Bordeaux Métropole : "La sobriété budgétaire va être obligatoire ! "

INTERVIEW. Situation financière, choix d'investissement, fiscalité des entreprises et masse salariale : Véronique Ferreira, la vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge des finances, présente ses marges de manœuvre budgétaires. Si l'agglomération va devoir trier dans ses projets, elle vise 3,15 milliards d'investissement d'ici à 2026, en hausse de 11 %.
Véronique Ferreira est la maire (PS) de Blanquefort et vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge des finances.
Véronique Ferreira est la maire (PS) de Blanquefort et vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge des finances. (Crédits : Bordeaux Métropole)

LA TRIBUNE - Vous avez reçu les conclusions de l'audit sur la situation financière de Bordeaux Métropole. Qu'en retenez-vous ?

VERONIQUE FERREIRA - D'abord, que de manière structurelle, le budget de Bordeaux Métropole est sain. Le territoire dispose d'une bonne santé économique et la maison a été bien gérée avec des indicateurs d'épargne et de désendettement qui sont objectivement bons. Malgré la baisse des dotations de l'Etat, nos recettes de fonctionnement ont augmenté en moyenne de 2,8 % par an et les dépenses de fonctionnement ont progressé de 2,36 %, ce qui est nettement supérieur aux objectifs du pacte de Cahors qui nous fixe un plafond à 1,35 % pour les dépenses de fonctionnement. Donc, le budget est sain mais, et il y a un grand mais, ce que nous dit l'audit c'est qu'au regard de notre programme pluriannuel d'investissement d'ici à 2026 notre endettement risque d'augmenter très vite. Il va donc falloir faire des choix pour contenir les dépenses !

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En matière d'investissement, le PPI liste des projets pour un total de 4,5 milliards d'euros d'ici à 2026. Est-ce réalisable ?

Non. Mais il faut bien comprendre que ce PPI, arrêté au 31 décembre 2020, est un document qui est discuté mais pas voté par les élus. Il a vocation à bouger en permanence en fonction des choix politiques et des calendriers de réalisation qui peuvent être décalés comme c'est le cas pour le BHNS (bus à haut niveau de service) vers Saint-Aubin ou le pont Simone Veil. Pour le dire simplement, le PPI c'est une sorte de "to-do list", une liste de choses à faire mais qu'on ne réalise jamais entièrement ! Il ne s'agit pas d'investissements votés, ni engagés mais simplement envisagés. Mais, oui, il va falloir faire le tri en renonçant ou en décalant dans le temps environ un tiers des projets figurant dans ce document.

Pour maintenir une situation budgétaire saine, la cible que je me donne c'est 3,15 milliards d'euros d'investissements sur le durée du mandat. C'est moins que les 4,5 milliards inscrits théoriquement au PPI 2020-2026 mais c'est davantage que les 2,84 milliards d'euros dépensés de 2014 à 2020 qui constituent déjà un niveau conséquent. L'enjeu est de maintenir un investissement important mais pas pharaonique ! La sobriété budgétaire devra être obligatoire dans les années qui viennent. Cela ne veut pas dire qu'on ne fait plus mais qu'on fera davantage attention à l'argent public.

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C'est une position très éloignée, si ce n'est à l'exact opposé, du "Quoi qu'il en coûte" d'Emmanuel Macron et des plans de relances massifs en Europe. Pourquoi ce choix ?

Tout simplement parce que nous, les collectivités locales, nous ne pouvons pas voter de budget en déséquilibre, contrairement à l'Etat. C'est pour cela que je parle de sobriété. Parce que je ne veux pas que ce soit "après nous le déluge !". Il faut anticiper nos investissements dès aujourd'hui si l'on veut contenir l'endettement en 2026 et après. Quant au "quoi qu'il en coûte", ne nous trompons pas : in fine, l'Etat se tournera vers les collectivités locales pour financer une partie de ses dépenses avec nos excédents budgétaires ! Je peux vous dire que, quel que soit le résultat de l'élection présidentielle de 2022, les élus locaux craignent déjà le contenu de la loi de finances pour 2023 qui ne devrait pas leur être très favorable.

Mais concernant Bordeaux Métropole, nous prévoyons déjà 50 millions d'euros de commande publique supplémentaire sur deux ans. Est-ce suffisant ? On peut toujours souhaiter plus mais la relance économique ce n'est pas tant de savoir combien on dépense mais de savoir si on vise juste. Aujourd'hui on a l'état des lieux, maintenant il faut examiner tout cela et décider. On présentera le budget en mars 2021.

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Quels seront les projets d'investissement qui seront décalés ou auxquels vous renoncerez ?

Je ne peux pas vous répondre aujourd'hui. Ce sont des discussions et des choix politiques et collectifs qui restent à mener !

Quel est l'impact attendu de la crise économique sur vos recettes ?

La baisse des dotations depuis 2014 nous a rendu plus dépendant de la fiscalité économique : CVAE, CFE, versement transport. L'impact est difficile à chiffrer précisément et dépendra évidemment de l'ampleur de la crise au cours des prochains mois. L'audit anticipe non pas une baisse des recettes de fonctionnement mais plutôt une moindre hausse qui serait de +1,6 % par an contre +2,8 % par an depuis 2014. C'est pour cela qu'il faudra à la fois contenir nos dépenses de fonctionnement et nos investissements. C'est une forme de changement culturel pour Bordeaux Métropole : on va regarder un peu plus chaque dépense car la situation actuelle nous y oblige. Les prévisions anticipent une dégradation de l'épargne brute de toutes les collectivités locales, l'argent public se raréfie, c'est certain. A quelle vitesse va-t-il se raréfier, c'est la vraie question. Il faut donc réfléchir à une meilleure utilisation de l'argent public et si le Covid nous force à le faire réellement, ce sera toujours ça de positif.

Etes-vous favorable à une baisse des taux de la fiscalité des entreprises à Bordeaux Métropole ?

Le gouvernement prévoit déjà une réduction des impôts de production acquittés par les entreprises dans le cadre du plan de relance. Avec Alain Anziani nous avons regardé ce qu'il est possible de faire à Bordeaux Métropole. Si on diminue le taux de CFE de manière raisonnable, cela ne représente quasiment rien pour les entreprises. A l'inverse, si on veut faire un geste significatif, ce n'est pas soutenable pour les recettes de Bordeaux Métropole. Donc on ne devrait pas y toucher d'autant que les chefs d'entreprises que l'on rencontre ne le demandent pas. Ce qu'ils attendent de nous c'est qu'on fasse notre boulot en investissant dans le territoire et dans ses infrastructures !

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Bordeaux Métropole emploie plus de 5.000 agents. Faut-il contenir la masse salariale dans les années qui viennent ?

Les dépenses de personnel ne sont pas déterminantes dans notre fonctionnement même s'il elles en représentent un gros tiers. Mais oui il faudra être plus vigilant et je plaide pour qu'il n'y ait pas de créations nettes de postes à Bordeaux Métropole pendant ce mandat. Ce qui n'empêche pas de recruter pour compenser les départs en retraite et les évolutions de nos compétences.

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