Revenu de base : la proposition de loi socialiste rejetée sans débat

Par Pierre Cheminade  |   |  596  mots
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, ce jeudi 31 janvier 2019, lors du rejet de la proposition de loi sur l'expérimentation d'un revenu de base. (Crédits : Capture écran Assemblée nationale)
L'Assemblée nationale a rejeté, avant même d'en débattre, la proposition de loi socialiste proposant l'expérimentation d'un revenu de base pendant trois ans dans des territoires volontaires. C'est un revers pour cette démarche dont Jean-Luc Gleyze, le président du conseil départemental de Gironde, est l'un des plus fervents soutiens.

Comme en commission des affaires sociales la semaine précédente, les députés ont décidé, ce jeudi 31 janvier, de rejeter en séance publique la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à instaurer un revenu de base. Mais cette fois, avant même que le texte ne soit discuté dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, les députés ont adopté une motion de rejet préalable, par 64 voix contre 49, déposée par le groupe majoritaire LREM. Résultat, ni le texte, ni les amendements n'ont été examinés au-delà de la discussion générale.

Cette proposition de loi, déposée par des députés socialistes et soutenue par 18 présidents de départements, dont le Girondin Jean-Luc Gleyze, proposait l'expérimentation dans les territoires qui le souhaitent d'un revenu de base. Deux modèles étaient prévus : l'un fusionnant le RSA et la prime d'activité ; l'autre fusionnant RSA, prime d'activité et aides au logement.

Désaccords sur le fond et sur la forme

Présente dans l'hémicycle, Christelle Dubos, la secrétaire d'Etat auprès d'Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités, a déclaré vouloir "donner un souffle nouveau au système de solidarité" et a qualifié la réflexion initiée par les auteurs du texte "d'éminemment juste et légitime". Cependant, elle a renvoyé le débat sur ces questions à l'an prochain : "Je défends le projet du gouvernement d'unifier une partie des prestations sociales au sein d'un revenu universel d'activité fusionnant le plus grand nombre possible de prestations sous conditions de ressources dans le cadre d'un texte qui sera voté en 2020. Je porterai politiquement ce projet."

Sur le fond, deux désaccords persistent entre les soutiens de l'expérimentation du revenu de base et la majorité gouvernementale. Les socialistes préconisent d'ouvrir ce dispositif aux jeunes de moins de 25 ans qui ne bénéficient pas actuellement du RSA et de l'attribuer de manière inconditionnelle, c'est-à-dire avec un plafond de ressources mais sans contrepartie en termes de recherche d'emploi, d'acceptation d'une offre d'emplois ou d'activité. A l'inverse, la secrétaire d'Etat considère : "l'allocation serait octroyée sous conditions de ressources. La prestation ne va pas sans l'accompagnement vers l'emploi et l'activité et un engagement de l'allocataire à le faire."

"Une posture irrespectueuse"

De son côté, Jean-Luc Gleyze, qui avait fait le déplacement à Paris pour suivre les débats, dénonce "une posture de la majorité irrespectueuse vis-à-vis des Français et d'une démarche qui méritait un peu plus de considération et un débat au sein de la représentation nationale." Et si le sort de la proposition de loi est désormais scellé, l'élu girondin entend bien se faire entendre lors de la concertation lancée par le gouvernement sur le futur revenu universel d'activité. Et en réponse à la députée Monique Iborra (LREM, Haute-Garonne) qui regrettait un texte présenté dans "la précipitation", le rapporteur Hervé Solignac (PS, Ardèche) a rappelé qu'il était "le fruit de trois ans de travail, pas seulement d'élus mais aussi et surtout de chercheurs, d'économistes et d'universitaires."

Quoi qu'il en soit, ce revers sans débat à l'Assemblée nationale marque un coup d'arrêt pour cette démarche en faveur de l'expérimentation. En plein "Grand débat national", c'est aussi un signe clair envoyé par l'exécutif quant à son ouverture et quant aux marges de manœuvre et d'expérimentation qu'il entend laisser aux collectivités locales.