Entomo Farm : les raisons de la fin de la startup

Par Mikaël Lozano  |   |  495  mots
Grégory Louis et Clément Soulier, cofondateurs de l'entreprise, en 2017 (Crédits : DR)
Spécialisée dans la production de farines d'insectes pour l'alimentation animale, Entomo Farm a été placée en liquidation judiciaire. Le cofondateur de la startup libournaise, Grégory Louis, prend la parole et revient sur la fin de cette aventure entrepreneuriale.

Qu'est-ce qui a scellé le sort d'Entomo Farm ?

"C'est la somme de plusieurs facteurs. Le premier est qu'il nous a manqué des fonds. Certes on en a eu, mais il faut remettre les choses dans leur contexte : Entomo Farm était une startup industrielle, donc nécessitant des moyens tant industriels qu'humains importants. Le point qui a principalement bloqué, c'est le soutien bancaire. La plupart des acteurs industriels financent l'équipement de leurs sites de production par du crédit-bail. En ce qui nous concerne, nous étions sur des process de production très innovants et les banques n'avaient pas de références. Elles nous ont expliqué qu'elles ne sauraient pas à qui vendre les machines si l'entreprise se retrouvait en défaut. Nous avons donc financé nos moyens industriels avec nos fonds propres. Et nous avons peut-être voulu aller trop vite, il nous a sans doute manqué du temps pour pouvoir finaliser la R&D et nous rapprocher du marché."

Quelle a été la part d'argent public injectée dans l'entreprise ?

"De mémoire, plus de 200.000 € apportés par Bpifrance et 100.000 € par la Région Nouvelle-Aquitaine. Nous avons par ailleurs réalisé deux opérations de financement participatif. Ces derniers mois, Entomo Farm employait 25 personnes à Libourne au quotidien. Nous étions locataires du site qui nous occupions à Libourne, il revient donc à son propriétaire. Et nous avons fait le choix de passer rapidement du redressement judiciaire à la liquidation, pour sécuriser la situation des salariés."

Quel regard portez-vous sur le marché de la farine d'insectes ?

"Il est encore vraiment naissant. On a peut-être eu la bonne idée mais trop tôt. Il faut rappeler qu'Entomo Farm était une startup et que les acteurs industriels de l'alimentation animale n'ont pas la même temporalité. Il nous a manqué du temps. Nous avions pensé que la décision de la Commission européenne d'autoriser l'usage des protéines d'insectes dans l'alimentation des poissons d'élevage à partir de 2017 allait ouvrir le marché. Mais on s'est rendu compte que très peu d'acteurs commercialisaient vraiment leur farine d'insectes et que le marché mettait du temps à adhérer."

Vous aviez face à vous des acteurs qui ont levé de gros montants, 35 M€ pour Ynsect, 40 M€ il y a quelques jours pour InnovaFeed. Comment expliquez-vous ce différentiel ?

"On pourrait aussi rajouter à la liste une startup d'Afrique du Sud qui a levé 150 M€. Nous n'avions pas la même taille effectivement. Nous étions partis sur un modèle plus coopératif, en partenariat avec des agriculteurs à qui nous confions la phase d'élevage des insectes avant de les reprendre et de les transformer. Cette démarche était financièrement plus gourmande en termes de logistique et en coût d'acquisition clients. C'était peut-être plus vertueux, mais aussi plus cher."

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Note de la rédaction : la plateforme de délibération de la Région Nouvelle-Aquitaine fait remonter deux aides, une de 249.528 € en 2018 et une de 64.885 en 2015.