Port de Bordeaux (GPMB) : l’accord de médiation qui doit éviter le naufrage

L’élu Philippe Dorthe a réussi à désamorcer le nouveau conflit social opposant la CGT à la direction du Grand port maritime de Bordeaux (GPMB). Trois emplois étaient dans la balance, avec aussi des enjeux structurels de plus long terme, comme la viabilité de BOP, la nouvelle société publique portuaire chargée d’assurer le chargement et le déchargement des bateaux, autrement-dit la maintenance verticale.
Les portiques inertes du terminal du Verdon, qui ne transbordent aucun conteneur, illustrent la crise du port de Bordeaux.

Conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine et départemental (PS) de Gironde, figure de proue des Bassins à flot, Philippe Dorthe vient de boucler avec succès la mission de médiateur qui lui avait été confiée par le ministère des Transports pour désamorcer la grève qui paralysait chargement et déchargement des navires. L'accord de sortie de crise a été signé le vendredi 7 décembre par Renaud Picard, directeur financier du GPMB, Cyril Mauran, secrétaire général de la CGT et Philippe Dorthe.

Ce mouvement de grève était lié à un événement inédit dans la vie portuaire bordelaise : la reprise le 28 novembre dernier d'une entreprise privée, en l'occurrence BAT (Bordeaux Atlantique Terminal), par un établissement public (le GPMB) à la barre du tribunal de commerce. Cette reprise de BAT devait se solder par le licenciement de trois salariés de BAT (sur 47), arrivés les derniers : décision qui a mis le feu aux poudres, dans un contexte économique et social très tendu pour la direction du port.

Une très active opération de médiation

"Le protocole d'accord a été signé le vendredi 7 décembre à 16 h 30. Après une semaine de discussions intenses, des allers-retours avec les ministères de tutelle, pas toujours simples, j'ai pu faire acter l'embauche des trois salariés qui sinon auraient perdu leur emploi ce 11 décembre" a expliqué Philippe Dorthe.

Deux de ces trois salariés vont être repris par Bordeaux opérations portuaires (BOP), la nouvelle filiale du GPMB qui remplace BAT, tandis que le troisième est embauché dans un atelier du port, tous les trois sous contrats port. L'autre pomme de discorde dans cette reprise de BAT par le GPMB tient dans l'obligation légale dans laquelle se trouve le port d'organiser d'ici cinq ans un appel d'offres, avec le risque de voir la nouvelle filiale BOP reprise par un opérateur privé.

"J'ai également pu faire acter par le ministère des Transports une protection de la nouvelle filiale BOP sur les conditions de cession de celle-ci et notamment sur les règles de concurrence et les situations éventuelles de position dominante" a déclaré Philippe Dorthe. Ce dernier a légèrement recadré son propos, soulignant qu'il refusait que les profits soient privatisés et les dettes nationalisées, que des opérateurs privés profitent des subventions publiques sans obtenir de résultats mais sans oublier de se délester leurs passifs auprès des pouvoirs publics.

A part le Port, il n'y avait personne pour créer BOP

"Nous ne sommes pas des gréviculteurs. Nous ne voulions pas descendre au-dessous du nombre de 47 salariés que comptait BAT. La direction a fait son business plan et nous avons fait le nôtre, avec les chiffres de la direction. Mais la DGTM (Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer -Ndlr) n'était pas d'accord. D'où le lancement de la grève et la demande de la nomination d'un médiateur" a rappelé Cyril Mauran.

Actuellement 26 salariés de l'ex-BAT ont été repris par BOP tandis que 21 d'entre eux ont été affectés aux ateliers techniques. Pendant les quatre prochains mois une procédure d'évaluation sera menée par deux experts, dont un nommé par la direction du port et l'autre par la CGT, qui vont se pencher, jusqu'au 1er avril 2019, sur le fonctionnement de BOP, pour faire un bilan.

"Nous suivons la procédure du tribunal, sinon nous aurions de très gros problèmes. Là nous avons un accord sur trois ans pour BOP, et si ça marche bien nous aurons deux ans de plus. Autrement-dit nous verrons dans cinq ans, lors de l'appel d'offres, s'il n'y pas une situation de monopole qui ne contredit pas la liberté d'entreprendre" a éclairé Renaud Picard, qui a ensuite expliqué que si le GPMB avait racheté BAT c'est qu'il n'y avait aucun autre candidat à la reprise de cette entreprise dont le rôle est absolument vital pour le fonctionnement du port.

La CGT ne veut plus de constructions

Le port de Bordeaux traverse depuis plusieurs mois une zone de très fortes turbulences liée au recul de son trafic l'an dernier, à la très vive concurrence que lui livre le port de La Rochelle ou encore à la paralysie totale du site du Verdon où la logistique des conteneurs est au point mort. Le GPMB, qui s'étend sur une centaine de kilomètres de long, de Bordeaux au Verdon, est aussi bien présent dans des zones lacustres que des centres urbains. Avec des centaines de milliers d'hectares de foncier qui ont de quoi faire rêver les élus. Le quartier des Bassins à flot, à Bacalan, pousse sur le domaine portuaire et Cyril Mauran a fait savoir que, pour la CGT, la coupe était pleine.

"Ce qui devait être mis en place pour que BOP puisse fonctionner l'a été. Ensuite il faut que nous puissions travailler tous ensemble, l'Etat, le port et les collectivités. Mais surtout que l'on ne vienne pas nous planter un couteau dans le dos pour se servir des terrains du port pour construire encore des logements, a averti le cégétiste. Nous avons besoin de travail, au port ou ailleurs. La construction de nouveaux logements sur nos terres c'est une ligne rouge. Il y a urgence à développer l'industrie plutôt que de construire. Vous voyez tout ce quartier des Bassins à flot ? Si l'on ne fait rien pour l'emploi dans 10 ou 15 ans ce sera une catastrophe."

Philippe Dorthe : de l'industrie propre et des logements

Partisan lui aussi d'un rebond de l'activité industrielle, Philippe Dorthe a abondé à cette déclaration. Il s'est ensuite montré prudent au sujet de la régionalisation éventuelle du port de Bordeaux. Cette idée, agitée à de multiples reprises pendant ces derniers mois, et qui tente le patronat, est une autre ligne rouge pour la CGT du port.

"C'est simple, pour nous la régionalisation c'est hors de question. C'est une position pure et dure. Qu'il y ait davantage de collectivités au conseil d'administration très bien. Mais pas question de sortir du périmètre de l'Etat" a martelé le cégétiste.

Philippe Dorthe a expliqué de son côté qu'Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, est très favorable à la relance d'un pôle naval à Bordeaux et qu'il a imposé l'inscription de 13 M€ de financement dans ce sens au budget du contrat de plan Etat-Région, en particulier pour la remise à niveau des formes de radoub numéros un et deux (aux Bassins à flot). Il a appelé à gérer le foncier de façon intelligente, partant du principe qu'il était possible de négocier pour des constructions de logements et d'activités industrielles. Selon Philippe Dorthe le dénouement heureux de cette médiation aurait d'ores et déjà rassuré CMA CGM très gros client du port de Bordeaux, après la traumatisante annulation des escales de MSC il y a quelques mois.

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