À Bordeaux, Pierre Hurmic mise sur l'autonomie énergétique

Si rien n'est fait, la facture d'énergie de la ville de Bordeaux s'envolera de 286 % en 2023. Le maire écologiste Pierre Hurmic réaffirme son cap vers plus de sobriété et se fixe un nouvel objectif : atteindre au moins 40 % d'autonomie énergétique pour le patrimoine municipal. Notamment en diminuant l'éclairage et les températures et en déployant du photovoltaïque.
Le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, a fait sa rentrée politique ce mercredi 14 septembre.
Le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, a fait sa rentrée politique ce mercredi 14 septembre. (Crédits : Agence APPA)

"Nous déclarerons l'état d'urgence climatique et nous prendrons rapidement des mesures qui iront dans ce sens", déclarait Pierre Hurmic le 3 juillet 2020, lors de son élection en tant que maire de Bordeaux. Deux ans plus tard, l'élu écologiste est au tiers de son mandat municipal à la tête d'une ville cernée par les incendies et étouffée par les températures caniculaires et la sécheresse, sans même parler de la crise énergétique. L'heure d'aborder les premières réalisations concrètes.

Facture d'énergie en hausse de 286 %

"La preuve tangible est là, face à nous : le changement climatique avance. [...] Nous n'avons pas attendu la hausse des températures pour végétaliser la ville. Le travail de fond mené depuis deux ans porte ses fruits concrets", a-t-il ainsi martelé, évoquant pêle-mêle le plan de végétalisation des rues et de 100 % des cours d'écoles en dix ans, la hausse du trafic à vélo (+40 % en intra-boulevards) ou encore le label du bâtiment frugal bordelais.

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Mais, aujourd'hui, c'est bien la question de l'énergie qui figure au sommet des priorités municipales alors que la facture énergétique de la ville, toutes choses égales par ailleurs, pourrait bondir de 8 millions d'euros en 2022 à 31 millions d'euros en 2023 (+286 %). Trois millions d'euros d'économies ont déjà été actés pour limiter le surcoût à vingt millions d'euros. Deux postes sont ciblés : diminuer de 10 % la consommation des bâtiments, notamment en diminuant le chauffage de deux degrés ; éteindre 55 % de l'éclairage public de 1h à 5h du matin à partir de janvier 2023 tout en renonçant à 90 % des mises en lumière des monuments publics.

Face à cette charge supplémentaire, d'autres arbitrages pourraient être menés dans les prochains mois avec une ligne rouge tracée par Claudine Bichet, l'adjointe en charge des finances, du défi climatique et de l'égalité femmes-hommes : "Nous ne sacrifierons aucun des investissements sur la transition écologique et énergétique parce que c'est la seule manière de s'adapter !"

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Développer la souveraineté énergétique

"Nous allons diminuer notre consommation énergétique et produire nous-même de l'électricité grâce à des énergies renouvelables. L'objectif est d'atteindre une autonomie énergétique de 41 % d'ici 2026 contre 7 % en 2020", annonce ainsi Pierre Hurmic. Un chiffre qui s'applique uniquement au patrimoine municipal et non à l'ensemble du territoire.

"L'enjeu est de couvrir 41 % de la consommation des bâtiments municipaux par de l'énergie produite localement : soit la géothermie en raccordant des bâtiments au réseau de chaleur urbain, soit le solaire en installant des panneaux photovoltaïques sur les toits", traduit Laurent Guillemin, son adjoint à la sobriété dans la gestion des ressources naturelles.

La centrale solaire urbaine de Labarde, au nord de la ville, pourtant l'une des plus grandes d'Europe, ne rentre donc pas dans cette équation. Ce sont les bâtiments publics qui seront mis à contribution. 19 installations photovoltaïques sont déjà en fonctionnement et dix seront livrées dans les prochains mois. Quatre autres projets sont dans les tuyaux pour recouvrir de panneaux solaires la base sous-marine, cinq écoles, la plaine des sports Colette Besson à Bordeaux Lac et le casino et palais des congrès, toujours à Bordeaux Lac. Tout cela doit permettre de produire 4 GWh d'électricité renouvelable. Parallèlement, la piscine du Grand Parc sera fermée en janvier 2023 pour être raccordée au réseau de chaleur urbain avec un gain attendu de l'ordre de 40 %.

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La réaction de l'opposition


  • "Le maire opte pour une trajectoire consensuelle qui est celle de toutes les collectivités. Les économies d'énergie sont une bonne chose pour la mairie et pour la planète. En revanche, il n'y a rien pour aider les Bordelaises et les Bordelais face à l'inflation alors même que les tarifs des musées augmentent et que ceux de la cantine vont augmenter pour les classes moyennes en janvier prochain (*). Nous demandons à nouveau le gel des tarifs par la ville !", réagit l'élu Modem Fabien Robert, ancien adjoint d'Alain Juppé et Nicolas Florian, désormais dans l'opposition.

Envoyer un signal fort

Que ce soit sur l'éclairage public ou le développement du renouvelable, l'enjeu pour la mairie est aussi d'envoyer un signal aux habitants comme aux entreprises privées sur la nécessité de se serrer la ceinture alors que les mauvaises habitudes sont encore bien ancrées. La modification du plan local d'urbanisme sera ainsi l'occasion d'imposer l'installation d'énergies renouvelables dans les constructions neuves à partir de 80 m2 et dans les réhabilitations à partir de 40 m2.

"L'Etat nous demande de faire 10 % d'économie d'énergie, à Bordeaux nous visons une baisse de 12,5 % de notre consommation d'énergie et de 20 % de l'éclairage public", souligne Pierre Hurmic avant de demander à l'Etat la mise en place d'un "bouclier tarifaire pour protéger les services publics du quotidien de la flambée des prix de l'énergie".

Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir lancé plus tôt ces économies d'énergie dans le cadre de "l'état d'urgence climatique" déclaré en 2020 ? Fallait-il être plus ambitieux ?

"La réponse est oui. La trajectoire est bonne mais, compte tenu de la situation, nous allons être amenés à devoir durcir un certain nombre de politiques. Je pense aussi que la prise de conscience évolue, les habitants sont de plus en plus nombreux à comprendre qu'il faut agir face au changement climatique", répond Pierre Hurmic.

L'équipe municipale met aussi en avant le temps long des politiques publiques. "Il faut trois à quatre ans entre les études, les décisions et la mise en œuvre. Mais la trajectoire est là, il faut poursuivre et intensifier", souligne Delphine Jamet, l'adjointe en charge de l'administration générale. "Il est aussi probable aussi qu'une extinction de l'éclairage public n'aurait pas été perçue de la même manière par les habitants il y a deux ans. Les temps changent", conclut Laurent Guillemin. Le mandat municipal, lui, dure six ans et s'achèvera au printemps 2026.

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(*) Une nouvelle tarification de la cantine scolaire entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Plus progressive qu'auparavant, elle s'étalera de 0,45 euros à 6,50 euros par repas en fonction des revenus. Selon la mairie, le tarif diminuera pour 43 % des familles bordelaises, ne changera pas pour 22 % d'entre elles et augmentera pour 35 %.

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