Bordeaux Métropole va-t-elle devoir renoncer à 1,5 milliard d'euros d'investissement ?

Les conclusions de l'audit sur la santé financière de Bordeaux Métropole sont tombées : si la situation est saine, la trajectoire actuelle d'investissement enverrait la Métropole dans l'ornière d'ici à cinq ans. Il est ainsi préconisé de renoncer à un tiers des projets pour les contenir à 3,15 milliards d'euros d'ici à 2026. Un volume qui reste néanmoins supérieur à celui du précédent mandat. Est-ce tenable dans le contexte de crise économique ? Pas nécessairement.
(Crédits : Agence APPA)

Avant même le déclenchement de la pandémie, la plupart des candidats aux élections municipales et métropolitaines estimaient que le rythme d'investissement de Bordeaux Métropole ne pourrait pas durer et qu'il faudrait faire le tri. Ce constat a pris de l'épaisseur avec la crise économique et l'heure des comptes a sonné en ce début d'année. La nouvelle majorité PS-EELV, qui a mené le socialiste Alain Anziani à la présidence de Bordeaux Métropole, a reçu l'audit commandé l'été dernier au cabinet spécialisé Michel Klopfer. Ses conclusions ne remettent évidemment pas en cause les fondements de la gestion passée puisqu'Alain Anziani et plusieurs élus de la majorité actuelle étaient parties prenantes de l'ancienne majorité dans le cadre de la cogestion droite-gauche.

Lire aussi : A Bordeaux Métropole, Alain Anziani remet l'attractivité métropolitaine en selle

Un bilan de santé positif

Néanmoins, ce document présenté le 15 janvier à tous les conseillers métropolitains et que La Tribune a pu consulter, établit un bilan de santé financier de Bordeaux Métropole. A l'exception étonnante de l'année 2020 qui n'est pas abordée (lire plus bas). Son budget 2019 s'élève à 853 millions d'euros en fonctionnement, pour plus de 5.000 agents, et à 540,3 millions d'euros en investissement. Sur la période 2014-2019, la Métropole a dépensé 2,84 milliards d'euros de dépenses d'investissement, soit 473 millions d'euros par an en moyenne avec un pic à 571 millions d'euros en 2018. Un quart de cette somme a été investi dans les transports, dont les trois-quarts dans le réseau de tramway. De quoi inspirer à Alain Anziani "un constat d'échec collectif" au regard des résultats en matière de mobilités dans l'agglomération.

Parallèlement, Bordeaux Métropole a progressivement absorbé des compétences et des personnels mutualisés par ses 28 communes ainsi que la gestion du stade Matmut Atlantique ce qui a mécaniquement fait enfler à la fois ses recettes et ses dépenses. Mais, au total, le taux d'épargne brute de Bordeaux Métropole (*) s'établit à 27,8 % en 2019, très loin du seuil de vigilance (15 %) et du seuil de danger (10 %). L'agglomération se situe même au-dessus de la moyenne nationale pour les intercommunalités qui est à 23,7 %. De même, la capacité de désendettement (*) est très rassurante : Bordeaux Métropole se situe à 3,2 années en 2019, très en deçà des seuils de vigilance (10 ans) et d'alerte (12 ans).

Investissements : il va falloir trier !

"La situation est saine aujourd'hui mais nous allons devoir contenir nos dépenses car les recettes seront impactées par la crise", prévient toutefois Véronique Ferreira, la vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge des finances. Elle l'affirme sans détour : "La sobriété budgétaire devra être obligatoire !". Car l'enjeu de cet audit pour la nouvelle majorité est surtout de connaître précisément ses propres marges de manœuvre budgétaires pour le mandat actuel qui court jusqu'en 2026. Et c'est là que l'équation se complique. En l'état, le projet pluriannuel d'investissement (PPI) arrêté au 31 décembre 2020 et très largement hérité du précédent mandat, liste pas moins de 4,5 milliards d'euros de projets. Y figurent toute une série de demandes des élus et des services dans tous les domaines, notamment les mobilités (transport, voirie, tramway, vélo, etc.) pour 1,8 milliard d'euros, la valorisation du territoire (aménagements urbains) pour 1,6 milliard ou encore les réseaux d'eau et d'assainissement.

"Le PPI est un document qui est discuté mais pas voté par les élus. Il a vocation à bouger en permanence en fonction des choix politiques et des calendriers de réalisation qui peuvent être décalés comme c'est le cas pour le BHNS (bus à haut niveau de service) vers Saint-Aubin ou le pont Simone Veil. Pour le dire simplement, le PPI c'est une sorte de "to-do list", une liste de choses à faire mais qu'on ne réalise jamais entièrement ! Mais, cela étant dit : oui, il va falloir faire le tri en renonçant ou en décalant dans le temps environ un tiers des projets inscrit au PPI", explique Véronique Ferreira.

Un objectif de 3,15 milliards d'euros

Cette trajectoire au fil de l'eau pourrait envoyer la Métropole dans l'ornière. Et l'exercice d'inventaire est rendu d'autant plus nécessaire par l'impact attendu de la crise économique sur les recettes fiscales de la Métropole qui perçoit notamment la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la cotisation foncière des entreprises (CFE) et le versement transport. "La baisse des dotations nous a rendu plus dépendant de la fiscalité économique. Cela dit on ne s'attend pas à une baisse des recettes de fonctionnement mais plutôt à une moindre hausse qui serait de +1,6 % par an contre +2,8 % par an depuis 2014", cadre Véronique Ferreira.

L'élue en charge des finances vise donc d'ici à 2026 une enveloppe de 3,15 milliards d'euros d'investissement. Soit un montant inférieur de 30 % au PPI mais qui reste en hausse de +11 % par rapport aux 2,8 milliards dépensés au cours du précédent mandat. "Je ne veux pas que ce soit le déluge de dette en 2026, c'est pour ça que je parle de sobriété. Il faut anticiper l'investissement dès aujourd'hui pour contenir l'endettement en 2026", fait valoir Véronique Ferreira.

Le budget voté au mois de mars

Est-ce suffisant pour jouer le rôle contracyclique et relancer la machine économique locale via la commande publique ? "On prévoit déjà 50 millions d'euros de commande publique supplémentaire lissée sur deux ans. Est-ce suffisant ? On peut toujours souhaiter plus mais la relance économique ce n'est pas tant de savoir combien on dépense mais si on vise juste", répond la vice-présidente.

Quant à savoir quels projets seront décalés de quelques années, renvoyés aux calendes grecques ou tout simplement supprimés, Véronique Ferreira reste muette ou presque : "Ce sont des discussions et des choix politiques et collectifs qui restent à mener !" Rendez-vous au mois de mars pour l'examen du budget métropolitain, qui devrait faire apparaître distinctement les mesures liées à la relance économique et proposer un PPI réactualisé.

"J'apprécie la santé financière de la Métropole qui est bonne aujourd'hui et qui sera probablement plus difficile demain. Des temps sinon austères, du moins de sobriété, nous attendent. Nous devrons maîtriser les dépenses de fonctionnement et donc la masse salariale pour pouvoir soutenir l'investissement. Mais il faudra faire des choix !", avait déjà prévenu Alain Anziani lors de ses voeux, avant de mettre en avant trois critères pour les investissements en matière de mobilité : "l'utilité, le coût et le bilan carbone".

« Bordeaux Métropole a les moyens d'être un acteur majeur de la relance économique ! »

Pour Franck Valletoux, directeur général du cabinet Stratégies Locales, interrogé par La Tribune, les conclusions de cet audit sont trop alarmistes. « C'est une vision purement comptable qui nous dit la même chose à Biarritz, Limoges ou Bordeaux en faisant peur aux élus locaux. Etrangement, les mesures de garantie des recettes fiscales du bloc communal votées cet automne n'apparaissent pas tout comme le bilan de l'année 2020 qui, avec les élections et le Covid, a connu un investissement très faible. Il y a donc de l'argent disponible dans les caisses ! », réagit ce consultant spécialiste des finances locales. Prenant le contrepied de l'audit, il défend une approche plus politique : « La situation comptable de Bordeaux Métropole est très bonne, je dirais même trop bonne ! Elle peut se permettre d'investir davantage, quitte à voir ses ratios comptables se dégrader légèrement. Les collectivités doivent se positionner comme des acteurs majeurs de la relance économique de leur territoire en accélérant et en augmentant leurs investissements au lieu de provisionner. Et Bordeaux Métropole a les moyens de le faire sur son territoire ! »

(*) Le taux d'épargne brute correspond au ratio entre l'épargne disponible et les recettes de fonctionnement. La capacité de désendettement est un indicateur théorique qui correspond au nombre d'années que mettrait la Métropole pour se désendetter complètement en y consacrant l'ensemble de son épargne.

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Commentaires 2
à écrit le 20/01/2021 à 9:42
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C'est super. On va enfin faire des économies pour rembourser l'astronomique dette Française contractée sur le dos des pays de l'Europe.

à écrit le 20/01/2021 à 9:04
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les impots vont pleuvoir

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