LGV Bordeaux-Toulouse : les écologistes dénoncent une manœuvre "déloyale"

Par Pierre Cheminade  |   |  954  mots
Sur la sellette au niveau national, les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax restent ardemment soutenues par Alain Rousset et Alain Juppé qui sont intervenus auprès du Conseil d'Etat début novembre. Un activisme jugé "intempestif" et "déloyal" par les élus écologistes qui avancent des projets alternatifs moins coûteux. C'est la logique même de la LGV qui est questionnée.

Main dans la main. Les présidents de Bordeaux Métropole, Toulouse Métropole et des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie-Pyrénées-Méditerranée ont déposé, début novembre, auprès du Conseil d'Etat un rapport rappelant leur soutien au grand projet ferroviaire du Sud Ouest (GPSO), qui regroupe les LGV de Bordeaux à Toulouse et Dax. "Nous avons présenté un dossier commun pour expliquer qu'il est possible de financer le projet à 80 % sans intervention de la région", fait valoir Renaud Lagrave, le vice-président (PS) de Nouvelle-Aquitaine en charge des transports.

"Une action clairement parasitaire"

Cette action intervient dans le cadre du recours contre la déclaration d'utilité publique (DUP) de la ligne à grande vitesse (LGV) au sud de Bordeaux, déposé par l'avocat et élu écologiste bordelais Pierre Hurmic le 22 juillet 2016.

"L'affaire était sur le point d'être fixée par le Conseil d'Etat en vue d'être plaidée possiblement avant la fin de l'année quand nous avons appris qu'Alain Juppé et Alain Rousset étaient intervenus, seize mois après le lancement de la procédure, pour appuyer l'argumentaire de la SNCF. C'est une action clairement parasitaire car tous les arguments ont déjà été échangés. [...] Cet acharnement est anachronique", s'agace ainsi Pierre Hurmic, qui siège au conseil municipal et au conseil métropolitain.

La conséquence directe de ce nouvel élément dans l'affaire étant de reporter sine die la date de l'audience. "Ils ont choisi les avocats de la SNCF pour intervenir et n'ont pas jugé utile de consulter l'assemblée délibérante de leur collectivité", regrette l'élu écologiste. Des reproches repris par Jean-François Blanco, élu EELV à la région, qui dénonce une "entorse" au deal politique régional entre socialistes et écologistes : "Notre accord de majorité prévoit que la Nouvelle-Aquitaine n'interviendra pas dans le financement du GPSO, ni directement, ni indirectement. L'intervention d'Alain Rousset est déloyale et dommageable car elle génère de la confusion."

Une attaque qui a le don d'énerver l'exécutif régional. "L'accord politique ne porte pas sur l'arrêt du GPSO mais sur le fait de ne plus financer ces LGV au-delà des engagements déjà pris. Notre mémoire est donc tout sauf déloyal puisqu'il vise précisément à montrer que d'autres financements sont envisageables, via par exemple une taxe sur les bureaux", rétorque ainsi Renaud Lagrave.

Lire aussi : LGV à Toulouse : les élus du Sud-Ouest proposent un financement sur le modèle du Grand Paris

La grande vitesse remise en cause

Mais derrière cette énième passe d'armes politique, c'est la logique même de la grande vitesse qui est remise en cause, en écho aux débats actuels au niveau national. En effet, malgré l'inauguration en grande pompe des liaisons Paris-Bordeaux et Paris-Rennes, le 2 juillet dernier, la LGV n'a plus vraiment le vent en poupe du côté du gouvernement qui pointe des coûts prohibitifs et veut donner la priorité aux "transports du quotidien". Une décision est attendue début 2018 à l'issue des Assises de la mobilité et elle génère déjà de l'inquiétude à Bordeaux comme à Toulouse, où des élus locaux viennent d'écrire à la ministre des Transports.

Outre les "4.830 hectares de sols naturels, agricoles et forestiers qui seront massacrés" si la LGV voit le jour entre Bordeaux et Toulouse, Pierre Hurmic dénonce "un marché de niche, un marché de riches" : "le ferroviaire pèse 10 % des déplacements des Français et la LGV ne pèse que 10 % du ferroviaire. On investit donc des milliards d'euros pour 1% de la population. Les LGV sont profitables aux métropoles mais au détriment des territoires traversés." Le réseau de desserte fine pour le fret et les voyageurs en Nouvelle-Aquitaine est en effet largement "sinistré" selon la conseillère régionale écologiste Christine Moebs, qui pilote la commission infrastructures :

"Le réseau dans la région est dans un état déplorable avec des lignes sinistrées par un défaut d'entretien des voies. La grosse urgence est donc de prioriser les trains régionaux. Cela nécessitera au moins 1,2 Md€ d'investissements d'ici 2030 !"

Le scénario de la rénovation ?

Et les élus EELV de mettre en avant la rénovation des lignes actuelles pour éviter la construction d'infrastructures entièrement neuves. Une option intermédiaire qui permettrait de diminuer nettement les coûts tout en améliorant les temps de trajet par rapport à aujourd'hui avec une vitesse de 220 km/h au lieu de 300 km/h pour une ligne LGV neuve.

Des arguments balayés par Renaud Lagrave, le vice-président socialiste du conseil régional. "D'une part, la rénovation des lignes existantes ne permettra pas faire sauter le bouchon ferroviaire au sud de Bordeaux et, d'autre part, l'arrivée de la LGV à Bordeaux a permis de doper le trafic régional de TER de 20% en moyenne. Ce sont deux sujets liés", assure Renaud Lagrave, qui estime que "Bordeaux ne peut être le terminus ferroviaire de l'Europe quand la grande vitesse va de Francfort à Madrid".

Le responsable de la région Nouvelle-Aquitaine estime ainsi que l'hypothèse d'un enterrement de GPSO serait "regrettable et une très mauvaise nouvelle nouvelle". Les élus écologistes, eux, se disent confiants. Premiers éléments de réponse début 2018 lors de la présentation de la future loi de programmation des infrastructures. Du côté du Conseil d'Etat, aucune date n'est fixée mais, sur le fond, Pierre Hurmic se dit convaincu que l'argument de l'insuffisance de l'information financière soulevé par les écologistes a des chances d'être entendu, comme cela a déjà été le cas sur la ligne Poitiers-Limoges.