Alors que la Russie et l'Ukraine représentent 30 % des exportations mondiales de blé, la guerre déclenchée par Vladimir Poutine contre l'Ukraine entre dans son 4e mois et va peser durablement sur les cours mondiaux du blé. "Sur le marché, les échéances pour le blé à septembre 2022 et septembre 2023 sont déjà très élevées. Oui, il y a de la spéculation et de l'anticipation mais les fondamentaux sont à la hausse pour la campagne actuelle et pour la suivante", prévient ainsi Jean-Christophe Roubin, directeur agriculture et agroalimentaire au Crédit agricole. Conséquences, les coûts de production augmentent dans toutes les filières agricoles, réduisant mécaniquement les marges notamment pour les éleveurs.
"On en mesure déjà l'impact chez nos clients en faisant des points réguliers sur leur trésorerie. Il faut anticiper les besoins à des niveaux jamais connus", confirme Patrice Gentié, président du Crédit agricole d'Aquitaine. D'autant que les ennuis se cumulent pour les agriculteurs avec des épisodes de gel tardif en 2021 et 2022 qui ont laissé la place à une vaste sécheresse tandis que l'influenza aviaire connaît depuis décembre 2021 "un 4e épisode en six ans" et qu'un immense défi démographique se pose avec le vieillissement des agriculteurs.
"Il ne faut pas paniquer"
Bref, le tableau est sombre et il devrait le rester au moins encore quelques mois. "Il ne faut pas paniquer, il faut jouer sur la trésorerie et se projeter dans la durée tant les prix peuvent évoluer rapidement à la hausse avant de redescendre", tempère cependant Jean-Christophe Roubin. Et afin de diffuser une dose d'optimisme, le Crédit agricole d'Aquitaine a choisi le Salon de l'agriculture de Nouvelle-Aquitaine pour présenter son projet sociétal adopté en décembre dernier.
"Le vrai sujet c'est la répétition de ces évènements. Mais ce qu'on a perdu en visibilité à court terme doit se gagner en vision de moyen terme pour tendre vers la décarbonation, l'inclusion sociale et la souveraineté agricole", résume Olivier Constantin, le directeur général de la banque active en Gironde, Landes et Lot-et-Garonne.
Neutralité carbone en 2050
Concrètement, dans la lignée de la stratégie nationale, le Crédit agricole d'Aquitaine se fixe ainsi un objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 pour ses prêts et investissements dans le cadre de l'initiative NZBA (net zero banking alliance) lancée en 2021 par 43 banques et comptant désormais 111 adhérentes. Cela se traduira progressivement par l'intégration de critères extra-financiers dits ESG (environnemental, social et gouvernance) qui permettront d'octroyer des taux préférentiels aux projets jugés vertueux pour l'environnement, le bien-être animal, les émissions carbones et la création d'emplois. Un fonctionnement similaire aux prêts à impact déjà distribués par plusieurs banques concurrentes.
"L'objectif est d'abord d'être incitatif pour passer à des pratiques agricoles plus responsables. Le taux réduit pourra correspondre pour nous à un effort jusqu'à un quart de notre marge", précise Sandrine Kergosien, directrice des marchés spécialisés au Crédit agricole d'Aquitaine.
Une filière "bois et forêt" est parallèlement mise sur pied à compter du 1er juin pour initier et accompagner le développement économique de la filière sur le territoire tout au long de la chaîne de valeur : depuis les sylviculteurs jusqu'au distributeurs en passant par la transformation.
Vers une assurance climat
Enfin, au 1er janvier 2023, c'est une forme d'assurance contre les risques climatiques qui sera distribuée par la banque dans le cadre du fonds de solidarité nationale prévu par la loi du 2 mars 2022 relative à une meilleur diffusion de l'assurance récolte. Ce nouveau régime universel repose un partage du risque entre l'Etat, les agriculteurs et les assureurs, en fonction de l'intensité du risque. "Nous avons joué un rôle majeur pour créer ce nouveau dispositif qui combine une assurance étatique et une assurance privée complémentaire pour compenser les pertes de récolte à 100 % au-delà de la franchise", précise Olivier Constantin, qui invite les professionnels à s'y préparer avant le 1er janvier prochain.
L'Etat devrait contribuer jusqu'à 600 millions d'euros par an à ce fonds afin de doubler à terme le nombre d'agriculteurs assurés contre les multiples risques climatiques : sécheresse, grêle, inondation, tempête, gel, etc.