Pour le maire de Bordeaux, le GPSO est un projet d'autrefois, hors de prix et inacceptable

Sauf accident Bordeaux Métropole votera en faveur du financement du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) lors de son assemblée plénière du 26 novembre prochain. Un dossier qui met une fois de plus sous forte pression l'alliance PS/EELV qui la gouverne, puisque Pierre Hurmic, maire (EELV) de Bordeaux et 1e vice-président de la Métropole condamne ce projet avec la plus grande énergie. Alors qu'Alain Anziani, son allié et président de la Métropole, le soutient de toutes ses forces. Avec l'appui de l'opposition de droite et du centre menée par Patrick Bobet.
Pierre Hurmic maire de Bordeaux
Pierre Hurmic maire de Bordeaux (Crédits : PC / La Tribune)

Conformément aux positions d'EELV sur le sujet et à son propre engagement, qui n'a jamais été un mystère, le maire de Bordeaux Pierre Hurmic s'est officiellement prononcé ce jeudi 28 octobre contre le financement par Bordeaux Métropole du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), qui doit permettre de rallier à grande vitesse Bordeaux à Toulouse, d'une part, et à Dax, d'autre part. Pour le maire de Bordeaux, la résurgence soudaine de ce projet en haut de la pile des priorités du gouvernement n'est rien d'autre qu'une opération politicienne montée par le camp Macron en vue de la prochaine élection présidentielle.

"J'ai la conviction que l'heure est grave"; a commencé Pierre Hurmic avant de développer son analyse.

Le maire de Bordeaux a ainsi déroulé un argumentaire dans lequel il condamne l'opportunisme d'Emmanuel Macron et le caractère définitivement inadapté de la construction d'une nouvelle ligne LGV du port de la Lune vers Toulouse et Dax.

Le dossier enterré qui resurgit tout en haut de la pile

"A quelques mois de l'élection présidentielle, le projet de ligne à grande vitesse « Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest », GPSO, est reconduit avec une précipitation nouvelle... alors même qu'il avait été solennellement enterré par l'Etat en 2017, suite à la volonté affirmée du président Macron de « prioriser les transports du quotidien plutôt que les grands projets tels que la LGV »", a commencé par recadrer Pierre Hurmic.

"Le défi d'aujourd'hui", a-t-il poursuivi, "est d'offrir une alternative avec un maillage ferroviaire équitable qui ne laisse personne à quai. Mais là, d'un seul coup il est question de nous faire voter très vite sur le dossier du GPSO. C'est pourquoi nous venons de lancer l'appel #AlternativeLGV. Il s'agit d'une pétition à signer en ligne et les signatures ont démarré".

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Alternatives : atteindre 240 km/h avec deux fois moins d'argent

Le maire de Bordeaux et 1er vice-président de Bordeaux Métropole est convaincu qu'il existe des solutions alternatives tout à fait valables à la construction d'une nouvelle ligne pour gagner du temps entre Bordeaux, Toulouse et Dax. Des options dont il a tenu à rappeler la teneur.

"Il est possible de réaménager les voies ferrées existantes pour y faire rouler des trains à 240 ou 250 km/h. Ces options ont été abordées dans deux études : la première réalisée par la SNCF avec le cabinet Setec pour la ligne Bordeaux-Toulouse en 2012, et la seconde en 2013 par le cabinet Citec pour Bordeaux-Hendaye. Or, comme l'a relevé la commission d'enquête publique de 2015, ces solutions alternatives n'ont jamais été prises en compte dans le débat ! Alors que leur coût n'a plus rien à voir. Puisque l'on passe de 14,3 milliards d'euros pour le GPSO, à une enveloppe de 4,6 à 7,3 milliards avec ces alternatives", a plaidé le maire écologiste de Bordeaux.

Les Basques veulent des trains rapides, pas forcément des TGV

Pierre Hurmic, qui est basque et originaire de Saint-Palais (Pyrénées-Atlantiques), a récemment rencontré Juan Mari Aburto, son homologue à Bilbao, capitale économique d'Euskadi (Communauté autonome basque). Et pour lui les choses sont claires.

"Le maire de Bilbao veut une liaison ferroviaire rapide à la frontière avec la France d'ici 2027. Il se moque bien que ce soit avec un TGV. Un train qui roule à 240 kilomètres/heure ça lui irait très bien. Tout ce qu'il veut c'est de ne pas avoir à attendre plus qu'il ne faut. Je me suis également entretenu sur ce sujet avec le Lehendakari, le chef du gouvernement basque, et il dit aussi : dépêchez-vous de nous proposer une liaison rapide", a tout d'abord exposé le maire de Bordeaux.

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Les élus basques français opposés à une nouvelle voie ?

Avant de boucler sa démonstration basque par un élément incontournable du dossier qui a renvoyé, sous la pression initiale de l'ex-députée UMP Michèle Alliot-Marie, la traversée du Pays basque français par la LGV pas avant le début des années 2030.... Une opposition à la LGV combattue par les milieux d'affaires, à commencer par la CCI de Bayonne Pays basque. Mais une opposition à la LGV qui semble ne pas s'être arrêtée à Michèle Alliot-Marie en ce qui concerne les élus.

"Vous devez savoir aussi, a souligné Pierre Hurmic, que Jean-René Etchegaray, président de la Communauté Pays basque, qui regroupe toutes les communes du Pays basque, refuse de payer pour ce projet et s'oppose à la construction d'une nouvelle voie ferrée qui traverserait le Pays basque", a souligné le maire de Bordeaux.

Des arguments qui pèsent lourds si l'on considère que l'Union européenne ne doit en principe accepter de payer 20 % de la facture du GPSO qu'à la condition que la LGV atteigne la frontière espagnole.

Pourquoi la LGV va ruiner le RER métropolitain

Revenant à son comparatif GPSO/solutions alternatives, Pierre Hurmic a relevé qu'avec la LGV, qui doit ramener à 1h05 le temps de voyage entre Bordeaux et Toulouse, l'écart avec la solution alternative n'est que de 22 minutes, et au maximum de 6 minutes avec Dax.

"Chaque minute gagnée avec le GPSO coûte environ 166 millions d'euros, ce qui représente la création de 300 lits de CHU ou encore la construction de trois lycées. Ce qui va ruiner le projet de RER métropolitain puisque la LGV va détourner les fonds disponibles pour ce projet vers le GPSO qui, rappelons-le, va se solder pour la Métropole par un emprunt sur 40 ans. Et d'autre part, la société publique de financement qui va être créée pour le GPSO va se financer sur des taxes prélevées sur la construction de bureaux", a pilonné le maire de Bordeaux.

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Hurmic : pas de lien entre bouchon ferroviaire et GPSO

Mais le GPSO ne se limite pas stricto sensu à la construction de deux LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, puisqu'il faut également faire sauter le bouchon ferroviaire  au sud de Bordeaux. Les divergences d'analyses sont devenues tellement fortes à ce sujet entre le président de Bordeaux Métropole Alain Anziani, et son vice-président et allié Pierre Hurmic, que cette question technique semble soudain relever d'une autre dimension.

"Nous sommes d'accord pour que la Métropole finance la suppression du bouchon ferroviaire de Bordeaux, ce qui devrait nous coûter entre 300 et 320 millions d'euros. Mais nous ne voterons cette décision qu'à la condition qu'aucun lien ne soit fait entre ce chantier et le GPSO lors du vote", a prévenu ainsi Pierre Hurmic, revendiquant le caractère autonome de ce chantier.

Avant la tenue de la dernière assemblée plénière du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine son président (PS), Alain Rousset, qui met toutes ses forces dans cette bataille pour faire triompher la cause du GPSO, et qui est très proche d'Alain Anziani, avait prévenu que "la LGV ne fait pas partie du contrat d'alliance à la Métropole entre le PS et EELV". Et de fait l'opposition de droite et du centre, conduite par Patrick Bobet au sein de Métropole commune(s), a déjà annoncé qu'elle votera (ce ne sera pas une première) pour la proposition du PS de faire participer Bordeaux Métropole au financement du GPSO.

Anziani : GPSO et bouchon ferroviaire sont soudés

De nouveaux venus de l'extérieur disent souvent que Bordeaux (Bordeaux Métropole incluse) est une ville dangereusement byzantine où les coups tombent sans que l'on sache d'où ils viennent. Comme ceux qui devraient réfuter ce genre d'assertion préfèrent ne pas commenter, mieux vaux faire attention aux détails. Ce dont témoigne en partie l'interview accordée par Alain Anziani au quotidien régional Sud Ouest, où le président de la Métropole se montre très ferme sur la défense du GPSO, sans renoncer une certaine profondeur dans la perspective quand il s'agit du contrat de gouvernance avec EELV.

"C'est moi qui ai rédigé le contrat, je le connais parfaitement. Il est stipulé que pas un centime n'ira à la grande vitesse pendant la mandature, sauf pour les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB, NDLR). Or, ceux-ci font partie intégrante du projet grande vitesse. Sans ces aménagements et sans une nouvelle ligne, pas de RER métropolitain qui sera notre meilleure arme contre la congestion automobile. Et pas d'argent européen, car l'Europe veut financer une ligne franco-espagnole, pas un RER métropolitain", décrypte ainsi le président de Bordeaux Métropole auprès de Sud Ouest.

Une attaque frontale contre la nature et les villages

Le fait qu'Alain Anziani et Pierre Hurmic soient tous deux avocats apporte sans doute une touche particulière au débat. IL reste que pour le maire de Bordeaux, le GPSO est un projet d'autrefois, une sorte de fantôme maléfique.

"La LGV ce n'est pas écolo. C'est un projet qui va détruire 4.830 hectares de zones naturelles agricoles, viticoles, des sites Natura 2000, et, notamment 2.870 hectares de forêt : nos meilleurs alliés pour lutter contre le dérèglement climatique. C'est un projet qui date d'il y a quelques décennies, qui ne bénéficiera d'aucune acceptabilité sociale et mobilise l'opposition des maires des communes du sud, qui vont se retrouver balafrées, avec une population indignée dont la colère va monter en puissance", a-t-il pronostiqué.

Il reste à savoir quel sera l'impact politique de ce dossier sur l'alliance PS-EELV qui gouverne Bordeaux Métropole.

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