Meshroom VR, Holoforge et Projet Stars : trois usages différents des réalités virtuelle et augmentée

Par Mikaël Lozano  |   |  1372  mots
(Crédits : La Tribune / Mikaël Lozano)
Plusieurs startups de la délégation de Nouvelle-Aquitaine au CES Las Vegas sont positionnées sur les sujets de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Toutes cultivent une approche différente mais espèrent voir les marchés s'ouvrir en grand dans les prochains mois. Focus sur les approches de trois d'entre elles : Holoforge Interactive, Meshroom VR et Projet Stars.

>> Holoforge Interactive, la réalité augmentée pour l'industrie, la muséographie...

« L'armée américaine vient de commander à Microsoft 100.000 casques de réalité augmentée Hololens pour ses soldats de terrain. C'est exactement le genre de signal que l'on attend car il est susceptible de donner une véritable impulsion au marché. » Représentant Holoforge Interactive au CES de Las Vegas avec deux autres personnes, Antoine Bezborodko croit au décollage prochain de cette technologie. Holoforge est la division réalité augmentée et applications professionnelles du studio de jeux vidéo bordelais Asobo Studio. Sur les 160 salariés de cette dernière, Holoforge en emploie une petite vingtaine.

Sur le CES, elle présente un cas d'usage simple : le montage de meubles. Grâce au casque de réalité augmentée Hololens de Microsoft, l'utilisateur peut se passer des notices souvent cryptiques car il voit les indications apparaître au fur et à mesure devant ses yeux, un intervenant peut l'aider à distance en cas de difficulté rencontrée en passant par la caméra embarquée dans la lunette... « L'idée était de proposer quelque chose d'assez ludique pour montrer les capacités de la plateforme. » Celle-ci est ambitieuse puisqu'elle vise à permettre à l'utilisateur de créer lui-même ses propres cas d'usage. Car l'objectif est effectivement de démocratiser l'usage de la réalité augmentée et de prouver qu'elle peut s'avérer utile dans de nombreuses situations. Holoforge a par exemple intégré une lunette Hololens de ce type dans un casque de chantier, certifié conforme et muni d'une protection oculaire. La batterie, elle, tient trois heures.

Toshihiro Suzuki n'est rien moins que le président de Suzuki. Ce qui n'a pas empêché Holoforge de lui faire tester son cas d'usage en réalité augmentée, le montage de meubles (crédit photo Holoforge)

Holoforge peut capitaliser sur l'expérience d'Asobo Studio en la matière. L'éditeur de jeux vidéo bordelais a été le premier studio au monde à publier des jeux vidéo holographiques en partenariat avec Microsoft et ses casques Hololens. Une division à part, Holoforge donc, a été bâtie pour mettre en œuvre ce savoir-faire à d'autres secteurs. Par exemple en équipant les combinaisons de salariés d'Areva NP de lunettes Hololens, permettant à ces derniers de bénéficier d'un outil d'assistance vidéo lors d'interventions, par exemple lors des opérations de maintenance en cuve des réacteurs nucléaires, leur laissant les mains libres. D'autres industriels ont emboîté le pas comme Naval Group (ex-DCNS) pour les interventions de chaudronniers en milieu contraint, le fabricant de médicaments UPSA à Agen pour qui Holoforge a développé un outil de formation des nouveaux embauchés aux machines sans que ces dernières soient arrêtées.

Une collaboration avec le CNRS autour de l'archéologie et de la muséographie a également vu le jour. Holoforge a conçu la superposition d'hologrammes sur une copie du buste du pharaon Akhénaton. Il suffit de chausser l'HoloLens pour voir se superposer les peintures et décorations, voir apparaître des textes explicatifs et passer d'un élément à un autre d'un simple geste de la main. L'utilisateur peut alors tourner autour de l'objet et accéder à toute une série d'informations, d'éléments graphiques... pour découvrir l'œuvre telle qu'elle existait à sa création, mais aussi comment elle a évolué.

>> Meshroom VR vise le design, l'aménagement commercial et la formation avant-vente

Fondée en 2017, Meshroom VR est d'un tout autre format. La startup bordelaise, distinguée par un Award lors de ce CES 2019, présente son studio collaboratif. Il suffit d'importer dans la plateforme un fichier 3D pour pouvoir le modifier et le valider à l'échelle après avoir chaussé un casque de réalité virtuelle.

« On peut ensuite en quelques clics jouer sur les matériaux qui figurent dans la bibliothèque et enrichir cette dernière à l'aide d'une simple photo de matériau réalisée avec son smartphone. La courbe d'apprentissage de la plateforme est de l'ordre de 3 minutes. Le premier marché visé est le design, qui y voit l'opportunité de gagner du temps dans la validation d'un design », explique André Doumenc, dirigeant cofondateur de Meshroom VR.

La startup bordelaise compte aujourd'hui une centaine de clients parmi lesquels Bosch, Schneider, le groupe automobile PSA ou encore Decathlon. Pour ce dernier, « nous avons déployé une dizaine de licences qui permet à l'entreprise de mettre au point les concepts de ses nouveaux magasins et l'aménagement de ces derniers. Decathlon utilise également la plateforme pour la formation avant-vente de ses conseillers, alors que les produits ne sont pas encore disponibles. Il s'agit de notre 2e CES, poursuit André Doumenc. Nous avions rencontré beaucoup de grands comptes lors du 1er, notamment Harley-Davidson et Karscher US que nous avons ensuite signés. » Ce 2e CES semble bien valider le test du marché américain. Employant 8 personnes, Meshroom VR devrait boucler dans un mois sa première « vraie » levée de fonds pour accélérer son déploiement.

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>> Projet Stars, pour la communication sur les réseaux sociaux des marques de vins et spiritueux

Le projet Stars aborde un autre aspect, celui de la communication et du marketing. Il est né de l'expertise de deux sociétés charentaises : Lux Lingua, composée de linguistes et spécialisée dans la stratégie, notamment digitale, des marques, et Kalank, qui œuvre dans la réalité augmentée appliquée aux réseaux sociaux. Le projet est né... après une cheville cassée et un covoiturage devenu obligatoire.

« On est très surpris de constater que même des spécialistes pensent que des lunettes de réalité augmentée sont obligatoires pour tirer partie de cette technologie. Il est pourtant possible de l'employer sur les réseaux sociaux. Les fameux filtres prisés des adolescents sur Snapchat, ce n'est pas autre chose ! », explique Aurélie Colin, cofondatrice de Lux Lingua.

Travaillant déjà pour le secteur des vins et spiritueux et l'industrie du luxe, Lux Lingua a eu l'idée d'appliquer cette mécanique à cet univers. Ses acteurs peuvent ainsi se différencier de la masse en s'appuyant sur la réalité augmentée sur leurs pages Facebook. Lorsque l'internaute s'y rend, trois univers lui sont proposés : celui du maître de chai, qui peut le conseiller sur des accords, le bar à cocktail branché, pour apprendre à en réaliser, et bien sûr la visite virtuelle du vignoble lui-même.

« Nous avons monté ce projet Stars en trois mois, précise Aurélie Colin. La marque de cognac François Voyer a été notre béta-testeur. Dès le début, nous avons senti un intérêt fort de la part des marques de la filière, qui cherchent des éléments de différenciation sur les réseaux sociaux comme sur les salons. Elles comprennent qu'avec ce type de technologies elles peuvent toucher une audience plus jeune. Dès avant le CES, nous avions des rendez-vous calés et des devis sollicités de la part de plusieurs grandes maisons, les plus avancées sur ces sujets et celles qui nous visons en priorité pour leurs portefeuilles de marques étendus. Nous faisons systématiquement du sur-mesure, en proposant d'abord du consulting et du développement, puis de l'abonnement à la solution. »

L'équipe de Lux Lingua relève avoir vu « peu de choses autour de l'agroalimentaire au CES ». Et se dit persuadée que « d'ici six mois, toutes les grandes agences de communication et de publicité vont se saisir de la réalité augmentée sociale », autrement dit, mise en œuvre sur les réseaux sociaux. Pour Stars, le CES était considéré comme réussi dès le lendemain de son ouverture : « En arrivant nous visions 5 grandes maisons, dès le 2e jour on en avait rencontré 3. Le premier jour a été très intense, le 2e plus calme mais avec des visiteurs très qualifiés. Nous sommes trois sur le stand et ce n'est presque pas assez. »