Gestion de l'eau : le Conseil d’Etat donne raison à Trans’Cub contre Bordeaux Métropole

En validant la démarche de l'association Trans'Cub, qui demande à ce que le contrat de délégation de service public de gestion de l'eau entre Bordeaux Métropole et Suez Eau France soit réexaminé, le Conseil d'Etat relance un dossier vieux de plusieurs années. En attendant la nouvelle décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux, les élus de Bordeaux Métropole vont devoir prendre position. Même si la nouvelle majorité a décidé de passer en régie, Trans'Cub ne la lâchera pas et chiffre à 100 millions d'euros le trop payé par les usagers.
La balle est désormais dans le camp d'Alain Anziani, président (PS) de Bordeaux Métropole
La balle est désormais dans le camp d'Alain Anziani, président (PS) de Bordeaux Métropole (Crédits : Agence APPA)

Par son arrêté du 20 novembre, le Conseil d'Etat vient de donner raison à l'association citoyenne Trans'Cub, présidée par Jacques Dubos et dont la figure emblématique reste Denis Teisseire, en invalidant la décision prise en 2018 par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Décision dans laquelle la cour d'appel administrative a refusé de reconnaître que le contrat de gestion de l'eau, qui lie Bordeaux Métropole à Suez Eau France, a été prolongé (au-delà sa durée réglementaire -NDLR) à compter du 2 février 2015. Bordeaux Métropole est par ailleurs condamnée à verser 3.000 euros à Trans'Cub.

Lire aussi : Bordeaux Métropole : Trans'Cub s'attaque à la gestion de l'eau

Présentés ainsi les faits ne sont compréhensibles que par les habitués du dossier. Schématiquement Trans'Cub, qui traque depuis des années et avec opiniâtreté le mauvais usage qui peut être fait des deniers publics, accuse Bordeaux Métropole de ne pas avoir cassé son contrat de gestion de l'eau en délégation de service public (DSP) avec Suez Eau France. Et ceci au détriment, souligne l'association, de tous les habitants de la métropole.

233 millions d'euros économisés sous la présidence d'Alain Rousset

"Déjà, en 2006, après douze ans de combat, Trans'Cub avait obtenu de Bordeaux Métropole et de son président de l'époque, Alain Rousset, qu'elle contraigne Suez Eau France à réduire ses profits de 233 millions d'euros. Sans cela, poursuit l'association citoyenne, ils auraient atteints le montant faramineux de 540 millions d'euros sur les 30 ans du contrat, soit 30 % (!) sur les 1.800 millions d'euros du chiffre d'affaires (généré par ce contrat -NDLR)", fait valoir l'association.

Ce contrat signé entre Bordeaux Métropole et Suez Eau France en 1991 est entré en vigueur au 1e janvier 1992 pour une durée de 30 ans, soit jusqu'en 2022. Bordeaux Métropole, qui était alors la Communauté urbaine de Bordeaux, aurait dû casser ce contrat dès 2012, sous la présidence de Vincent Feltesse (PS), accuse Trans'Cub. Parce que la loi Barnier du 2 février 1995 a décidé de limiter la durée légale des délégations de service public (DSP) en gestion de l'eau à 20 ans maximum. Une loi confortée par la jurisprudence, qui stipule clairement qu'au-delà de cette durée les contrats conclus avec des opérateurs privés en délégation de service public de gestion de l'eau sont caducs.

Selon Trans'Cub, il y a encore 100 millions d'euros à récupérer

Mais par une délibération adoptée en 2012, Bordeaux Métropole a au contraire décidé de prolonger ce contrat de DSP, à compter du 2 février 2015. Et c'est bien contre cette décision de la Métropole, que Trans'Cub bataille depuis 2013 !

"Aujourd'hui, l'arrêt du contrat au 2 février 2015 est à nouveau un enjeu considérable pour les usagers. Il permettrait que leur soient restitués un montant important de 100 millions d'euros correspondant à des surprofits qu'ils ont payé à Suez Eau France à partir de 2015 dans leurs factures. Voilà des années que, sous les présidences de Vincent Feltesse, Alain Juppé et Patrick Bobet Bordeaux Métropole privilégie scandaleusement la multinationale Suez Eau France, et qu'elle porte ainsi gravement atteinte à la confiance publique", pilonne l'association bordelaise.

Trans'Cub est allé jusqu'au Conseil d'Etat parce que la cour administrative d'appel de Bordeaux a refusé de tenir compte du fait que le contrat de DSP sur la gestion de l''eau a été prolongé par Bordeaux Métropole à compter de 2015, alors qu'il était déjà devenu caduc.

Malgré la décision du Conseil d'Etat rien n'est encore écrit

"Le Conseil d'Etat dit le droit et il dit que la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas dit le droit et doit rejuger. Ce ne seront pas les mêmes magistrats. La délibération de la Métropole de 2012 a abusivement prolongé la durée du contrat avec Suez, alors que les lois Sapin et Barnier, confortées par la jurisprudence, disent bien la caducité de ces accords au bout de 20 ans", rembobine pour La Tribune Jacques Dubos, président de Trans'Cub.

A la question de savoir ce que pourrait faire la cour administrative d'appel de Bordeaux à la suite de la décision du Conseil d'Etat, le président de Trans'Cub ne saute pas au plafond.

"Rien n'est écrit dans le marbre. Il y a déjà eu des échanges sur ce dossier entre la cour et le Conseil d'Etat. En principe la cour ne devrait pas redonner la même décision, mais on n'est jamais à l'abri. Les magistrats pourraient encore sortir un argument de derrière les fagots. Nous ne nous attaquons pas à Suez Eau France mais bien à Bordeaux Métropole, à qui nous reprochons de ne pas défendre les intérêts des usagers", recadre Jacques Dubos.

Trans'Cub à la rencontre de la Métropole dans les prochains jours

Ce dernier souligne que Trans'Cub doit rencontrer la semaine prochaine Sylvie Cassou-Schotte, vice-présidente de Bordeaux Métropole, en charge de l'eau et de l'assainissement. Une démarche qui semble aller dans le bon sens mais à propos de laquelle le président de Trans'Cub ne se fait aucune illusion. Même si la nouvelle majorité a porté le socialiste Alain Anziani à la tête de la Métropole et que cette collectivité a annoncé qu'elle sortirait de la DSP pour assurer elle-même la gestion de l'eau, via une régie à partir de 2023, Jacques Dubosc n'est prêt à faire aucune concession à ces élus.

"Le passage en régie c'est très bien. Mais nous demandons d'abord qu'ils règlent le passif avec Suez. La décision du Conseil d'Etat rebat les cartes et nous comptons bien aller jusqu'au bout. Depuis le début les élus métropolitains ont peur, à tort, que Suez Eau France se lance dans un contentieux juridique. Mais la loi Barnier, avec la caducité, rend cela impossible, parce qu'elle empêche tout recours. C'est la loi qui le dit ! Dès lors que l'équilibre financier a été atteint par le délégataire, ce qui est le cas pour Suez (depuis 1998 a déjà compté Trans'Cub -NDLR)", argumente Jacques Dubos.

Nouvelle question : comment vont réagir les élus ?

Pour ce dernier la frilosité des élus de la métropole bordelaise viendrait aussi désormais du fait que si la caducité du contrat est entérinée, la Métropole devra continuer à travailler avec Suez avant le passage en régie et que le futur ex-délégataire pourrait y mettre de la mauvaise volonté.

"Le problème c'est que la Métropole peut s'appuyer sur son propre service de l'eau, qui compte plus de 70 personnes, et qui a les moyens de contrôler l'action de Suez à Bordeaux", résume le militant associatif.

La réaction des élus métropolitains va être suivie de près. D'autant que s'il n'est pas président de la Métropole, Pierre Hurmic, le nouveau maire écologiste de Bordeaux, est à la tête de la plus grandes des villes métropolitaines et qu'il ne s'est jamais opposé aux actions de Trans'Cub.

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