Mise en concurrence des trains régionaux en 2027 : ce qu'il faut savoir en Nouvelle-Aquitaine

ENJEUX. Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine votera, lundi 12 juin, sur l'ouverture progressive à la concurrence de son réseau de trains express régionaux (TER) à partir de 2027. Calendrier et contours des quatre lots mis en jeu, candidats déjà sur les rangs, conséquences pour les passagers : La Tribune fait le point sur cette transformation dénoncée par les syndicats cheminots mais accueillie favorablement par les représentants des usagers.
Doté de 314 gares et de 3.410 km de lignes dans douze départements, le réseau TER Nouvelle-Aquitaine s'ouvrira progressivement à la concurrence au 1er janvier 2027.
Doté de 314 gares et de 3.410 km de lignes dans douze départements, le réseau TER Nouvelle-Aquitaine s'ouvrira progressivement à la concurrence au 1er janvier 2027. (Crédits : Agence APPA)

Avec un tiers de voyageurs en plus depuis 2019, le réseau de trains express régionaux (TER) en Nouvelle-Aquitaine est un gros morceau, composé de 314 gares et 3.410 km de voies sur lesquelles circulent près de 200 rames. Après plusieurs mois de réflexion, Alain Rousset, le président (PS) de Région, et Renaud Lagrave, son adjoint aux transports, ont finalement fixé les modalités et le calendrier de l'ouverture à la concurrence qui seront soumis au vote du conseil régional des 12 et 13 juin. Et s'il est bien prévu de renouveler pour sept ans le contrat avec SNCF Voyageurs, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2030, il ouvre aussi la voie à la mise en concurrence progressive avec un découpage du réseau en quatre lots : Poitou-Charentes, Périgord-Limousin, Bassin bordelais et Sud Aquitaine. Chaque territoire étant associé à un nouveau centre de maintenance des rames.

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Convaincre 30.000 usagers de plus chaque jour

En contrepartie de 2,6 milliards d'euros en fonctionnement et de 500 millions d'euros d'investissement sur sept ans, les élus régionaux fixent un triple but à la SNCF et aux futurs opérateurs : « une meilleure qualité des services, une maîtrise de la trajectoire financière et un accroissement permettant de maintenir une forte attractivité ». Par un système renforcé de bonus/malus, la nouvelle convention impose aux opérateurs des objectifs plus exigeants dont une baisse d'un tiers des retards et de 20 % des suppressions de trains. Objectif : viser 120.000 voyageurs quotidiens à l'horizon 2030 contre 90.000 voyageurs en 2022.

La convention prévoit d'ouvrir le bal de la mise en concurrence en Poitou-Charentes avec une décision actée dès l'été 2023 afin que le nouvel opérateur puisse y faire circuler des trains au 1er janvier 2027 au plus tôt, ou début 2028 en cas de retard. La région bordelaise et Limousin-Périgord suivront un an plus tard, début 2028 ou début 2029, tandis que le sud de la région attendra la mandature suivante, en 2029 ou 2030, notamment en raison des délais de construction d'un nouveau centre de maintenance sur la côte basque, a priori, à Hendaye.

TER Nouvelle-Aquitaine

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. Les quatre lots identifiés pour la mise en concurrence : Poitou-Charentes, Périgord-Limousin, Bassin bordelais et Sud Aquitaine Sud (crédits : Région Nouvelle-Aquitaine).

Quatre opérateurs déjà sur les rangs

Selon nos informations, quatre opérateurs ont déjà manifesté leur intérêt pour un ou plusieurs lots et été auditionnés par les élus régionaux. Il s'agit de SNCF Voyageurs, de RATP Dev, de Transdev et de la Renfe, l'opérateur national espagnol qui lorgne logiquement le lot frontalier. D'autres opérateurs tels que Trenitalia ou la Deutsche Bahn pourraient également postuler tandis que Keolis a pour habitude de ne pas candidater contre sa maison mère, la SNCF. Dans tous les cas, les rames et les centres de maintenance resteront la propriété du conseil régional qui continuera à décider du prix des billets comme des fréquences des trains. Les personnels de la SNCF en revanche, qui sont près de 2.400 dans la région, seront transférés au nouvel opérateur le cas échéant.

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Le choix des élus néo-aquitains est vertement critiqué par les syndicats cheminots (CGT, Sud Rail, CGDT, Unsa) qui fustigent « un démantèlement pur et simple du service public ferroviaire régional. Alors que d'autres régions, comme l'Occitanie, ont fait le choix d'un véritable service public ferroviaire en renouvelant la convention TER avec la SNCF pour une durée de dix ans. » 60 % des Néo-aquitains se déclarent opposés à l'ouverture à la concurrence, selon un sondage réalisé début 2023 pour le compte du CSE TER à la SNCF (1). Olivier Sorce, son secrétaire, craint « des conséquences pour les salariés, qui risquent d'être transférés, et pour les usagers avec des billettiques différentes entre les lignes TER et les grandes lignes et avec des interconnexions qui risquent de ne plus être assurées. »

Mais Renaud Lagrave rappelle que le cahier des charges restera entièrement à la main de la collectivité et assume pleinement cette stratégie d'ouverture progressive qualifiée de pragmatique : « On ne veut pas se précipiter mais il faut anticiper puisque ce sont des chantiers longs et complexes. L'intérêt d'avoir quatre lots est de ne pas basculer d'un coup ! » Les élus communistes, membres de la majorité, les écologistes et l'extrême-droite, qui siègent dans l'opposition, voteront contre cette convention. Mais le camp socialiste espère pouvoir compter sur les bulletins de la droite et du centre pour faire passer le texte. Il y sont a priori plutôt favorables mais poseront leurs conditions. De leurs côté, réunis au sein de l'« Appel du rail », les opposants manifesteront devant le conseil régional lundi 12 juin, à Bordeaux. « Si cette nouvelle convention de gré à gré n'est pas adoptée, la seule alternative c'est la mise en concurrence dès 2024 », prévient d'ores-et-déjà Renaud Lagrave.

Que dit la loi ? Que font les autres ?

À partir du 25 décembre 2023, la mise en concurrence des contrats régionaux de transport ferroviaire deviendra la règle. D'ici là, les régions gardent la possibilité d'attribuer le contrat à SNCF Voyageurs pour une durée maximale de dix ans, soit jusqu'au 25 décembre 2033 au plus tard, ou, à l'inverse, d'organiser des appels d'offres auprès de plusieurs candidats. Les stratégies sont diverses : l'Occitanie et la Bretagne ont prolongé leur convention sans concurrence avec la SNCF respectivement jusqu'en 2033 et 2029 ; six régions ont d'ores-et-déjà ouvert une partie de leur réseau à la concurrence (Paca, Hauts-de-­France, Pays de la Loire, Grand Est, ­Aura et Île-de-France), le Centre-Val-de-Loire prévoit de s'y mettre à l'horizon 2030, tandis que la Nouvelle-Aquitaine, la Bourgogne-Franche-Comté et la Normandie ont opté pour une ouverture à la concurrence anticipée mais progressive d'ici à 2030.

Et alors que le mandat actuel s'achèvera au printemps 2028, Renaud Lagrave affirme « ne pas vouloir renvoyer la patate chaude à la prochaine équipe régionale qui n'aura alors plus aucune marge de manœuvre pour organiser l'ouverture puisqu'il faut compter au moins trois ans. » La législation européenne prévoit en effet un délai incompressible de 38 mois entre la décision d'ouverture à la concurrence et la circulation des trains. Schématiquement cela correspond à un an d'information au niveau européen, un an de rédaction du cahier des charges de l'appel d'offres et de sélection du lauréat puis encore un an pour préparer la mise en place du service avec le nouveau délégataire.

La vigilance du Ceser et des usagers

De son côté, la Fnaut Nouvelle-Aquitaine, qui défend les usagers des transports, se dit favorable à l'ouverture à la concurrence : « Nous y sommes habitués en zone urbaine et cela fonctionne. Nous n'attendons pas une baisse du prix du billet mais une hausse de la qualité de service. On voit d'ailleurs que les choses s'améliorent à la SNCF depuis l'annonce de la mise en concurrence... », réagit Christian Broucaret, son président. La Fnaut restera toutefois « très vigilante sur la circulation de l'information entre les différents opérateurs » et sur le déploiement d'une billettique unique et intermodale. Deux tâches qui incomberont au syndicat mixte Nouvelle-Aquitaine Mobilités qui négocie actuellement pour intégrer tous les billets SNCF à son application Modalis.

« Marquée par une très nette volonté de maitrise des coûts, la nouvelle convention interroge sur la capacité à faire mieux avec des moyens en baisse », interroge toutefois le Ceser Nouvelle-Aquitaine, qui souligne « qu'aucune politique volontariste ne pourra aboutir sans des investissements massifs sur le réseau ferré, aujourd'hui fortement dégradé ». L'instance représentative des acteurs économiques et sociaux conclut ainsi qu'une convention de dix ans au lieu de sept aurait permis de « se donner un peu plus de temps dans la préparation de l'ouverture à la concurrence ».

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(1) Sondage en ligne réalisé du 27 au 29 janvier par Cluster17 auprès d'un échantillon de 1.243 personnes représentatif de la population de Nouvelle-Aquitaine de 18 ans et plus dont 644 usagers du TER Nouvelle Aquitaine. Marge d'erreur de +/- 2,7 points.

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Commentaire 1
à écrit le 09/06/2023 à 8:13
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"conséquences pour les passagers" Ben augmentation des prix et diminution des services à savoir ce qu’il s'est passé pour la privatisation des télécoms, de l'eau, des poubelles (bon chez moi c'est le smd3 forcément...), de l'électricité et des autoro...

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