Barbara Stiegler : "L’Etat est devenu l’instrument d’un néolibéralisme qui détruit la société"

Philosophe et professeure de philosophie politique à l’université Bordeaux Montaigne, Barbara Stiegler, membre de l’Institut universitaire de France, est une spécialiste du néolibéralisme, un des courants libéraux dont elle a dévoilé les origines évolutionnistes dans son essai "Il faut s’adapter", publié l’an dernier. Dans cet ouvrage Barbara Stiegler se livre à la critique radicale d’un courant de pensée dominant marqué par la croyance que l’espèce humaine est défectueuse, inadaptée à l’environnement qu’elle a elle-même créé. D’où la volonté des néolibéraux d’utiliser la puissance de l’Etat pour réadapter la population à une compétition darwinienne sans entrave. Dans cet entretien accordé à La Tribune, Barbara Stiegler voit dans les crises de l’hôpital, de l’Education nationale ou encore de la recherche les purs produits de cette idéologie qui selon elle commence à prendre l’eau et dont la violence a suscité l’émergence des Gilets jaunes, mouvement dont elle témoigne dans "Du cap aux grèves -Récit d’une mobilisation 17 novembre 2018-17 mars 2020" à paraître en août (1).
Barbara Stiegler, philosophe et professeure de philosophie politique à l’université Bordeaux Montaigne
Barbara Stiegler, philosophe et professeure de philosophie politique à l’université Bordeaux Montaigne (Crédits : Diane Photographie)

LA TRIBUNE - Dans votre essai "Il faut s'adapter", publié l'an dernier, vous vous intéressez au néolibéralisme et révélez ses origines évolutionnistes, darwiniennes. De quand date l'émergence de ce courant de pensée et  qu'est-ce qui le différencie des autres courants du libéralisme ?

BARBARA STIEGLER - Dans le champ de la recherche, en France et à l'étranger, il est attesté que le néolibéralisme émerge au cours des années 1930, à la suite de la crise de 1929. Ce qu'il y a de nouveau dans le néolibéralisme, c'est le rôle fondamental qu'il accorde à l'Etat. Car la crise de 1929 a montré que les processus économiques livrés à eux-mêmes dysfonctionnent. Les néolibéraux pensent que c'est à l'Etat, non pas simplement d'organiser, mais bien de créer le marché, via des règles de droit et de tout un ensemble de politiques publiques.

Ce que révèle « Il faut s'adapter » c'est qu'effectivement le néolibéralisme est d'inspiration évolutionniste, qu'il intègre une partie de l'héritage du darwinisme social. C'est ce que démontre la théorie développée par Walter Lippmann, journaliste, essayiste et publiciste américain, qui va s'imposer comme une figure centrale de ce mouvement. La réunion organisée en 1938 à Paris par des néolibéraux français, à l'occasion de laquelle le terme de néolibéralisme va émerger et à laquelle Lippmann a participé, est d'abord un hommage à son ouvrage, « The Good Society ».

De quelle façon le néolibéralisme va-t-il chercher à reformater l'économie, par rapport à l'ultralibéralisme, par exemple ?

Le néolibéralisme est bien plus qu'une doctrine économique. C'est un courant de pensée politique, juridique et anthropologique selon lequel l'éducation doit équiper les individus pour qu'ils puissent répondre aux besoins du marché. L'idée c'est de faire en sorte que les citoyens, conçus comme des agents économiques, soient adaptés à un monde normé par les besoins du marché.

Cette idéologie imprègne les textes de l'OCDE sur l'éducation par exemple et elle a été codifiée par la Stratégie de Lisbonne (celle-ci établit la politique économique de l'Union européenne pour la période 2000-2010, elle sera suivie ensuite par le plan Europe 2020 -NDLR). Alors que l'ultralibéralisme théorise la rétractation de l'Etat au profit d'un marché totalement libre, le néolibéralisme veut au contraire un Etat fort et omniprésent qui régule et institue le marché par des artifices. Tel est le contenu des fameuses "réformes" que doivent mener toutes les politiques publiques.

grève et manifestations

 Les manifestations qui s'accumulent depuis des années ne sont pas l'éclatement de bulles catégorielles mais l'expression d'un mal être social profond analyse Barbara Stiegler.

Quel est l'apport de Walter Lippmann dans cette nouvelle théorie de gouvernement ?

Walter Lippmann développe une vision évolutionniste qui aboutit au constat pessimiste que l'espèce humaine est inadaptée au nouvel environnement technologique et mondialisé qu'elle a créé. Avec la course à l'innovation et l'explosion des déplacements internationaux émergent de nouveaux rythmes accélérés, auxquels les masses n'arrivent pas à s'adapter.

Cette thèse met en avant la compétition entre les individus pour accéder à des ressources en nombre limité, en vue de justifier l'inégalitarisme naturel de la société et la doctrine de la compétition de tous contre tous. Cette vision évolutionniste, qui revendique l'élimination des plus faibles, est au centre de la théorie néo-libérale. On la retrouve également chez Friedrich Hayek, l'apôtre du néolibéralisme.

Vous soulignez l'importance pour les néolibéraux de disposer d'un Etat fort. Le gouvernement actuel est selon vous typiquement néolibéral pourtant, au moins jusqu'à la pandémie de coronavirus, on avait plutôt l'impression d'avoir affaire à un Etat affaibli, impécunieux, obligé de rogner sur toutes les dépenses pour tenir son budget...

Rien n'est pur dans ce monde... Le néolibéralisme qui repose sur un Etat invasif et producteur infatigable de normes, et l'ultralibéralisme, qui vise plutôt la rétractation de l'Etat et le laisser faire pour le remplacer par un marché parfaitement libre, s'hybrident, se mixent. C'est ce que l'on voit en particulier à l'œuvre à l'hôpital, qui est frappé par des plans austéritaires à répétition. Mais au même moment, il s'agit aussi de transformer activement les personnels hospitaliers en leur imposant une nouvelle culture qui passe par un contrôle accru de l'Etat sur le fonctionnement de l'hôpital, avec une prolifération de normes, et un véritable harcèlement des agents hospitaliers de la part de l'administration, de l'Etat.

Lire aussi : Olivier Véran promet un plan pour l'hôpital d'ici l'été

Comme dans la vision darwinienne, ce qui domine cette idéologie c'est la notion de rareté de la ressource et la nécessité d'organiser une compétition de tous les instants pour y accéder. Appliquée à l'hôpital, cette conception idéologique place l'Etat en chef d'orchestre de la création du marché, de la mise en concurrence de tous les acteurs du monde hospitalier, avec l'introduction continue et de plus en plus massive de la compétition libérale au cœur même des services publics. Mouvement interne qui va de pair avec l'éclosion de toutes les sociétés privées spécialisées dans la gestion des données, de la data, qui ont pour ambition de faire main basse sur cette gigantesque mine de données personnelles que détiennent les hôpitaux.

Y-a-t-il un effet spécifique néolibéral sur la vie universitaire ?

Cette idéologie a poussé à la fusion des universités, qu'a refusé Bordeaux Montaigne pour tenter de préserver son autonomie et son fonctionnement démocratique. Dans le monde de la recherche, le néolibéralisme affaiblit toute réflexion critique et assèche la recherche fondamentale au profit de l'innovation. Et quand on fait des recherches en philosophie, ce qui est mon cas, cela change tout.

Dans ce cadre néolibéral, les sciences sociales et humaines doivent produire un discours d'accompagnement de la transformation néolibérale. L'idée est d'adapter les populations à accepter les changements et surtout pas de développer une pensée critique capable de résister aux forces dominantes, qu'elles soient économiques ou politiques. Ma discipline, fondée sur le questionnement et la pensée critique, est directement menacée par cette mutation de l'université et de la recherche.

Maison de la recherche Université Bordeaux Montaigne

Inauguration de la Maison de la Recherche à l'université Bordeaux Montaigne

Mais de quelle façon le gouvernement peut-il faire pression sur des universités qui sont censées être autonomes ?

C'est relativement simple. Tout passe par des agences contrôlées par l'Etat, et l'accès aux financements est soumis à des normes néolibérales, en particulier via l'Agence nationale de la recherche ou les Régions. Cette révolution néolibérale a été codifiée par la Stratégie de Lisbonne sous le titre de « l'économie de la connaissance » et de la « compétitivité ». Elle se concrétise aujourd'hui par un nouveau projet de réforme de la recherche, baptisé LPPR (Loi de programmation pluriannuelle de la recherche) et contre lequel les chercheurs ont commencé à se mobiliser en novembre dernier, bien avant la crise du Covid-19.

C'est Antoine Petit, le PDG du CNRS, qui a mis le feu aux poudres en faisant dans la presse économique l'apologie des bienfaits d'une loi "darwinienne" et "inégalitaire" chargée de sélectionner les plus forts et d'éliminer les plus faibles ! Cette déclaration, qui a fait scandale, avait au moins le mérite de nous dire l'esprit de la loi. Or, il faut savoir que la situation au CNRS est devenue critique, et que de plus en plus de chercheurs éprouvent une véritable souffrance au travail, quand ils ne se suicident pas. Car ce sont des métiers à vocation qui se trouvent petit à petit vidés de leur sens. Et cette pression néolibérale produit aussi de la mauvaise science, avec beaucoup plus de plagiats, de mimétisme et de conformisme, ce qui a été démontré par de récentes études.

Lire aussi : Lionel Larré élu président de l'Université Bordeaux Montaigne

Comment une offensive néolibérale d'aussi grande envergure n'a-t-elle pas été combattue ou au moins dénoncée par les partis de gauche ?

Il n'y a quasiment personne qui prenne la situation de la recherche au sérieux chez les politiques. Cet impératif de rentabilité, totalement incompatible avec la science, a pourtant déjà provoqué l'arrêt des recherches sur les zoonoses (maladies et infections transmises par l'animal à l'espèce humaine-NDLR), dont le Covid-19 au prétexte que ces recherches n'étaient pas rentables, qu'elles ne produisaient pas d'innovation ! C'est un très bel exemple du genre d'efficacité délirante que peut développer le néolibéralisme, alors justement que les zoonoses sont appelées à se multiplier à l'échelle mondiale.

On comprend mieux ainsi pourquoi le sujet de la pandémie de coronavirus a été aussi mal traité. D'autant qu'avec leur obsession de la logique de flux et leur aversion pour les stocks, les politiques et hauts-fonctionnaires entrés dans le monde néolibéral ont préféré détruire la totalité des masques qui constituaient notre réserve stratégique contre le risque de pandémie ! C'est d'autant plus effrayant que cette logique apparemment comptable n'a pas pour objectif de faire des économies, mais d'imposer une rareté des ressources pour favoriser la mise en compétition de tous contre tous, comme dans la vision néolibérale qui reprend les prémisses malthusiennes du darwinisme.

Vous soulignez que cette montée en puissance du néolibéralisme ne se focalise pas uniquement sur la recherche, mais semble toucher des pans entiers de la société, comment se fait-il que les forces de gauche puissent donner l'impression qu'elles ont du mal à contre-attaquer dans ce domaine ?

La confusion idéologique qui entoure le néolibéralisme et l'intériorisation de sa logique ont atteint un tel degré que la plupart des partis de gauche ne savent plus faire la différence avec l'ultralibéralisme. La plupart du temps, les responsables de gauche caricaturent ainsi le néolibéralisme en le prenant pour un ultralibéralisme lointain, généré par les marchés financiers... Si bien que dès qu'un gouvernement fait appel à plus d'Etat, ces responsables croient que ça signifie que la menace ultralibérale a été repoussée.

Beaucoup de partis socio-démocrates sont ainsi devenus néolibéraux sans le savoir ou sans l'assumer, au seul prétexte qu'ils confiaient à l'Etat un rôle de régulateur de la compétition. Plus généralement, le néolibéralisme est entré en chacun de nous de manière insidieuse, grâce à une hégémonie culturelle qui a gagné la gauche elle-même dès les années 1980. C'est pourquoi il faut le combattre à partir de l'endroit où l'on se trouve et d'abord en nous-mêmes, ce qui passe par un travail d'élucidation sur son histoire et sa signification.

Partis de gauche et syndicats travaillent a une maree populaire

La longue attente d'une convergence des luttes, à l'heure d'une gauche très largement sous influence néolibérale diagnostique la philosophe.

Comme vous l'avez introduit, Walter Lippmann a joué un rôle clé dans l'émergence de ce courant de pensée, d'où vient sa théorie ?

Lippmann a lu Nietzsche et il a compris qu'avec la révolution industrielle nous étions confrontés à la mort de Dieu, à un monde dans lequel il n'y a plus rien de fixe, où tout n'est plus que flux, changements, y compris la morale. Et c'est à ces changements incessants que Lippmann veut que les masses apprennent à s'adapter, oubliant la leçon de Nietzsche sur la tension vitale nécessaire entre le flux du changement et les stases (stabilité de l'état social : stase en termes biologiques -NDLR) qui permettent de s'en protéger.

Pour Lippmann, l'espèce humaine est défectueuse et il faut absolument l'adapter à ce changement de rythme voulu par le marché, en s'appuyant sur la puissance de l'Etat et en ciblant l'éducation et la santé. Ce que Lippmann exige c'est une révolution culturelle : l'adaptation de tous à un monde de compétition, sans stase et sans clôture. Or, un tel agenda est incompatible avec les conditions mêmes de la vie et de la santé.

Le traitement réservé par l'actuel gouvernement néolibéral à l'hôpital, à la recherche, aux retraités, aux enseignants, pour ne prendre que ces exemples, montre à quel point le néo-libéralisme est une idéologie destructrice. Non seulement de la société humaine mais aussi des équilibres écologiques et de la santé : ce constat est en train de s'imposer un peu partout dans les consciences, y compris chez les cadres dirigeants. On assiste peut-être à la fin d'une hégémonie culturelle et à une période de recomposition.

Lire aussi : Evaluation des politiques publiques : les Gilets jaunes montrent qu'il y a encore du travail

A vous écouter le néolibéralisme semble être investi d'un puissant pouvoir de suggestion, dont il serait très difficile de se libérer : est-ce vrai ?

Non parce que les choses commencent à changer. On peut ainsi imaginer qu'il va y avoir une discussion conflictuelle sur l'avenir de l'hôpital, elle-même portée par un virage critique contre le néolibéralisme qui a commencé dans les années 2000-2005, avec la crise écologique. Avec l'explosion des mobilités qu'il implique, le néolibéralisme se heurte de manière frontale à l'écueil de la crise écologique et sanitaire.

La pression constante que met le modèle néolibéral sur l'ensemble des individus et des systèmes sociaux, considérés comme défectueux, en retard et tenus à tout prix de s'adapter aux nouvelles conditions technologiques, économiques et sociales provoque son lot de crises et de maladies somatiques et psychiques. La crise du Covid-19 n'est que l'une des conséquences de cette destruction de l'environnement alimentée par l'idéologie néolibérale.

Vous avez déjà évoqué le sujet mais j'y reviens parce que j'aimerais comprendre : comment le pouvoir fait-il plier les chercheurs ?

Eh bien je reviens sur l'exemple de l'arrêt du financement des recherches sur les zoonoses. Alors que l'on en avait un besoin urgent, elles ont été arrêtées, coupées parce qu'elles ne débouchaient pas sur des innovations qui pouvaient rapporter de l'argent. C'est un peu comme les stocks de masques et de réactifs pour les tests de dépistage, qui coûtent sans rien rapporter ! Oui c'est à la limite d'être aussi criminel qu'absurde mais c'est bien là que nous mène le néolibéralisme. Pour tenir les chercheurs c'est simple, quand la recherche s'éloigne des intérêts de l'innovation et de la compétitivité elle est désormais sous-financée. La science est malade de cette idéologie tout comme la recherche et la population en général.

Gilets Jaunes Bordeaux 19 janvier 2019

Le mouvement des Gilets jaunes (ici à Bordeaux, fin 2019), réplique populaire à la casse néolibérale de la société ? (Agence Appa/Thibaud Moritz)

Vous allez publier d'ici le mois d'août un nouvel ouvrage qui ne sera pas un essai. Pouvez-vous nous préciser de quel sujet il traite ?

La sortie de l'essai « Il faut s'adapter » a eu lieu en plein mouvement des Gilets jaunes, et il a été porté par ce mouvement. Les Gilets jaunes ont impulsé un mouvement à la structure complexe et dont on ne connait pas encore le sens et l'issue. D'autant qu'il y a eu d'autres mouvements à la suite de celui des Gilets jaunes, qu'il s'agisse des retraites, de l'hôpital ou de l'Education nationale. Sans oublier la mobilisation des chercheurs contre la LPPR, qui était en train de s'amplifier quand la crise du Covid-19 a frappé. Tous ces mouvements ont été évidemment été portés par la contestation sociale puissante initiée sur les ronds-points.

Lire aussi : Bordeaux Métropole, la Gironde et les Gilets jaunes

De quelle façon avez-vous procédé pour ce nouvel opus de vos recherches ?

J'ai rédigé un récit à la première personne. C'est un récit où se racontent les difficultés auxquelles font face ces mouvements. Un récit qui essaie de comprendre ce qui fait qu'il est si difficile de se mobiliser alors même que les aspirations à résister sont de plus en plus puissantes, et qu'elles traversent une multiplicité de classes sociales.

Quand les classes populaires refusent de jouer le jeu et qu'en même temps des cadres supérieurs, par exemple dans la fonction hospitalière, se révoltent, il y a des raisons de penser que le mouvement de remise en cause de la politique néolibérale du gouvernement peut aller loin. Reste à comprendre tous les freins qui nous bloquent, qui nous inhibent, et nous empêchent d'aller plus loin dans la mobilisation. C'est sur cet aspect difficile qu'insiste aussi mon récit.

Ne pensez-vous pas que les responsables politiques vont finir par se saisir de ce sujet, au moins pour ceux qui pourraient être tentés de le combattre ?

Il me semble qu'il n'y a pour le moment pas grand-chose à espérer de ce côté-là. Quand on voit le grand arc œcuménique qui se dessine à gauche, avec le PS, les Ecologistes, etc., on comprend que cette tentative d'union tend encore vers un consensus qui n'aura aucune capacité à résister au néolibéralisme. Et qui ne permettra nullement de donner une forme politique aux mouvements populaires qui vont ressurgir.

Gilets jaunes Bordeaux Intra Muros

Le risque de voir ressurgir des mouvements populaires sans débouchés politiques (manifestation des Gilets jaunes à Bordeaux/ Photo Agence Appa/Thibaud Moritz)

A mes yeux l'une des parades pour se sortir de l'ornière serait que le monde du savoir et de la recherche s'allient, un peu partout sur le territoire, aux publics les plus concernés par la force destructrice du néolibéralisme, qu'il s'agisse des Gilets jaunes, des enseignants, des soignants, des patients ou encore des citoyens engagés dans les mobilisations en cours, mais aussi à des représentants du monde politique et syndical afin d'initier un véritable travail intellectuel de refondation, ce qui ne pourra évidemment pas se faire en un jour.

Ce rapprochement ne pourra avoir lieu qu'à la condition que les universités par exemple, mais aussi les hôpitaux et les laboratoires ouvrent leurs portes à ces publics contestataires. A l'Université Bordeaux Montaigne nous sommes parfaitement en mesure de lancer une université alternative capable de favoriser ce rapprochement et nous avions commencé à y travailler, dans le cadre de la mobilisation des enseignants chercheurs et des étudiants, avant la crise sanitaire.

Ma conviction, c'est que vouloir séparer la science de la politique est une illusion qui a vécu. Comme l'a démontré John Dewey, le philosophe américain qui a ouvert la voie à un libéralisme pragmatiste résolument démocratique, il n'y a pas de démocratie sans mise à disposition du savoir. Cette articulation intime entre la publicité du savoir, l'éducation et la démocratie était d'ailleurs déjà au cœur de la démocratie grecque. Elle a été progressivement perdue de vue, au nom de la complexité, de l'expertise et de la spécialisation, et elle a conduit à une défiance généralisée qui aujourd'hui menace en profondeur la cohésion de notre société.

Lire aussi : HelloAsso : "Il y a un modèle alternatif à la logique purement économique"

(1)"Du cap aux grèves -Récit d'une mobilisation 17 novembre 2018-17 mars 2020" à paraître le 20 août aux éditions Verdier dans la collection « La petite jaune ».

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 07/06/2020 à 11:06
Signaler
Personnellement, je préfère le libéralisme qui procure liberté de vivre et d’entreprendre plutôt que le gauchisme et la dictature intellectuelle prônés par cette femme (universitaire payée par les impôts des entreprises et des riches entre autres..)

le 09/08/2020 à 10:25
Signaler
N'oublions pas que cette soi disant liberté d'entreprendre a des conséquences néfastes pour le monde , écologie , dérégulation et bien évidemment pour les générations qui arrivent même dans notre pays. Je dirais heureusement qu'il y a des enseignants...

à écrit le 06/06/2020 à 23:38
Signaler
Il y a 3 définitions du neo-libéralisme. Celle du congrès de Lippmann est la seconde, et correspond en réalité à nos démocraties libérales actuelles : en résumé, du libéralisme avec de gros morceaux d'Etat dedans (économie de marché, libertés indivi...

le 30/06/2020 à 8:01
Signaler
Mais qui correspond parfaitement à la situation actuelle...

à écrit le 06/06/2020 à 14:38
Signaler
C'est bien de dire que le néolibéralisme veut que l'éducation serve les besoins du marché, mais ce n'est pas vrai, puisqu'on ne trouve par exemple pas assez de soudeurs en France, et que l'industrie peine à recruter depuis des années. Alors qu'on fo...

à écrit le 05/06/2020 à 23:13
Signaler
Le "vrai" libéralisme (pourquoi néo?) consisterait, pour un gouvernement, à laisser l'équilibre se faire naturellement entre offre et demande en intervenant le moins possible. Or, pour notre bien, c'est de moins en moins le cas; personne ne voudrait ...

le 06/06/2020 à 9:32
Signaler
"Néo" de néo-logisme qui est la dérive du libéralisme et donc de son capitalisme vers la fabrication de la rente permanente! L'innovation remplace le progrès, l'offre permanente et la publicité y contribuent, cela tourne en rond!

à écrit le 05/06/2020 à 16:48
Signaler
Article intéressant mais vu que mes commentaires sont sans arrêt censurés sans raison sinon le fait que je critique la manière dont la société est sous la coupe des détenteurs des capitaux leur permettant de s'emparer de la presse écrite et télévisue...

le 06/06/2020 à 5:18
Signaler
@RIRI. Vous etes sur un canard ou le politiquement correct est de rigueur. Il y est interdit de critiquer. Le pays des droits de l'homme ou parait-il le droit a la parole est sacre. Votre pays est aux mains de la mafia en cols blancs. Attendez l...

à écrit le 05/06/2020 à 16:44
Signaler
Le néolibéralisme n"est que l'utilisation du capitalisme pour la création de rente avec la complicité de l'administration et des politiques qui sont souvent les mêmes a faire des aller retour! Elle est en adéquation avec la manière dont est construit...

à écrit le 05/06/2020 à 16:32
Signaler
De 1932 à 1941 Roosevelt aligne progressivement les plus fortunés avec l'impôt en leur prenant jusqu'à 91% de leurs revenus, ce qui parait totalement inimaginable actuellement, les riches devaient être furieux imposant de fortes compensations pratiqu...

à écrit le 05/06/2020 à 16:31
Signaler
la france creve de son sovietisme, de rien d'autre l'etat a la francaise, obese qu'il est impossible de faire maigrir, sert a creer de l'emploi comme en urss, de preference pour les copains coquins, qui seront tres bien payes surtout s'ils sont inco...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.