Préparer la relance : les Français ennemis… d'eux-mêmes ?

Par Tribune de Guillaume-Olivier Doré  |   |  815  mots
Guillaume-Olivier Doré est un entrepreneur spécialiste des marchés financiers, de l'épargne et de l'investissement. (Crédits : Elwin / Mieuxplacer)
OPINION. Pour l'entrepreneur bordelais Guillaume-Olivier Doré, l'idée selon laquelle il faudrait travailler plus pour relancer la machine économique se heurte à une réalité, celle de la démotivation et de la baisse de moral des Français face à la pandémie.

"La solution [de la relance] passe par plus de travail". Des voix influentes du monde économique laissent entendre depuis quelques semaines que sans une mobilisation de tous, la reprise n'aura pas lieu, ou alors pas au niveau nécessaire pour notre économie.

Pourtant, comment est-il possible d'imaginer travailler plus alors que nous espérions encore il y a peu voir arriver le bout du tunnel d'un retour à la "vie normale" avant l'été (espérons-le encore pour cet été) et que nous rêvons tous de cette liberté dont nous sommes à nouveau privés et qui fait tant partie de notre culture...

Alors que les diverses nuances de confinement que les salariés des entreprises vivent depuis plus d'un an semblent avoir raison des managers les plus motivés... Alors que peu à peu le télétravail ressemble à s'y méprendre à du "travail devant la télé" et que les équipes sont de plus en plus usées ... Et que dire des entrepreneurs...

Un paradoxe, quand on voit à quel point nous avons tous été « cocoonés » par un Etat-Providence qui n'a jamais autant mérité son nom. La France a un superbe modèle social et nous devons en être fier. Mais ce "quoi qu'il en coûte" ne risque-t-il pas de nous coûter aussi l'élan et la motivation dont nous avons besoin pour la reprise économique, nous ayant endormi dans un nuage cotonneux de confort illusoire "à la Tanguy" (référence au célèbre film de Chatiliez) ? Que dire à celles et ceux qui, soignants, caissières, logisticiens, conducteurs de camions et de TGV, ont eux continué à braver l'urgence sanitaire pour nous permettre de nous lover à 19h dans nos canapés avec un verre de vin ?

La "bataille" de la troisième vague

Comme dans toutes les guerres, c'est la dernière bataille qui est la plus difficile, celle qui va faire basculer vers une victoire ou une défaite. Cette dernière bataille, celle de la troisième vague, est en train d'arriver.

Et comme toujours, nous autres français tergiversons, commentons, critiquons. C'est notre nature certes, mais le pli devient difficile à prendre dans ce contexte. Alors oui l'exécutif hésite, avance, recule, vaccine autant que possible, mais fait ce qu'il peut pour tenter de préserver ce qu'il reste du moral des forces vives du pays en prévision de l'après.

Oui, parce qu'un "après" existe désormais et c'est ce que tout le monde semble oublier. Nous pouvons désormais imaginer une sortie de crise. Ce ne sera pas parfait, nous aurons peut-être perdu du temps et malheureusement beaucoup trop de vie (Mais il semble, avec un peu de recul et en regardant nos voisins européen, qu'aucune stratégie ne semble idéale). Mais il y a une lumière au bout du tunnel. Et ça c'est une excellente nouvelle.

Et comme dans toutes les guerres que la France a vécues, nous aurons à reconstruire notre économie, à refaire fonctionner notre industrie, nos services, nos commerces, à reconstruire ce qui fait les particularismes de notre culture économique. On entendra celles et ceux qui veulent faire différemment (plus ceci ou cela), mais avant tout, nous souhaitons juste faire remarcher nos entreprises, revenir aux besoins basiques d'avant-guerre.

Retrouver un second souffle

Il reste cependant une grande inconnue : l'ennemi ; ou plutôt l'absence d'ennemi. Il n'y en a pas dans cette guerre, pas de peuple, de dictateur ni de bourreau à désigner. Le risque dans ce contexte est de manquer de motivation faute de responsable. Pourtant c'est maintenant que cela se joue : dans la dynamique d'élan qui va naître dans les semaines à venir. Comme dit l'adage, la pente de la courbe importe peu, c'est sa croissance qui est clef.

L'impératif de mobilisation générale des forces de travail est donc à la fois d'une lucidité brute et anticipe ce à quoi nous allons devoir faire face dans les semaines à venir : il ne faut pas que les Français, privés d'ennemis, deviennent ennemis d'eux-mêmes en oubliant que la relance, c'est entre leurs mains qu'elle se trouve.

Nous, entrepreneurs et dirigeants devons à la France, et à ceux qui ont été pendant une année en première ligne, de lui rendre le filet de sécurité matérielle qu'elle nous a donné depuis le début de la crise maintenant. Il est temps de penser à se retrousser les manches et à aller, nous aussi, au combat, donner l'exemple, redonner confiance.

Et celles et ceux qui iront à la bataille façonneront notre société pour les prochaines décennies.

Guillaume-Olivier Doré est un entrepreneur spécialiste des marchés financiers, de l'épargne et de l'investissement. Il a fondé Elwin qu'il dirige actuellement. Citoyen engagé du monde de la finance et de la tech, Guillaume-Olivier Doré est aussi patron de presse (le magazine Finance Mag et la revue Say).