L'offre Airbnb explose à Bordeaux, les prix de l'immobilier aussi

Par Mikaël Lozano  |   |  991  mots
L'offre Airbnb sur la plateforme bordelaise a tendance à se professionnaliser d'après les statistiques de l'Observatoire Airbnb
Victime d'une flambée des prix et d'une raréfaction des biens immobiliers qui inquiètent les professionnels dans l'ancien, Bordeaux voit parallèlement l'offre de logements sur Airbnb exploser : + 62,5 % entre mars et septembre.

Les derniers chiffres publiés en open data par l'Observatoire Airbnb ont de quoi interroger. La structure fondée par Matthieu Rouveyre, conseiller municipal d'opposition à la mairie de Bordeaux et vice-président du Conseil départemental de la Gironde, recense l'offre disponible et chercher à lancer un débat national sur les impacts de la plateforme permettant aux particuliers de louer temporairement tout ou partie de leur logement. Après une première poussée de + 113 % en un an, l'Observatoire indique qu'à Bordeaux, entre mars et septembre dernier, le stock d'offres sur la plateforme aurait augmenté de 62,5 % pour atteindre 10.704 biens proposés, dont 8.385 logements entiers. 84 % de ces logements entiers seraient exclusivement dédiés à la location touristique et 65 % seraient des petites surfaces, du studio au T2. Bordeaux serait donc devenue la 2e ville la plus "airbnbisée" de France avec un ratio de 19 offres pour 1.000 habitants, juste derrière Paris à 20 pour 1.000.

Toujours selon l'Observatoire, Airbnb est la promesse pour le propriétaire de gagner en 15 jours ce qu'il toucherait en un mois complet de location traditionnelle. La multiplication de l'offre a entrainé une baisse des prix de quelques euros pour les voyageurs : 49 € la nuitée dans un studio, 56 € dans un T2, 94 € dans un T3 et 176 € dans un T4 et plus.

Source : Observatoire Airbnb 2017

L'explosion de l'offre et surtout sa professionnalisation sur la plateforme entrainent une raréfaction des biens à disposition sur le marché qui, combinée à la poussée démographique que subit l'agglomération, génère mécaniquement des tarifs à la hausse, dans la location comme à l'achat. Logiquement, ce sont les jeunes et les familles modestes, se dirigeant vers les petites surfaces, qui seraient le plus sanctionnés par ce phénomène, sachant que les prix à la location auraient augmenté de 11 % en moyenne sur un an selon l'Observatoire. De là à provoquer un départ de ces populations moins aisées de l'autre côté de la rocade, dans d'autres communes moins chères ? De nombreux agents immobiliers bordelais pointent du doigt un début de gentrification, même si paradoxalement, comme l'a rappelé Alain Juppé il y a quelques mois, Bordeaux comptait 1.000 écoliers de plus que l'an passé à la rentrée scolaire. Une poussée qui peut être attribuée à l'attraction qu'exerce Bordeaux ces dernières années.

Ce qu'en disent les professionnels

"Sur Airbnb, mon avis très personnel est que le développement de la plateforme a dérégulé le marché des petites surfaces", juge Laurent Mathiolon, promoteur immobilier et président de l'Observatoire de l'immobilier du Sud-Ouest (Oiso). "Ce phénomène a généré la raréfaction dans le locatif. Historiquement Bordeaux offrait un équilibre relatif entre l'offre et la demande. Avec Airbnb conjugué à l'arrivée de nouvelles écoles de formation, la situation s'est durcie."

Fin septembre, la vice-présidente de l'Université de Bordeaux appelait solennellement les personnels disposant d'une chambre ou d'un logement à les proposer aux étudiants. Quelques jours après, le recteur de l'académie de Bordeaux lançait un SOS supplémentaire auprès des propriétaires.

"Plus d'appartement à louer." Certaines agences n'ont effectivement pas hésité à afficher leur désarroi ces derniers mois, à l'arrivée des étudiants à Bordeaux. "On est à flux tendu", confirme Catherine Coutellier, d'Immo de France. "Le phénomène Airbnb nous inquiète car les propriétaires se désengagent de la location traditionnelle. La clientèle qui investit dans ce but participe à la pénurie de locations. Cela crée la rareté", regrette Daniel Seignat, président de l'Unis. Les agences bordelaises constateraient une baisse de 10 % à 20 %, selon les cas, de leur activité locative. Afin d'enrayer le phénomène, les propriétaires devront, à partir de mars 2018, se déclarer en mairie et seront limités à 120 nuitées par an.

"Une décision louable, mais insuffisante, commente Daniel Seignat, il faut une vraie prise de décision politique sur le sujet, une action concrète comme demander l'autorisation des autres copropriétaires pour exercer cette activité, par exemple."

Notaire à Bordeaux, Me Cêtre est moins catégorique :

"Ce phénomène est difficile à quantifier mais de plus en plus de nos clients évoquent leur expérience pour le moins enrichissante dans ce domaine. L'attrait touristique de la ville joue nécessairement et certains acquéreurs se persuadent que leur investissement sera rentable qu'elle qu'en soit le prix en ayant recours à cette plate-forme de location. L'impact ne doit pas être négligeable mais la réglementation prochaine de ce phénomène dans la plupart des grandes villes devrait normaliser ce phénomène."

L'association Le Labo bordelais a lancé une campagne de sensibilisation des propriétaires bordelais, basée sur les données de cet observatoire, via des accroches-portes listant les chiffres les plus frappants. Objectif : générer un début de prise de conscience.

De son côté, Airbnb rappelle qu'elle n'a aucun lien avec l'Observatoire Airbnb et nous a fait passer la réaction suivante, comme à l'ensemble des médias qui ont traité les données :

Les chiffres présentés par L'Observatoire Airbnb ne viennent pas d'Airbnb et sont par conséquent faux.

"Il y a actuellement 7.600 annonces sur Airbnb à Bordeaux, un chiffre en progression de 17 % par rapport à l'année précédente. L'immense majorité des hôtes sur Airbnb sont des familles bordelaises qui gagnent un complément de revenu en louant leur propre logement quelques semaines par an : 94 % des hôtes bordelais n'ont qu'un seul hébergement, et un hôte bordelais loue en médiane son logement 29 nuits par an, pour un gain annuel de 1.700€."

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La Tribune consacrera une vaste enquête sur l'immobilier à Bordeaux, dans le neuf comme dans l'ancien, dans son édition hebdomadaire du jeudi 12 octobre. Intitulée "Bordeaux est-elle devenue (trop) chère ?", elle se penchera sur les facteurs profonds qui génèrent une forte poussée des prix et le début de comportements purement spéculatifs inquiétant les professionnels de l'immobilier.