Drones : survols inquiétants ? La solution est en vue !

Par Pascal Rabiller  |   |  1140  mots
La lutte contre les vols non autorisés de drones s'organise. Une solution est en train de naître en Aquitaine
La multiplication des survols, même par des drones a priori peu dangereux, de sites sensibles pose, qu’on le veuille ou non, des questions sur leur contrôle, leur régulation. Des vraies questions sans vraies réponses à ce jour… sauf peut-être du côté de Bordeaux où JCPX Développement se dit capable de gagner la course mondiale à la lutte contre les survols potentiellement belliqueux.

A chaque nouveau survol de site sensible, les mêmes questions reviennent en boucle : est-ce qu'on a identifié, localisé et arrêté les "pilotes" ? Comment empêcher les survols ?  
Autant de questions légitimes qui sont, c'est un fait, sans aucune réponse satisfaisante à ce jour. Depuis le début de la semaine et les survols à répétition de sites parisiens, une équipe de 10 enquêteurs de la section de recherche de la gendarmerie des transports aériens (GTA) est sur le qui-vive, une enquête de flagrance a été ouverte par le parquet de Paris pour "vol par aéronefs en zone interdite".

A-t-elle des chances d'aboutir ? Non, assez peu, répondent les spécialistes aquitains du marché des drones que La Tribune - Objectif Aquitaine a interrogés. Les faits leur donnent raison. Aucun des survols de sites sensibles, voire ultra sensibles, n'a donné lieu à une interpellation à ce jour.

"On peut très difficilement repérer le porteur d'une télécommande", souligne Marco Calcamuggi de la société bordelaise R&Drones. "La triangulation qui permet de localiser un téléphone portable ne s'applique pas sur une télécommande"... et encore faut-il qu'il y ait une télécommande et quelqu'un derrière...

Pas de pilote... et pas de télécommande non plus ?

"En effet, il est possible de programmer le parcours d'un drone, son décollage d'un point A, à une heure donnée, son vol et son retour au point A, voire à un autre endroit si besoin. Dans ce cas-là, impossible de repérer, même visuellement, un porteur de télécommande puisque précisément, il n'y a plus de télécommande et l'opérateur se contente seulement de récupérer le drone et les informations collectées."

Si l'on ne peut que très difficilement, et pour cause donc, repérer les pilotes, comment peut-on empêcher les survols de sites sensibles ?

"Des tas de solutions sont à l'étude, mais pour l'instant, nous n'avons pas identifié de réponse satisfaisante", souligne un autre acteur de la filière.

Affirmation en ligne avec l'appel à projets lancé par le ministère de l'Intérieur précisément autour de cette thématique de la lutte contre les survols de sites sensibles.
Du côté de la Fédération professionnelle du drone civil que nous avons interrogée, la question de la sécurité soulevée par ces vols "suspects" de drones est présentée comme un non-sujet.

"Pour nous, les deux ou trois idiots qui ont survolé les sites touristiques donnent du grain à moudre aux médias, et notamment à certaines chaînes d'info en continu qui n'ont rien de mieux à faire qu'à effrayer les gens et stigmatiser une filière d'excellence française !"

Pour la Fédé, la seule vraie menace pèse... sur la filière drone française

La fédération préfère rappeler que la France "est en pointe dans le secteur du drone civil".

"La DGAC a agréé 1.400 sociétés en France. Le secteur est en pleine explosion et représente plusieurs milliers d'emplois. Le buzz négatif fait autour des drones, par des gens mal intentionnés, fait qu'on évoque même parfois son interdiction ! C'est d'autant plus absurde qu'il faut savoir que la règlementation qui est à l'étude aux USA s'inspire directement des réflexions menées entre la DGAC et la fédération. Nous sommes leader mondial du drone civil, on ne le dit pas assez ! Par contre, les médias aiment s'attarder sur ce qui fait peur... alors qu'il n'y a rien à craindre. Vous croyez qu'avec leur poignée de kilogrammes, ils peuvent abîmer les sous-marins ? Faire tomber la tour Eiffel ?"

"Pastor" chasseur de brebis galeuses du drone ?

Un argumentaire balayé par Jean-Christophe Drai, directeur marketing du salon des drones UGS, membre du board de la société Hawk.

"Il est totalement contre-productif de nier le danger de ces survols de drones juste par peur de voir la filière économique souffrir... Nous savons par exemple qu'un petit drone larguant 1 kg de gaz Sarin au-dessus d'un stade tuerait plusieurs centaines de personnes... Se concentrer sur une capacité de nuisance limitée du fait du faible poids des drones est une erreur. Cela revient à nier ce qui fait tout l'intérêt du drone : les outils et technologies qu'il peut embarquer !"

Egalement directeur associé de la société JCPX Développement, groupement de sociétés d'Aquitaine et de groupes nationaux et internationaux qui développe une solution de lutte et de protection contre les survols de drones, Jean-Christophe Drai affirme que ce groupement réunit toutes les technologies nécessaires à une réponse capacitaire, surveillance, alerte, détection des contrevenants, traitement de l'intrus... aux survols belliqueux de drones au-dessus de sites sensibles. "Toutes les briques technologiques existent. Elles sont là, toutes sur étagères, certifiées aviation civile et donc disponibles à court terme". Baptisée "Pastor", la solution avancée par le groupement JCPX cible les drones de 5 à 20 kg qui sont non détectables par des moyens conventionnels.

"La solution Pastor est capable de surveiller et de détecter l'intrusion au-dessus de sites sensibles, d'événements ou de personnalités en créant des sortes de bulles no fly zone. Elle peut identifier et réaliser un tracking des intrus, rechercher au sol des contrevenants, proposer un appui aérien aux recherches au sol et enfin intercepter et neutraliser les drones contrevenants. Notre système serait mobile, facile à déployer. Il répond donc parfaitement au caractère fugace de la menace."

Pastor semble en ligne avec l'appel d'offres du ministère, mais ses concepteurs sont refroidis par les clauses imposées.

300 à 500 K€ pour la preuve de concept

"Ce qui nous gêne, c'est que notre groupement de PME doit se mettre financièrement en danger pour financer le programme. Rien n'est prévu dans l'appel d'offres du ministère pour amortir ce coût, ni même pour garantir, vis-à-vis de la concurrence parfois très puissante, la confidentialité de notre offre..."

Quoi qu'il en soit, JCPX Développement est actuellement en train de constituer un tour de table pour finaliser ce système qui agrège des briques existantes afin de pouvoir réaliser la preuve de concept de Pastor. Il lui faut entre 400 à 500.000 euros pour cela.

"L'enjeu est stratégique sur beaucoup de points. En sécurisant l'usage de drones, il sécurisera le potentiel économique de la filière. Les besoins et donc les marchés sont immenses. La course à la lutte contre les délinquants du drone est une course mondiale. Je pense que nous avons de l'avance, il serait dommage, faute de moyens, de prendre du retard dans cette course aussi sécuritaire qu'économique."