Gironde : le taux de création d'emplois y est 22 fois plus fort qu'en France !

Par Propos recueillis par Pierre Cheminade  |   |  991  mots
Le quartier des Bassins à flot, à Bordeaux, est assez symptomatique des intenses mutations du territoire girondin depuis une dizaine d'année. (Crédits : Agence APPA)
INTERVIEW. Giroscopie, c'est le nom du fascicule de 67 pages publié par l'A'urba, l'Agence d'urbanisme Bordeaux Aquitaine. Une mine d'or qui compile des centaines de chiffres clefs sur le territoire girondin. Démographie, économie, emploi, pauvreté, mobilités, logement, énergie : c'est un véritable portrait du département qui est ici proposé de manière synthétique et pédagogique. Retour sur les principaux enseignements avec Lionel Bretin, chef du projet Giroscopie à l'A'urba.

LA TRIBUNE - Giroscopie est mis à disposition gratuitement, sur demande à l'Aurba ou en téléchargement. Quel est l'objectif d'un tel ouvrage ?

Lionel BRETIN - On a toute l'année devant nos yeux des tas de chiffres plus ou moins fiables et plus ou moins récents. Nous avons donc voulu avec Giroscopie tenter d'objectiver le débat et les enjeux du territoire en synthétisant les chiffres les plus justes, les plus sérieux et les plus récents, comme nous l'avions fait en 2019 à l'échelle de la métropole avec Métroscopie bordelaise.

Parmi cette multitude d'indicateurs, quel chiffre vous a le plus surpris ?

C'est probablement la dynamique démographique du territoire ! La Gironde est devenue entre 2013 et 2018 le département de France qui a gagné le plus de population en passant devant la Haute-Garonne et l'Hérault. C'est vrai à la fois en valeur absolue (+19.300 habitants par an en moyenne) et en proportion (+1,25 % par an en moyenne). Et si on regarde en parallèle la dynamique de l'emploi, on voit que la Gironde est clairement un territoire qui gagne des emplois avec une dynamique de +1,1 % par an. C'est un niveau qui tient la comparaison avec celui de la croissance démographique, puisque tous les nouveaux habitants ne sont pas des actifs, et c'est surtout une dynamique dix fois plus forte que celle de la Nouvelle-Aquitaine (+0,11 %) et 22 fois plus forte que la tendance nationale (+0,05 %) !

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Sur le plan économique, quelles sont les grandes tendances qui ressortent de vos travaux ?

On a la confirmation d'un territoire où domine une économie présentielle et touristique. Par ailleurs, la Gironde accueille la capitale régionale de Nouvelle-Aquitaine et attire donc toutes les fonctions administratives, les outils de commandement, privés et publics. Dans ce paysage connu, le chiffre marquant, à mon sens, c'est le poids de l'agriculture qui reste très important puisqu'il pèse 4,1 % des emplois girondins ce qui est très nettement supérieur à la moyenne nationale [qui est de 2,5 %, NDLR]. C'est notamment lié au poids de la viticulture et on observe d'ailleurs dans certains territoires, tels que Saint-Emilion, une part de l'agriculture supérieure à 50 %.

Le couloir de la pauvreté est-il toujours une réalité ? Est-ce qu'on constate en Gironde des déserts médicaux ou culturels ?

Oui, il est toujours présent sur un arc allant du nord à l'est du département et dépassant les frontières girondines vers la Dordogne et la Charente. On y mesure un revenu médian disponible inférieur à la moyenne départementale qui est de 1.810 €/mois avec des concentrations dans certains territoires. Le revenu médian est par exemple de 1.500 €/mois dans la communauté de communes du Pays Foyen contre 2.160 €/mois dans la communauté de communes de Jalle-Eau-Bourde et 1.840 €/mois à Bordeaux Métropole. A noter que c'est au sein de la Métropole qu'il y a les inégalités de revenus les plus fortes.

Quant aux déserts culturels ou médicaux, on observe que le territoire départemental est plutôt bien fourni avec une présence d'équipements portée par les activités et zones touristiques, notamment sur le littoral. L'offre de services du quotidien est donc assez satisfaisante par rapport au nombre d'habitants même s'il faudrait quantifier plus précisément la part de ces services qui sont ouverts toute l'année et celle strictement liée à la saisonnalité touristique.

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Parlons des mobilités, un sujet brûlant à Bordeaux Métropole comme dans les territoires alentours. Qu'est-ce qu'il faut retenir ?

Le phénomène marquant des dernières années c'est l'augmentation parallèle à la fois de la voiture et des transports en commun. La fréquentation des réseaux de transport urbain et interurbain est passée de 131 à 175 millions de voyages annuels entre 2014 et 2019, soit une hausse de +33 % ! Mais, dans le même temps, l'usage de la voiture est resté massif en raison de la croissance de la population, d'une part, et d'une société toujours plus mobile, d'autre part. En dehors de Bordeaux Métropole, le taux de ménages ayant au moins une voiture a augmenté de 1,8 point entre 2007 et 2017 à 91,6 % tandis qu'il a diminué de -1,4 point dans la Métropole à 77,1 %. Au total, avec la croissance démographique, le nombre de voitures sur les routes de Gironde continue d'augmenter même si les nouveaux habitants ont plutôt tendance à davantage utiliser les transports en commun.

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Sujet connexe des mobilités : l'étalement urbain et la consommation de sols naturels et agricoles. Où en est-on dans le département ?

Il y a eu chaque année 13.700 nouveaux logements mis en chantier en Gironde depuis 2010. C'est considérable et malgré cela la hausse des prix est significative, y compris dans l'immobilier ancien. Mais, globalement, on observe que la consommation d'espaces naturels et agricoles pour y construire des logements ou d'autres activités est plutôt à la baisse. L'artificialisation des sols, qui avait atteint un pic de 1.071 hectares en 2013, a diminué chaque année depuis pour atteindre 574 hectares en 2017. La situation semble donc s'améliorer même s'il faut se méfier de l'effet déformant sur ces chiffres de certains grands projets tels que la ligne à grande vitesse ou des centrales photovoltaïques. Mais il semble qu'on tende vers davantage de sobriété foncière et a priori cela va continuer avec les nouvelles règles de la loi Climat et résilience. Mais, cela dit, concilier la croissance démographique et l'objectif de zéro artificialisation nette ce n'est pas forcément évident !

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Giroscopie, A'urba, octobre 2021, 67 pages. Ouvrage gratuit sur demande écrite à l'A'urba ou en téléchargement libre sur le site de l'agence.