"La France n'est pas bonne dans la formation des demandeurs d'emploi"

Par Mikaël Lozano  |   |  952  mots
Myriam El Khomri, ministre du Travail et de l'Emploi, en visite à Bordeaux ce vendredi
En visite à Bordeaux ce vendredi, la ministre du Travail et de l'Emploi Myriam El Khomri a fait la promotion du Plan 500.000 formations supplémentaires et défendu sa loi Travail, confirmant qu'elle ne la retirera pas malgré les mouvements de contestation.

"La France n'est pas bonne dans la formation des demandeurs d'emploi. Nous formons un demandeur d'emploi sur dix, c'est le double en Allemagne !"

La ministre du Travail et de l'Emploi Myriam El Khomri a dressé ce constant sans appel ce vendredi à Bordeaux. Après avoir inauguré la 9e édition des Olympiades des métiers pour les personnes en situation de handicap, les Abilympics, elle a visité L'Electrolyse, PME spécialisée dans les procédés de traitements de surface, à Latresne. L'après-midi, elle a participé à la signature de la convention régionale du Plan 500.000 formations supplémentaires par Alain Rousset, président du Conseil régional Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, et le préfet Pierre Dartout, ainsi que les co-présidents du Comité paritaire interprofessionnel régional pour l'emploi et la formation professionnelle (Coparef), qui réunit instances patronales et syndicales.

Le pilotage aux Régions

Ce Plan 500.000 formations supplémentaires s'inscrit dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi annoncé par François Hollande le 18 janvier et prévoit de doubler l'effort de formation des personnes en recherche d'emploi, l'Etat dégageant 1 Md€ pour ce faire. Soit un objectif d'un million d'actions engagées au plan national cette année. Les conseils régionaux sont chargés d'assurer la coordination de la mise en œuvre de ce plan. Ce qui réjouit au plus haut point Alain Rousset, qui affirmait haut et fort cet après-midi dans l'hémicycle régional qu'il comptait bien jouer ce rôle avec le plus grand zèle. Celui qui est aussi député s'est fait taquin :

"Je suis ravi que Myriam El Khomri vienne en région. Ca fait du bien de se ressourcer sur le terrain. On ne se ressource jamais devant BFM TV."

Il a surtout insisté sur l'importance de ne pas faire de ces formations des voies de garage et de "flécher les demandeurs d'emploi vers des filières d'avenir, qui embauchent", avec une attention toute particulière à destination des PME "car ce sont elles qui créent de l'emploi". Alain Rousset a notamment rappelé que la carte formation pouvait également être un véritable atout lorsque des industriels négocient à l'export. Citant en exemple Dassault et la future implantation d'un centre de formation à la maintenance aéronautique Aérocampus Aquitaine en Inde, que son directeur avait annoncé dans nos colonnes en janvier dernier.

Myriam El Khomri a elle aussi insisté sur la question des débouchés :

"Je reçois beaucoup de courriers. Et quand je vois qu'il peut parfois s'écouler six mois avant qu'un demandeur d'emploi entre en formation, j'estime que c'est inadmissible. Et c'est pourquoi nous voulons doubler le nombre de formations à destination des chômeurs. Nous ne voulons pas de stages parking, nous voulons la mise en place de formations de qualité et qui ont des débouchés. Pas former pour former, mais former utile. Je considère que dans la mesure où nous signons aujourd'hui la convention régionale, le dispositif doit démarrer dès lundi."

Ce dernier commentaire déclenchant une moue gênée du directeur régional de Pôle Emploi, présent à quelques mètres de la ministre...

L'Etat flèche une enveloppe de 96 M€

Les besoins sont là : près de 120.000 demandeurs d'emploi de longue durée en Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, presque 150.000 qui n'ont pas ou peu de qualifications et 9,6 % seulement bénéficient de formation. La convention de partenariat signée ce vendredi, la 5e de ce type en France, prévoit que le Conseil régional maintiendra en 2016 son propre effort de formation à destination des personnes en recherche d'emploi, soit à hauteur des 38.721 actions menées en 2015 pour un montant de 96,545 M€, et qu'il s'engage à réaliser 26.777 actions de formation supplémentaires cette année. Une part de ces opérations sera confiée à Pôle Emploi et sera précisée dans une autre convention qui semble difficile à formaliser... De son côté, l'Etat débloque pour ces formations un financement de 80,331 M€. Enfin la Coparef s'engage à mobilier les organismes paritaires collecteurs et à faire financer par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels d'autres actions pour un montant de 17,921 M€.

Les signataires Alain Rousset, président du Conseil régional, Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation, et le préfet d'Aquitaine Limousin Poitou-Charentes Pierre Dartout (crédit photo ML)

"La loi Travail ne sera pas retirée"

En marge de la signature, Myriam El Khomri n'a pas échappé aux questions sur sa décriée loi Travail et sur les manifestations de la veille.

"Je suis très attentive au climat. Nous sommes toujours à l'écoute des organisations de jeunesse mais si leur seul mot d'ordre, c'est le retrait de la loi, alors non elle ne sera pas retirée."

A l'aube du débat parlementaire qui s'annonce et qui portera sur la mouture amendée de cette loi Travail, la ministre s'est montrée confiante :

"Il y a deux tendances à gauche, celle de ceux qui veulent aller vers les 32h et celle qui souhaite apporter de la souplesse aux entreprises en laissant dans la loi les fondements de notre Code du travail. (...) Il y a beaucoup de députés et de parlementaires de gauche qui voteront pour cette loi, qui n'est pas un retour à Zola comme certains veulent le faire croire. Nous devons redynamiser les négociations collectives. Cette loi allie performance sociale et performance économique des entreprises."

Myriam El Khomri ne semble pas craindre un détricotage en règle de ses mesures. Tout juste convient-elle qu'il y a "peut-être encore des choses à faire en matière de dialogue social dans les PME".