La librairie Mollat s'appuie sur la vente en ligne en attendant la réouverture

Denis Mollat, dirigeant de la librairie bordelaise familiale Mollat (fondée en 1896), la première de France par le chiffre d'affaires et le nombre de livres mis en vente, serre les dents en espérant que les négociations en cours puissent aboutir à un résultat positif.

"Il y a d'abord eu le classement du livre comme étant un produit non essentiel, puis un clash des professionnels du livre, qui a obligé -en une seule journée- la Fnac à arrêter de vendre des livres. Parce que notre profession a réussi à faire du bruit. L'idéal serait une réouverture des librairies. En Suisse et en Belgique, le livre est considéré comme un produit de première nécessité, mais pas en France !", s'indigne le dirigeant.

Celui qui remplit aussi la fonction de consul honoraire du Mexique, un rôle à forte connotation littéraire, ne noie pas sa puissance vitale dans l'alcool contrairement au consul britannique du chef d'œuvre mexicain de Malcolm Lowry "Au-dessous du volcan".

Un léopard bordelais déguisé en père tranquille

Il faut dire que Denis Mollat a réussi l'exploit de survivre à la très agressive arrivée, au centre de Bordeaux, de Virgin Megastore, aujourd'hui disparu, puis de la Fnac. Pas étonnant alors qu'il ait, malgré sa discrétion de grand bourgeois bordelais, toujours une solide dose d'optimisme sous le pied et bien plus de ressources qu'il ne veut le montrer. C'est ainsi que Denis Mollat, désormais à la tête d'une énorme librairie de 2.500 m2, qui vend près de 2 millions de livres par an, évoque à mi-mot les négociations qui se poursuivent à Paris.

"Notre syndicat professionnel nous indique qu'il discute avec Bruno Le Maire (ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance -NDLR) et Roselyne Bachelot (ministre de la Culture -NDLR)", indique-t-il, évoquant avec prudence une éventuelle clause de revoyure, qui serait fixée au 13 novembre prochain pour faire le point avec le gouvernement.

Une réouverture, même partielle, des librairies serait-elle envisageable ? Denis Mollat ne peut pas ne pas en rêver.

Une librairie ultra digitalisée et dotée de son propre studio

Comme ses concurrents, le patron de cette grande librairie bordelaise cale son exercice à cheval sur deux années civiles : du 1er mars au 28 février. Autrement dit, la librairie Mollat a clôturé son précédent exercice 2019-2020 avant le début du premier confinement.

"Ce décalage est organisé à cause de l'inventaire de fin d'année. Notre exercice 2019-2020 a été positif, avec un chiffre d'affaires en hausse, qui a atteint 26 millions d'euros, avec un résultat net en forte progression (il avait été légèrement déficitaire à l'exercice précédent -NDLR). A fin mars nous avions perdu 15 % de chiffre d'affaires, avec un confinement bien plus dur qu'en ce moment, puisqu'à l'époque La Poste ne fonctionnait pas pour acheminer les colis", éclaire le chef d'entreprise.

Ce dernier, qui a fait de la dématérialisation de son important système d'information, passé dans le cloud (nuage : pour informatique dématérialisée -NDLR), un chantier prioritaire depuis 2016, a aussi boosté les ventes en ligne par le biais de son site marchand. Mollat, qui emploie plus de 100 salariés, s'est en plus équipé d'un véritable studio digital où sont interviewés les auteurs invités par la librairie, enregistrées les conférences données jusqu'ici dans la Station Ausone (une ancienne station essence du centre), etc.

14 % du chiffre d'affaires en ventes en ligne

"Nous développons notre présence sur Internet depuis 2001. Passer dans le cloud a été très dur mais aujourd'hui nous commençons à en recueillir les fruits. Mollat.com est devenu notre deuxième librairie. Avec le reconfinement, le click and collect [commande en ligne puis retrait en magasin] fonctionne mais 95 % des clients préfèrent commander en ligne et se faire livrer, plutôt que commander puis venir chercher. Heureusement que La Poste continue à fonctionner ! Nos ventes en ligne se sont développées de façon monstrueuse mais sans remplacer le chiffre d'affaires perdu par rapport à la normale", analyse Denis Mollat.

Une seconde librairie dont l'activité représente selon ce dernier 14 % du chiffre d'affaires global, soit un peu plus de 3,6 millions d'euros.

Six mini librairies avec 600 titres pré-emballés ou pas

Denis Mollat souligne qu'à son sens les deux points sensibles liés au nouveau dispositif de vente à distance qui se développe sont le fibrage optique du territoire et la fiabilité du service logistique. En plus des ventes de livres en ligne, Mollat répond aux marchés publics et vend notamment aux bibliothèques municipales et universitaires. Pour Noël, Denis Mollat va réaménager la Station Ausone en y implantant six mini librairies sous la marque "Mollat Pop Up".

Des mini librairies qui vont présenter au total 600 titres : soit autant de livres qui seront ou non pré-emballés ou précommandés. "La librairie centrale restera ouverte. Ces six mini librairies seront là pour les clients pressés", commente Denis Mollat. Les lecteurs n'ont plus qu'à croiser les doigts pour que les librairies redeviennent ce qu'elles ont toujours été, des distributrices de produits essentiels.