Avec la démolition du Signal, la question de l'indemnisation face à l'érosion côtière

La destruction de l'immeuble balnéaire Le Signal, situé à Soulac-sur-Mer au nord de la Gironde, a officiellement été lancée aujourd'hui en présence du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. La démolition était annoncée depuis 2014 mais l'équation de la couverture juridique et financière face aux aléas climatiques côtiers n'est toujours pas résolue.
Des dizaines d'habitants de Soulac-sur-Mer sont venus assister au début de la destruction du Signal ce vendredi 3 février.
Des dizaines d'habitants de Soulac-sur-Mer sont venus assister au début de la destruction du Signal ce vendredi 3 février. (Crédits : Agence APPA)

« C'était un injuste paradoxe. » Dans les mots du maire de Soulac-sur-Mer, il y a beaucoup de soulagement à tourner la page d'un bâtiment, Le Signal, qui faisait de la commune la plus au nord de la Gironde un symbole de l'érosion côtière en France. Une anomalie construite en 1967 et avancée sur le front de mer qui, pour l'édile, gâchait un peu le paysage de ses grandes plages atlantiques. C'est aussi l'emblème d'une époque d'ouverture du tourisme populaire de masse. La démolition de l'immeuble de 78 appartements donnant sur l'océan a été lancée, pour de bon, ce vendredi 3 février avec les premiers coups de pelle. Elle s'effectuera jusqu'en mai, avant le programme de reconstitution de la dune fin 2023.

Un symbole d'autant plus paradoxal que Soulac-sur-Mer, située non loin de l'embouchure de l'estuaire de la Gironde, n'a jamais porté l'esprit d'une station balnéaire d'envergure. « La mentalité de Soulac c'est celle d'une petite cité de vacances familiale », confie une habitante. Hormis l'implantation du Signal, qui devait d'ailleurs préfigurer la construction d'une dizaine de bâtiments du genre sur le front de mer dans les années 1960-70, la ville n'a jamais compté de grande infrastructure balnéaire pour accueillir en masse les touristes. Le projet baptisé Soulac 2000 par le maire de l'époque n'a jamais vu le jour.

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Pour l'occasion, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, et la secrétaire d'État, à l'Écologie Bérangère Couillard, par ailleurs députée de Gironde, étaient sur place pour ajouter encore à la symbolique. Et aussi pour marquer l'ambition du gouvernement pour mieux anticiper à l'avenir les effets du risque d'érosion, démultipliés dans certaines localités par le dérèglement climatique.

Des orientations attendues cette année

Interrogés sur les leviers envisagés pour y répondre, les représentants du gouvernement ont dit réfléchir à plusieurs pistes sans préciser encore une stratégie définie.

« Est-ce que ce sera par une taxe additionnelle ? Une taxe sur l'éolien offshore ? Sur les droits de mutation ? Est-ce que ce seront des mécanismes assurantiels ou de provision ? Cette réflexion est conduite par la secrétaire d'état à l'Écologie Bérangère Couillard avec le Conseil national du trait de côte qui nous rendra des conclusions cette année pour déterminer ce qu'il faut faire », a guidé Christophe Béchu.

démolition Signal Soulac Christophe Béchu Bérangère Couillard

Bérangère Couillard, le maire de Lacanau Xavier Pintat, et Christophe Béchu ont exprimé leur satisfaction de voir l'ouvrage bientôt démoli. (Crédits : Agence APPA)

Le ministre a ensuite reconnu qu'il faudra « des centaines de millions d'euros pour financer les aléas jusqu'à la fin de ce siècle. » Sa collègue Bérangère Couillard a évoqué la nécessaire articulation entre le soutien de l'état et la charge des municipalités qui ont parfois du mal à se coordonner. « Nous souhaitons trouver le modèle de financement adapté entre la solidarité nationale et l'effort financier que doivent accomplir les collectivités locales » a-t-elle appuyé.

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10 % des communes littorales dans la boucle

Le soutien de l'état, les ex-occupants des logements du Signal l'ont longtemps attendu. Et réclamé jusque devant les tribunaux. Après un ultime revers du conseil d'État en 2018, le syndicat des propriétaires s'est vu attribuer gain de cause par un allongement de sept millions d'euros du budget 2019 voté par l'Assemblée nationale. De quoi indemniser les habitants expropriés en 2014, quand la tempête avait amené la mer à une vingtaine de mètres de l'immeuble contre 200 mètres de distance à l'origine. Hormis cet amendement parlementaire, qui n'a pas vocation à faire jurisprudence, le vide juridique plane au-dessus du risque érosion alors que le changement climatique accentue de plus en plus ses effets.

Le Signal

Le coût des travaux de démolition pour cette année s'élève à plus de 300.000 euros, auxquels il faut ajouter les coûts du désamiantage entrepris en 2019 pour 870.000 euros. (Crédits : Agence APPA)

Le 29 avril 2022, le gouvernement a publié une liste de 126 communes volontaires pour être considérées comme particulièrement soumises au risque d'érosion et pouvoir être aidées financièrement à très court terme. Seules 10 % des communes littorales sont donc pour l'instant concernées par ce système encore à l'état d'embryon. Dans la région, certaines communes sont déjà très avancées sur leur réalisations, comme Lacanau qui vient de lancer les travaux de consolidation de son ouvrage de protection littorale.

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D'ici quelques années, la ville va devoir choisir quelle stratégie adopter à long terme : la lutte active contre l'avancée de l'océan ou le repli stratégique dans les terres. De quoi inspirer l'action gouvernementale pour coordonner une politique qui aura pour but de mettre fin à un vide juridique. Bérangère Couillard a assuré considérer ce dossier comme une priorité : « Si nous sommes venus c'est pour que ce cas serve d'enseignement. »

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Commentaires 5
à écrit le 05/02/2023 à 7:41
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Pourquoi se poser de telles questions: les communes sont responsables des dommages de l’érosion, évidemment de façon limitée et négociée (elles ne couvrent pas la vue sur mer..), et l’état n’est qu’en charge des problèmes de submersion, apparemment p...

à écrit le 04/02/2023 à 22:55
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L'Etat (et donc les contribuables) n'a pas à indemniser les propriétaires de ces logements situés en bord de mer et vendus hors de prix jusqu'à ce qu'il soient en situation de péril. Et pourquoi ne pas indemniser les propriétaires de chalets de mon...

à écrit le 04/02/2023 à 19:31
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Pourquoi indemniser les proprietaires ? la notion de rechauffement climatique est connue depuis au moins 10 ans et le probleme ne se posera pas avec 10 ans. autrement dit les gens ont 20 ans pour s adpater et je vois pas pourquoi le contribuable doit...

à écrit le 04/02/2023 à 3:16
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Si ce ne sont que "quelques centaines de millions d'euros d'ici la fin du siècle", ce sera gérable...mais ça risque d'être beaucoup plus que cela. Il faut d'ores et déjà organiser la baisse des valeurs de tous ces logements condamnés: plus rien ne se...

à écrit le 03/02/2023 à 18:59
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Qu'on indemnise que les résidences principales habitées régulièrement. Pour mémoire nombre d'abris construits durant la dernière guerre sont désormais parfois à environ 30 mètres de la ligne de cote.

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