Bordeaux Métropole : un conflit social à la régie de l'eau deux mois avant sa création officielle

Jusqu'où ira le bras de fer engagé par les syndicats de Suez avec la direction de la future régie de l'eau potable de Bordeaux Métropole, où les salariés du groupe doivent être transférés ? Si Jean-Baptiste Marvaud, porte-parole de l'intersyndicale au sein de Suez, ne veut rien lâcher, la présidente de la régie de l'eau métropolitaine, Sylvie Cassou-Schotte, reste confiante. S'agit-il d'un ultime coup de pression des syndicats avant le démarrage de la régie prévu au 1er janvier 2023 ? Explications.
La Métropole s'engage à conserver leurs avantages aux salariés de Suez transférés.
La Métropole s'engage à conserver leurs avantages aux salariés de Suez transférés. (Crédits : DR)

Alors qu'elle doit être opérationnelle à compter du 1er janvier 2023, la création de la toute nouvelle régie de l'eau potable de Bordeaux Métropole entre dans une ultime ligne droite semée de très gros cailloux. Au cœur de la crise se trouvent les modalités du transfert des personnels de Suez (ex-délégataire de ce service public) dans la future régie. Celle-ci aura le statut d'un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) avec des contrats de travail de droit privé. Egalement au chapitre des difficultés du moment : l'information de l'intersyndicale sur les appels d'offre restant à passer par la régie pour devenir pleinement opérationnelle.

"Si c'était une vraie régie, nous deviendrions fonctionnaires", confie tout d'abord Jean-Baptiste Marvaud, porte-parole (CFE-CGC) de l'intersyndicale CFE-CGC, CGT, FO et S3E de Suez.

La tension est montée de plusieurs crans au cours des dernières semaines au point que l'intersyndicale de Suez a appelé à manifester le 21 octobre dernier, jour où elle a décidé de rompre le dialogue avec la direction de la future régie municipale, dont Nicolas Gendreau est le directeur général. La présidence est assurée par Sylvie Cassou-Schotte, vice-présidente (EELV) de Bordeaux Métropole en charge de la Transition écologique - services publics et biens communs.

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L'intersyndicale heureuse d'en savoir plus

Ce 26 octobre, la situation entre les deux parties n'était pas encore revenue à la normale mais Jean-Baptiste Marvaud se félicitait de l'envoi, le jour même par la régie, d'un mail contenant la très attendue liste des appels d'offre à conclure.

"Il s'agit de la liste de tous les sujets qui concernent l'avenir de la régie et qui nécessitent un appel d'offre. Beaucoup n'ont pas encore été conclus, c'est pourquoi nous voulions y voir plus clair. Nous voulons vérifier que la direction de la régie n'oublie rien d'essentiel. Cette liste contient par exemple l'appel d'offre pour tout l'entretien des bâtiments. Notre revendication d'être informés a été satisfaite.

Que le marché public concernant les goodies et les réceptions n'ait pas été passé, d'accord, ce n'est pas déterminant. Mais il y a d'autres sujets où il pourrait y avoir un manque, en particulier concernant les relevés topographiques et le logiciel d'aide à la gestion des travaux", illustre le syndicaliste, qui reste loin d'être satisfait.

Plus de 150 marchés sur 300 ont été attribués

A fin octobre, la future régie métropolitaine de l'eau potable a officiellement passé ou attribué plus de 150 marchés sur les 300 qui ont été identifiés. La direction de la régie complète en indiquant que près d'une centaine de marchés sont en cours de procédure ou de rédaction. Tandis qu'au final une quarantaine sont identifiés comme non démarrés, dont une quinzaine concernant des centrales d'achat et près de 25 des biens et fournitures au-dessous du seuil de publicité, ce qui va permettre d'aller plus vite.

"On nous reproche d'être en retard sur l'attribution des marchés mais ce n'est pas le cas. Il n'y a aucun retard dans le processus de bascule même si le planning est tendu. D'autre part, nous négocions depuis un an et demi avec les syndicats de Suez, sans problème. Mais à un peu plus de deux mois de la conclusion de ce parcours ils entrent dans un bras de fer", regrette Sylvie Cassou-Schotte, jointe par La Tribune.

Point dur parmi les points durs : les modalités et le nombre de salariés de Suez à qui seront transférés à la régie métropolitaine. Selon la Métropole, il reste aujourd'hui 271 salariés de Suez à transférer, auxquels vont s'ajouter 58 agents de Bordeaux Métropole attachés au service de l'eau et 40 personnes recrutées directement par la régie. Ce qui donne un premier total pour l'effectif de 369 salariés. Un nombre qui n'est pas complet puisqu'il fait l'impasse sur le cas de 27 salariés de Suez dont l'activité pose problème pour certains. Mais là où l'intersyndicale voit 27 recalés des transferts, la Métropole n'en compte que 16, qui travaillaient à moins de 50 % dans le périmètre de Bordeaux Métropole.

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L'intersyndicale vent debout pour l'intégration

Jean-Baptiste Marvaud ne veut pas entendre parler d'un seul cas litigieux : pour lui ce n'est même pas envisageable et tous les salariés de Suez qui le souhaitent doivent être intégrés dans la régie.

"Il est inacceptable que la régie de l'eau refuse d'intégrer des salariés de Suez qui travaillaient à moins de 50 % sur Bordeaux Métropole ! Le fait qu'ils aient pu être affectés à des tâches mutualisées à l'échelle régionale par Suez ne change rien ! En cas de transfert, et cela arrive régulièrement dans les entreprises de gestion de l'eau, en fonction de leur date d'entrée dans la société, tous les salariés sont repris. Les 27 salariés qui restent pour le moment sur le carreau doivent être intégrés. Nous n'avons pas perdu de marché, c'est un contrat ! Si les salariés dont la régie ne veut pas se présentent à l'embauche le 1er janvier prochain et qu'on leur refuse l'entrée, alors c'est la direction de Suez qui attaquera la régie de Bordeaux Métropole !", menace le porte-parole de l'intersyndicale.

Création de poste : une capacité à créer

Pour la présidente de la région, l'hypothèse haute, c'est-à-dire le nombre maximal de salariés que pourra compter la régie ne devra pas dépasser 450 personnes.

"Nous avons un conseil d'administration avec des élus métropolitains auquel j'ai invité deux représentants syndicaux : un de Bordeaux Métropole et l'autre de Suez. Ils sont dans l'apprentissage d'un modèle qu'ils ne connaissent pas. Nous travaillons sur le premier budget de la régie avec une hypothèse haute de 450 salariés.

En détachant Suez de la gestion de l'eau métropolitaine, nous allons devoir créer notre propre système d'information, de gestion de données. Car nous ne pouvons pas reprendre cette fonction au groupe Suez. Quand nous créons un poste, cela signifie que nous nous donnons la capacité de sa création. Cela ne signifie pas que nous allons le créer un ou deux jours après...", décrypte Sylvie Cassou-Schotte.

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Pour la patronne de la régie, c'est le 1er juillet

Pour finir de cadrer la situation, cette dernière explique que la régie a plus d'agents candidats désireux d'y faire leur entrée qu'il n'en faudrait. Ce qui rend d'autant plus difficile l'intégration des ex-salariés de Suez qui travaillaient à beaucoup moins de 50 % pour la Métropole. Néanmoins, l'élue tient à souligner que toutes les situations seront examinées "au-delà du code du travail" et des solutions seront recherchées pour les salariés de Suez non concernés par un transfert d'office, qui bénéficieront des mêmes conditions sociales que les autres agents s'ils sont finalement retenus. Le dernier point vraiment litigieux a un aspect aussi inattendu que crucial sur le plan juridique.

"La Métropole veut transférer à la régie métropolitaine les effectifs de Suez à la date du 30 juin 2022, alors que c'est légalement impossible. Ces transferts ne pourront pas être réalisés avant le 1er janvier 2023. Le 30 juin 2022, c'est la date que la régie veut imposer et qui est inacceptable !", pilonne le porte-parole de l'intersyndicale.

Et sur ce point frontal de droit, la Métropole ne semble pas disposée à lâcher le moindre micromètre carré de terrain.

"Je pense que les responsables syndicaux de Suez font une lecture de la loi qui ne fonctionne pas. Car c'est justement pour assurer la protection des services accueillant que la loi a fixé les transferts d'agents au 1er juillet et pas au 31 décembre", recadre Sylvie Cassou-Schotte.

Malgré cette accumulation de malentendus, il semble que la période soit plutôt à la détente et à la reprise des négociations.

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