avec une hausse moyenne de +6,4 % celui qui inquiète est le prix au mètre carré, qui atteint 3.870 € à Bordeaux Métropole, toujours dans le neuf. Pourtant c'est la situation de Bordeaux qui fait frémir les élus. Bordeaux, où de très nombreux chantiers sont en cours et d'autres pas encore commencés, est la seule ville à dépasser la moyenne métropolitaine, à 4.200 €/m2 (+6,5 %). A l'inverse, la Rive droite, avec un prix moyen de 3.320 €/m2 (+2,4 %), est selon les dirigeants de l'Oiso en train de décrocher du marché bordelais ! "Sur un an c'est la ville de Bordeaux intra-muros qui a tiré les prix vers le haut" souligne Laurent Mathiolon. Signe que le marché métropolitain est pris de fièvre : les stocks dans le neuf ne représentent plus que 5 mois de commercialisation et pour les professionnels la crise démarre à partir de 6 mois...

La situation dans le logement ancien risque-t-elle de devenir incontrôlable ? (photo agence Appa)

+9.000 habitants par an dans la Métropole

Lors de la table ronde organisée sur le risque de voir se former une bulle du marché immobilier bordelais, pendant laquelle Jacques Mangon a pris la parole, Stella Manning, urbaniste à l'A'urba (Agence d'urbanisme Bordeaux Métropole Aquitaine) a dressé un passionnant panorama de l'évolution démographique de la Métropole. Elle a tout d'abord rappelé que le cap de la métropole européenne à 1 million d'habitants à l'orée de 2030 assigné à la Communauté urbaine de Bordeaux au début des années 2010, ne collait pas vraiment à la réalité. Tout d'abord les souhaits exprimés par les 28 communes lors des travaux sur le plan local d'urbanisme (PLU) arrivaient à 950.000 habitants et puis surtout la tendance démographique de l'époque pointait l'aiguille à 800.000 habitants d'ici 2030.

Bordeaux Métropole comptait 761.000 habitants au 1er janvier 2014, a rappelé Stella Manning, et devrait arriver à 900.000 habitant à 2030 en restant dans la tranche haute de son évolution démographique actuelle. Une évolution qui est elle aussi à la hausse. Alors que Bordeaux Métropole a gagné 3.600 habitants par an entre 2006 et 2009, cette cadence est passée à 9.000 par an entre 2011 et 2014. Cette évolution s'est soldée par l'arrivée de 3.200 nouveaux ménages par an à Bordeaux Métropole entre 2006 et 2009, puis 5.500 par an entre 2011 et 2014.

Une forte hausse du nombre d'élèves en élémentaire

Il n'est pas encore possible de connaître l'impact réel de ces migrations interrégionales sur la pyramide des âges de Bordeaux Métropole, seuls existent des indices, des présomptions. Ces dernières semblent montrer que la pyramide des âges métropolitaine ne s'élargit pas qu'à son sommet, du côté des plus âgés. Sa base, nourrie par les classes d'âges les plus jeunes, serait également en train d'accroître son assise. Les 9.300 naissances enregistrées pendant chacune des deux dernières années, contre un plus bas en 2005 à 8.200, vont dans ce sens.

Les gens ne viennent plus à Bordeaux seulement pour y suivre leur entreprise, comme les ingénieurs, mais pour y démarrer une 2e vie

De plus la courbe démographique de Bordeaux Métropole, étalonnée à celle de la France métropolitaine, est clairement orientée à la hausse, au-delà de l'indice 110, tandis qu'elle passe au-dessous de la barre de 100 au plan national. Autre fait qui semble probant : l'évolution à Bordeaux Métropole du nombre d'élèves inscrits en école élémentaire (non comptées les classes maternelles), qui a augmenté en 2016 de +1.600 élèves, contre +1.200 en 2015 et +950 en 2014. "Et 2017 semble être en très forte hausse" indique Stella Manning, qui voit dans cette forte progression l'impact de la construction de 9.000 nouveaux logements par an.

L'urbaniste a enfin mis en garde les professionnels de l'immobilier, rappelant, avant que Jacques Mangon ne prenne la parole, que selon le réseau MeilleursAgents les prix ont grimpé de +11 % dans l'ancien tandis que les revenus "n'augmentent pas tant que ça". Stella Manning a même pris le contrepied des revenus, soulignant qu'à Bordeaux Métropole "le taux de pauvreté progresse pour tous les ménages de moins de 60 ans" et qu'il atteint un niveau alarmant à Bordeaux chez les moins de 30 ans "où il est beaucoup plus élevé que dans n'importe quelle autre métropole". Pour finir l'urbaniste a agité le spectre de "l'anti-modèle montpelliérain", ville qui a connu un fort développement métropolitain accroché à une trop faible croissance économique, jusqu'au moment où la crise a frappé.

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Commentaires 7
à écrit le 18/11/2017 à 11:46
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Heureusement que ce type n est pas à paris. S il y a des acheteurs à un certain prix même élevé c est quoi le problème ?

le 03/01/2018 à 2:13
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Réfléchis juste un peu pour trouver un début de réponse. Et si tu veux voir un peu plus loin et allumer ton neurone numéro 4, regarde ce qu'il se passe quand les courbes des salaires et de l'immobilier ne sont plus en adéquation. Tu trouveras plein ...

à écrit le 14/11/2017 à 15:36
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Encore un politique complètement déconnecté de la réalité du marché

à écrit le 13/11/2017 à 17:08
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Hé oui si on ne raisonne pas les investisseurs ceux-ci finissent toujours par faire n'importe quoi au détriment du plus grand nombre.

à écrit le 11/11/2017 à 16:19
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Et vous ne parlez pas de la circulation !! Rocade bouchée dès l’aube et à partir de 16h !!

à écrit le 10/11/2017 à 17:16
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Bravo! Enfin des signes de réalisme et de bon sens!!

le 19/11/2017 à 9:44
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Et la canabilisation de ma ville, limoges, par bordeaux ne va pas arranger les choses. Mais à qui la faute ?

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