Vin de Bordeaux : les volumes 2017 dégringolent de 40 %

Par Mila Ta ninga  |   |  858  mots
Les effets du gel et de la grêle vont se faire ressentir sur les bilans économiques pendant plusieurs années (Crédits : Appa)
Du jamais vu depuis 1991. Les volumes de vins du vignoble bordelais sont en baisse de 40 à 50 % par rapport à l'année dernière. Malgré les faibles volumes liés au gel de fin avril et à la grêle de fin août, les viticulteurs annoncent un millésime 2017 "de qualité".

C'est un - gros - coup dur pour les viticulteurs bordelais, chiffré hier jeudi par le président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), Allan Sichel, et son vice-président Bernard Farges à l'occasion du bilan des vendanges 2017. La récolte 2017 est d'ores et déjà estimée en baisse de 40 à 50 % par rapport à l'an dernier. Les volumes 2016 ont atteint 5,77 millions d'hectolitres pour une valeur de 4 milliards d'euros. Pour 2017, il faudra attendre les déclarations de récoltes de fin d'année pour préciser le montant exact des pertes.

Cette baisse des volumes est tout d'abord liée aux épisodes successifs de gel de fin avril dernier. Ils sont survenus au moment de la croissance des raisins. Plus de la moitié du vignoble a été sévèrement touché. De 20 à 100 % selon les propriétés. À cela s'ajoute le fort orage de grêle de fin août. De nombreuses grappes ont été détruites pendant leur maturation alors que les vendanges allaient démarrer.

Dans ces conditions, les ambitions volumétriques ont été revues à la baisse. De 5,3 millions d'hectolitres espérés, le millésime 2017 sera plutôt commercialisé entre 5 et 5,1 millions d'hectolitres.

Des effets lissés sur plusieurs années

"Les effets économiques de la très petite récolte 2017 vont, toutefois et surtout, se faire ressentir en 2018 et 2019. Si nous avons une perte de 50 % de la récolte, nous passons de 750 millions de bouteilles à 375 millions. C'est un gros trou qui va se lisser sur les prochaines années", souligne Allan Sichel.

"Cela correspond à 2 milliards d'euros de chiffre d'affaire à Bordeaux pour 2017 (4 milliards l'an dernier). Il faut savoir que 80 à 90 % irrigue le tissu économique local. Une bonne partie de la main-d'œuvre se fait ici", précise Bernard Farges.

Bernard Farges et Allan Sichel, respectivement vice-président et président du CIVB

Bonne nouvelle malgré tout, les raisins récoltés en septembre sont "de qualité" selon le président du CIVB :

"Les vendanges des rouges (merlot, cabernets francs, cabernets sauvignons) proposent un joli millésime en perspective. Les vendanges des liquoreux ont bénéficié de belles conditions météo favorisant la concentration et la richesse aromatique. Les blancs secs seront de belle qualité, à la fois vifs et aromatiques. C'est un très beau millésime de blancs."

Les solutions pour faire face

Quelles solutions possibles ? C'est la question que se pose les viticulteurs et l'Interprofession. Après le gel et la grêle, c'est plus de la moitié du vignoble qui a été sévèrement touché. De 20 à 100 % selon les propriétés.

"Les situations sont complexes entre ceux qui ont perdu peu et ceux qui ont beaucoup perdu, ceux qui ont des réserves et ceux qui n'en n'ont pas. Avec les pénuries d'aujourd'hui, cela va être très difficile de trouver des accompagnements significatifs pour les viticulteurs", prévoit Bernard Farges.

Des solutions ciblées et orientées au cas par cas soutenus par les services de la Mutuelle sociale agricole (MSA) et la région. Des mesures déjà calibrés sont les achats des vendanges ou encore le report des cotisations MSA. En revanche, l'accompagnement des banques n'est pas pas garantie à 100 % pour tous les sinistrés. C'est pourquoi le CIVB compte sur la Banque publique d'investissement, Bpifrance, pour soutenir et se porter caution auprès des organismes bancaires pour ceux qui ne seraient plus soutenus par leurs banques :

"Il y a beaucoup de situation où ce sera difficile mais gérable. Mais j'imagine bien qu'il y a des situations où ça ne le sera pas."

Des conséquences seront "très peu probablement" ressenties sur le prix des bouteilles car il sera difficile d'augmenter les tarifs sans perdre une partie de la clientèle.

Une commercialisation en GMS dans la tendance du marché

En France, les ventes des vins d'appellations d'origine protégée (AOP) en grandes et moyennes surfaces (GMS) sont en baisse de 3 % en volume (données arrêtées le 13/08/2017) pour un chiffre d'affaire de 882 millions d'euros (-2 %). Ce sont 163 millions de bouteilles vendus sur cette période.

Le recul principal est imputé aux bordeaux rouges (-4 %). Ils représentent 84 % des ventes des bordeaux en grand distribution. Toutefois les blancs (8 % des ventes) enregistrent une croissance de 2 % et les rosés (7 % des ventes) de 1 %. De manière général le prix moyen des bordeaux en hyper et supermarchés a progressé de 2 %. Aujourd'hui ces bouteilles valent en moyenne 5,86 €, juste au-dessus du seuil des 5 € cher à Allan Sichel.

A l'export, à la fin juillet 2017 les vins de Bordeaux ont progressé de 6 % en volume (2,12 millions d'hectolitres) et de 15 % en valeur (1, 97 milliard d'euros). Sur un an ce sont quelques 282 millions de bouteilles exportées, 67 % l'ont été vers un pays tiers, 33 % dans l'Union européenne. Une belle reprise alors que les disponibilités de 2013 étaient faibles et que celles de 2014 et 2015 étaient en dessous de la moyenne.

Cette récolte 2017 est difficile pour une bonne partie des 6.300 viticulteurs oeuvrant dans les 111.000 hectares de vignes bordelais. "Il ne faudrait pas que 2018 soit dans la même veine", conclut Allan Sichel.

Lire aussi : Stéphane Derenoncourt, invité d'honneur de La Tribune Wine's Forum le 16 octobre