Après la destruction d'un hangar, rien ne va plus à Darwin

L'écosystème bordelais Darwin porte plainte contre un promoteur après la destruction d'un bâtiment de la zone d'aménagement Bastide Niel, pourtant interdite par une décision de justice. La mairie de Bordeaux en appelle « au respect du droit et des décisions de justice par chacun ». Par ailleurs, les accords sur le foncier annoncés par Darwin avec la municipalité fin 2022 sont au point mort.
Les pensionnaires de Darwin devant la palissade qui les sépare du hangar détruit mardi 7 juin.
Les pensionnaires de Darwin devant la palissade qui les sépare du hangar détruit mardi 7 juin. (Crédits : Agence APPA)

[Article mis à jour le 19/06/23 avec la réaction de Marignan]

On croyait la situation « en voie de normalisation » entre Darwin, les politiques et les aménageurs. Il n'en est rien. La colère est subitement montée cette semaine au sein de l'écosystème de la rive droite de Bordeaux qui accueille une quarantaine d'associations et entreprises. Un hangar localisé sur les terrains de la Zone d'aménagement concerté (ZAC) Bastide Niel, sur lesquels se trouvent aussi les activités de Darwin, a été démoli par le promoteur immobilier Marignan. Stupeur chez les fondateurs de Darwin puisque la démolition du bâtiment avait été suspendue le 7 février dernier par une ordonnance du Tribunal de commerce de Bordeaux. Une information qu'ils ont révélée sur Twitter.

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darwin hangar démolition

Entouré par la palissade blanche, le terrain du hangar démoli. (crédits : Agence APPA)

Le hangar en question, partie de l'ancienne caserne militaire et propriété de Bordeaux Métropole Aménagement (BMA), récemment vendu au promoteur, était utilisé comme lieu de stockage de matériel associatif et sportif par Darwin. L'écosystème proposait d'y développer du logement social et de nouvelles activités solidaires alors qu'il ne jouissait ici que d'une autorisation d'occupation temporaire. BMA et Marignan portent quant à eux un vaste projet immobilier incluant du logement social. « Les travaux de démolition ont commencé il y a au moins trois semaines », selon Nathalie Bois-Huyghe, une des fondatrices du lieu. « Le promoteur se croit au-dessus des décisions de justice », lance-t-elle furieuse.

Le maire de Bordeaux en position d'arbitre

L'ordonnance du tribunal de commerce consultée par La Tribune ordonnait en effet « la suspension des opérations de démolition qui pourraient être entreprises par la SAS Marignan » sur le bâti existant. Et mandatait également un expert pour mener une étude sur l'impact de la démolition du hangar. Visiblement, le promoteur n'a même pas attendu les conclusions de l'expertise. Plus ironique encore, BMA avait demandé auprès du tribunal l'expulsion de Darwin sur une bande de quatre mètres de largeur sans quoi l'établissement disait ne pas pouvoir conduire les travaux de démolition. Darwin doit plaider le 19 juin sur ce contentieux désormais totalement caduque puisque le hangar a disparu.

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Les responsables de la destruction ont-ils estimé que les risques auxquels ils s'exposaient étaient mineurs par rapport à l'enjeu de réaménagement ? Sollicité par La Tribune, BMA n'a pas souhaité répondre. Darwin ne compte pas en rester là. Une plainte a été déposée et le tribunal de commerce pourrait de nouveau être saisi. « Si l'on démontre qu'il y a une collusion d'infractions répétées, nos avocats pensent qu'il est légitime de lancer des poursuites pénales », prévient Philippe Barre, patron du groupe Evolution à l'origine de la création de Darwin, qui s'offusque d'un « système qui s'arroge des droits qu'il n'a pas. »

La mairie de Bordeaux, dont le maire (EELV) Pierre Hurmic s'est toujours montré proche de Darwin, a enfin réagi ce mercredi 7 juin, alors que cette intervention était attendue depuis le début de la semaine par les Darwiniens. D'autant que, dans un premier temps, le maire avait refusé de s'exprimer publiquement à ce sujet.

« Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, a été informé que l'entreprise de promotion immobilière Marignan avait débuté ses travaux sur une parcelle de la ZAC Bastide Niel dont elle est propriétaire, sans attendre le délibéré d'une décision de justice qui concerne leur projet de démolition et de construction. Le maire a échangé avec les différents protagonistes et a œuvré pour revenir à une situation apaisée. À la suite de ces échanges, le promoteur lui a fait part de sa décision de suspendre son chantier jusqu'au délibéré de la décision de justice attendu le 20 juin » indique-t-on à la mairie.

En attendant les prochains développements de ce nouveau dossier, Pierre Hurmic se pose en arbitre.

« Le maire rappelle (...) que le respect du droit et des décisions de justice par chacun est, pour aujourd'hui comme demain, et quels que soient les désaccords ou divergences d'intérêts, une condition du vivre ensemble ».

Le début d'un nouveau cycle de procédures juridiques ?

Pour autant, des questions que tout le monde croyait résolues resteraient pendantes. Ainsi plus de six mois après avoir annoncé le rachat à parité entre Darwin et la ville de deux hangars qui abritent les activités du lieu alternatif, le processus n'aurait toujours pas démarré. Une Scic (Société coopérative d'intérêt collectif) devait être créée mais il n'en serait rien selon Philippe Barre. La création de cette coopérative a pourtant été actée à l'unanimité le 28 janvier dernier en conseil municipal à Bordeaux. Et puis les Darwiniens assurent que les associations et entreprises présentes sur site n'ont pas obtenu les autorisations d'occupation temporaire que la mairie s'était engagée à délivrer... via l'intermédiaire de BMA, propriétaire des lieux.

Darwin semble donc repartir pour un nouveau cycle de procédures juridiques. Avec le retour de contentieux que l'on croyait enterrés. Un nouvel épisode tendu qui fragilise l'avenir de l'écosystème, dont l'horizon semblait s'être dégagé sur le long terme il y a quelques mois à peine. La décision de justice du 20 juin sera scrutée de très près, tout comme l'engagement des élus concernés par ce dossier.

Droit de réponse de Cyrille Des Vallières, président du Groupe Marignan

« En premier lieu, notre société a acquis en 2022 la pleine propriété de ce hangar auprès de l'aménageur de la zone, la SAS Bastide Niel représentée par Bordeaux Métropole Aménagement (BMA), après avoir obtenu un permis de construire devenu définitif pour l'édification de bâtiments d'habitation comportant 119 logements, dont 40 logements locatifs sociaux. Les travaux de démolition entrepris le sont, donc, sur la propriété de la société Marignan. Ces travaux interviennent en application d'un permis de construire délivré par les autorités locales, déclaré légal par le tribunal administratif de Bordeaux et le Conseil d'État en cassation, ces deux juridictions ayant rejeté les recours notamment de la SAS Darwin Evolution.


En second lieu, l'ancien hangar dont Marignan s'est rendu propriétaire, ne disposait d'aucune couverture depuis plusieurs années et n'accueillait pas de matériel au moment du démarrage des travaux. La zone des travaux étant protégée et clôturée afin d'en empêcher l'accès aux personnes non-autorisées sur site, aucune menace pour la sécurité des personnes n'était à craindre. Enfin, comme avant toute opération de construction d'importance, une « expertise avant travaux » s'est tenue sous l'égide des tribunaux judiciaires, à la demande de la société Marignan. Cette précaution d'usage permet à un expert indépendant d'effectuer les constatations nécessaires sur les immeubles voisins du projet afin de garantir à leurs propriétaires un constat contradictoire en cas d'éventuels dommages causés pendant les travaux.

L'ordonnance prononcée par le tribunal de commerce à la demande notamment de la SAS Darwin Evolution, désignant le même expert prévoyait une suspension des travaux uniquement dans le but de permettre à ce dernier l'exécution de ses missions qui se sont achevées, dans les faits, à la suite d'une réunion contradictoire, en présence de l'ensemble des parties, organisée sur site le 6 avril 2023. Cette expertise ayant été dûment réalisée, le démarrage des travaux était donc parfaitement légal. L'ensemble des parties à l'expertise, dont la SAS Darwin Evolution, a été informé oralement et par écrit au mois d'avril 2023 (au cours desdites opérations d'expertise qui réunissaient sur site l'ensemble des parties), du démarrage imminent des travaux de démolition. »

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Commentaire 1
à écrit le 09/06/2023 à 8:17
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"a été démoli par le promoteur immobilier Marignan" Et de suite on a moins envie de chialer avec eux du fait que l'immobilier dégringole. Ca ne leur fait certainement pas de mal à tout ces gens bien trop bien installés depuis bien trop longtemps.

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