Economie circulaire : « Les financements publics et privés sont insuffisants »

Le futur village du réemploi ïkos organisait ce 10 mai un colloque national à Bordeaux autour du « rôle de l'économie circulaire dans le futur des villes ». Alors qu'il est encore à la recherche de fonds publics, le projet veut servir de tremplin à d'autres écosystèmes tout en poussant l'état et les collectivités à mettre le paquet, dans un secteur pourtant déjà largement subventionné.
Maxime Giraudeau
Le projet ïkos vise à ouvrir un vaste village du réemploi des objets de seconde main au nord de Bordeaux en créant une centaine d'emplois, dont la moitié en insertion.
Le projet ïkos vise à ouvrir un vaste village du réemploi des objets de seconde main au nord de Bordeaux en créant une centaine d'emplois, dont la moitié en insertion. (Crédits : ïkos)

Six ans après avoir initié le projet, les porteurs du village du réemploi ïkos à Bordeaux demeurent plongés dans l'incertitude : « le plan de financement n'est pas bouclé », évoque Marion Besse. La directrice de l'association voit le projet d'ouverture d'un lieu dédié à l'économie circulaire et à l'insertion, porteur d'une centaine d'emplois à Bordeaux, encore repoussé. C'est à la fois pour alerter sur son cas, mais aussi pour servir d'exemple et peut-être un jour de contre-exemple, qu'ïkos a organisé, en partenariat avec Bordeaux Métropole, un colloque national dédié à la place et au financement de l'économie circulaire dans les villes.

« Nous envisageons un dépôt de permis de construire début 2024, une fois que la phase d'avant travaux sera bouclée », indique Marion Besse à La Tribune. Sur une enveloppe de 19 millions d'euros nécessaires pour lancer le projet, ïkos doit encore trouver six millions d'euros. Et compte sur l'État, suite à la visite de deux ministres en janvier, pour l'aider à boucler la somme. « On espère être les premiers en France et pouvoir être copié. » Plusieurs intervenants ont parlé d'une « bascule culturelle » à mener pour pousser encore davantage les politiques publiques à promouvoir l'économie circulaire. « Les financements publics ou privés ne suffisent pas », reprennent tout à tour Catherine Mechkour-Di Maria, secrétaire générale du réseau national des ressourceries et recycleries, et Aurore Medieu, responsable économie circulaire pour ESS France.

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Mobiliser un foncier en bail public

Comment en effet imaginer qu'il soit si long pour un tel projet comme ïkos d'aboutir, alors que toutes les collectivités participent déjà au montage financier ? D'autant que la loi Agec, promulguée en 2020, accompagne l'émergence de lieux de type ressourcerie et recyclerie. Et que des fonds nationaux leur sont désormais dédiés. Mais les représentants réunis dans l'hémicycle de Bordeaux Métropole ont à ce sujet pointé des incohérences. « Pour verser l'aide, l'Ademe demande de justifier que les éco-organismes ont émis un refus de financement aux structures demandeuses. Or cette traçabilité représente un surcoût de temps et d'investissement pour les structures, qui se disent qu'elles ne vont finalement pas solliciter le fonds réemploi », détaille Aurore Medieu.

Si le cadre législatif est encore jugé peu efficace, l'accès au foncier pour ces projets de tiers-lieux symbolise bien l'obstacle majeur. « Aujourd'hui, c'est mission impossible en passant par des propriétaires privés », balaye Marion Besse. Depuis l'an dernier, ïkos fait vivre une boutique temporaire de 500m² dans le cœur commercial de Bordeaux, promenade Sainte-Catherine, grâce au bon vouloir (temporaire aussi) du bailleur privé. Pour la suite, « on a la chance d'avoir une Métropole qui met à disposition un terrain qui lui appartient », s'impatiente-t-elle au sujet d'un site de 15.000 m2 situé à Bordeaux Nord.

« Il faut que l'on soit un peu moins timides »

« Aujourd'hui, les collectivités financent les acteurs du réemploi et de l'ESS par les mêmes outils avec lesquels elles financeraient la "startup nation". Il faut inventer de nouveaux financements. [...] Quand on discute entre collectivités, on finit par mettre en place les mêmes outils de financement alors qu'en fait, la Métropole est peut-être mieux placée pour débloquer le levier foncier, la Région pour l'investissement. Il y a un vrai travail à faire en matière de coopération », mobilise Jean-Baptiste Thony, conseiller métropolitain délégué à l'économie circulaire.

Certains représentants reconnaissent le manque d'ambition du secteur du réemploi et de l'ESS sur les appels à projet. « Il faut que l'on soit un peu moins timides et que l'on demande des tickets à plusieurs dizaines de millions d'euros en nous fédérant », appelle ainsi Aurore Medieu citant l'exemple du plan France 2030. ïkos pour sa part attend une réponse de financement de la part de l'État d'ici l'été. « Nos demandes ne rentraient pas dans les cases des processus classiques de l'administration », précise Marion Besse, presque envieuse des startups qui parviennent à lever des millions sur un projet d'entreprise. A l'image d'un monde du réemploi et de l'ESS qui veut prouver sa capacité à répondre aux objectifs de transition écologique et d'économie vertueuse à grande échelle.

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Maxime Giraudeau

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