"Le pont de l'île de Ré est aussi chargé qu'en plein mois d'août et les maisons secondaires d'Arcachon ont quasiment toutes rouvertes", a illustré la préfète de Nouvelle-Aquitaine Fabienne Buccio en répondant à une question posée sur l'arrivée de ces presque réfugiés franciliens, poussés hors de la capitale par les nouvelles règles de confinement dues à la lutte contre l'épidémie de coronavirus.
Une stratégie de repli qui ne concerne pas que les jeunes provinciaux installés à Paris ayant décidé de retourner dans leur famille. Cet afflux de population provoque une inquiétude marquée dans les îles, que ce soit celles de Ré ou d'Oléron, pour ne prendre que ces deux exemples, qui ne comptaient que très peu voire pas du tout de cas de coronavirus. Ainsi les propriétaires de maisons secondaires ne sont plus forcément les bienvenus
"Cet afflux de Parisiens n'est pas une très bonne nouvelle, parce que le mieux c'est que les gens restent chez eux, à leur domicile principal. Nous espérons simplement qu'une fois installés ils respecterons les règles de confinement", a commenté Michel Laforcade, directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, lors de cette conférence de presse du 17 mars organisée par la préfecture de région, où il était aux côtés de la rectrice d'académie Anne Bisagni-Faure, de la colonelle Olivia Poupot, commandante du Groupement de gendarmerie de la Gironde, et du commissaire Thierry Chollet, directeur départemental adjoint de la Sécurité publique de Gironde.
Sur le plan médical, la région n'en est pas au stade 3
Cerise sur le gâteau, ces "Parisiens" ont fait le bon choix en se repliant en Nouvelle-Aquitaine, puisque c'est la région où le coronavirus est encore le moins présent dans le pays. Au point que, si la Nouvelle-Aquitaine est passée au stade 3 de la mobilisation contre le Covid-19, avec les mesures de confinement qui s'imposent, sur le plan médical la situation est légèrement différente. Les autorités sanitaires néo-aquitaines, pilotées par l'ARS, continuent ainsi à appliquer une stratégie d'endiguement de la pandémie qui relève davantage des stades 1 et 2 que 3. Si la situation sanitaire continue à se tendre, il reste encore un peu de mou.
"Nous ne sommes pas alignés sur le modèle épidémique qui prévaut au plan national, puisqu'au 16 mars nous en étions à 207 cas confirmés sur la totalité du territoire régional. Ce qui fait que, contrairement à la plupart des autres régions, qui ont tout arrêté, nous continuons à faire des tests systématiques de dépistage sur les malades", a confirmé le patron de l'ARS.
Ce dernier avait déjà annoncé la couleur lors d'une conférence de presse organisée le même jour en début d'après-midi au CHU de Bordeaux, dont Yann Bubien est le directeur général.
Ce qui a été notamment précisé dans le communiqué de l'ARS daté du 16 mars.
"...en Nouvelle-Aquitaine, compte tenu de la situation épidémique (incidence faible du nombre de cas par rapport à d'autres régions françaises), l'ARS a décidé de poursuivre la stratégie de limitation de la propagation du virus en continuant à dépister systématiquement les personnes symptomatiques ayant un lien avec une zone où le virus circule activement ou un contact avec un cas confirmé. Le temps gagné permet à l'ARS de mieux préparer le système de santé à la prise en charge des malades" explique ainsi l'autorité sanitaire.
Montée de la capacité de tests/jour au Covid-19
Entre les 13 et 16 mars le nombre de cas confirmés a augmenté de 28 et une douzaine de patients sont en réanimation dans la région, qui compte 5,8 millions d'habitants et qui est aussi étendue que l'Autriche. Seul le Lot-et-Garonne « dépasse légèrement le seuil épidémique de 10 cas confirmés sur 100 000 habitants avec 11 cas confirmés sur 100 000 habitants », observe l'ARS dans son dernier communiqué. Ces tests systématiques de dépistage de patients suspectés d'être contaminés ne sont pratiqués qu'au cours des stades 1 et 2 de lutte contre le Covid-19, comme l'indique clairement le guide méthodologique de « Préparation au risque épidémique Covid-19 ».
C'est ainsi que les autorités sanitaires néo-aquitaines poursuivent leur stratégie d'endiguement de la pandémie, à raison de 300 tests par semaine, sachant que « 230 tests/jours sont analysés en week-end » et que les capacités de test du CHU de Bordeaux viennent de passer de 90 à 300 par jour, qu'elles pourraient grimper de 120 à 160 par jour au CHU de Poitiers et de 90 à 130 à celui de Limoges.
2 millions de masques périmés récupérés
La situation épidémique néo-aquitaine est encore à ce point stable que l'ARS annonce que notre région dispose de 482 places disponibles en réanimation et que le Plan blanc (plan d'urgence hospitalier mis en place pour faire face à l'afflux de victimes) n'a pas été déclenché, alors que le Plan blanc renforcé est appliqué dans plusieurs régions. Cela n'empêche pas, comme l'a souligné Michel Laforcade, que toutes les mesures aient été prises en Nouvelle-Aquitaine pour pouvoir déclencher le Plan blanc dans les plus brefs délais si nécessaire.
"Bien sûr nous jouons la carte de la solidarité interrégionale et nous avons fait savoir aux régions les plus en difficulté, que nous avons des places disponibles en réanimation. La question du transfert d'un certain nombre de malades, par avions ou trains médicalisés, est à l'étude et ne pose pas de problèmes techniques. Le tout étant de ne pas nous mettre nous-mêmes en difficulté", a résumé le patron de l'ARS de Nouvelle-Aquitaine, qui a confirmé aussi la poursuite des tests de dépistages systématiques du Covid-19.
L'ARS a également lancé un appel aux collectivités pour récupérer du matériel et a été visiblement entendue.
"Nous avons pu ainsi collecter deux millions de masques périmés. Nous les avons faits tester et ils sont parfaitement sûrs. Car la date de péremption ne porte pas sur le masque lui-même, mais son sur son élastique. 40 % de ces masques vont être dirigés vers les hôpitaux et 60 % vers les médecins de ville. Bordeaux Métropole nous en a par exemple donné 60.000, que nous allons distribuer très vite", a déroulé le patron de l'ARS.
160 patrouilles de police à Bordeaux Métropole
Interrogée sur le sort réservé aux sans domiciles, la préfète a répondu qu'ils seraient pris en charge, et que ceux qui ne sont pas malades seraient accueillis dans des « centres de desserrement ». Concernant les Municipales, Fabienne Buccio a confirmé que le 2e tour était reporté sans que l'on sache encore à quelle date.
"La vie démocratique continue et les listes élues ont jusqu'à ce samedi 21 mars pour élire leurs maires et leurs adjoints. Précisons que seulement 57 communes de Gironde (département qui en comptait 535 au 1er janvier 2019 -NDLR) connaitront un second tour pour ces municipales 2020", a éclairé Fabienne Buccio.
Concernant la lutte contre l'épidémie de Covid-19, Thierry Chollet a précisé que tous les effectifs de police disponibles étaient sur la voie publique, le périmètre concernant la zone police de Bordeaux Métropole, qui voisine avec la zone gendarmerie dans de nombreuses communes, mais aussi celle du bassin d'Arcachon.
"Nous sommes là pour faire de la pédagogie, pour expliquer, et nous avons trouvé peu de monde dans les rues. Les trois quarts des personnes que nous avons contrôlées avaient leur déclaration sur l'honneur et nous avons fait de la pédagogie auprès du dernier quart restant. Bien sûr nos missions habituelles de sécurité, avec les appels au 17, se poursuivent. Nous avons déployé 160 patrouilles de trois policiers dans la Métropole", a détaillé le responsable de la sécurité.
Les contrôles ont débuté, mardi 17 mars 2020, à Bordeaux, sans contravention pour le moment (Agence Appa/Thibaut Moritz)
Eviter de saturer le standard de la gendarmerie
De son côté, Olivia Poupot a fait part des difficultés que rencontrait la gendarmerie à cause de l'afflux d'appels téléphoniques.
"Ces afflux sont très importants en volume parce que de très nombreuses personnes se posent des questions sur les règles de confinement. Il faut rabattre ces porteurs de questions à propos du confinement vers notre site Internet, car ces appels perturbent notre bon fonctionnement", a déroulé Olivia Poupot.
Les accueils à la brigade de gendarmerie ne sont pas supprimés mais se font dans un cadre adapté aux circonstances, "nous ne pouvons pas avoir beaucoup de gens en attente et il est possible de prendre rendez-vous avant de venir" a-t-elle soulignée, d'autant qu'il existe aussi une « brigade numérique ». Malgré la ruée des consommateurs dans les grandes et moyennes surfaces, le commissaire Chollet a confirmé qu'il n'y avait pas eu jusqu'ici d'incidents dans ce cadre à Bordeaux Métropole. Un scénario qui visiblement inquiète un tant soit peu les forces de l'ordre.
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