"L'Etat n'arrive pas à se désendetter et nous demande de le faire à sa place ! "

Alors que l'année 2018 approche, Jean-Marie Darmian, vice-président (PS) du département de la Gironde en charge des finances, revient sur les enjeux budgétaires de l'exercice à venir. Il affirme notamment être "totalement hostile" à la signature d'un contrat avec l'Etat pour limiter les dépenses de fonctionnement du département. "L'Etat n'arrive pas à se désendetter et nous demande de le faire à sa place", tacle l'élu local qui assure néanmoins que le département sera en mesure de respecter les objectifs imposés par l'Etat, notamment grâce au dynamisme de l'immobilier.
Jean-Marie Darmian, vice-président (PS) du département de la Gironde en charge des finances

Quelle est la situation financière du département ?

JMD - Elle est beaucoup moins inquiétante que celle de bien des départements français. D'une part, nous avons travaillé depuis cinq à six ans sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement et, d'autre part, nous sommes privilégiés avec des recettes fiscales très dynamiques issues des droits de mutation perçus sur les transactions immobilières, en particulier sur le Bassin d'Arcachon et la métropole bordelaise.

Notre stratégie est de maximiser les économies sur les deux premières années du mandat : 2015 et 2016. L'année 2017 constitue un pallier pour pouvoir investir fortement par la suite dans les collèges, les infrastructures routière et le très haut débit. Cette année, nous allons dégager 150 M€ d'autofinancement alors que nos prévisions tablaient sur 100 M€. Nous fléchons 31 de ces 50 M€ de surplus vers le désendettement de la collectivité.

Nous devrions ainsi pouvoir tenir notre engagement de ne pas toucher à la fiscalité durant le mandat 2015-2020. C'est positif d'autant que je crains qu'avec la réforme de la taxe d'habitation, beaucoup de maires ne soient tentés d'augmenter la taxe sur le foncier bâti.

Votre prévision de croissance des droits immobiliers pour les trois prochaines années est très prudente (+2,2 % par an). Craignez-vous un retournement du marché girondin ?

JMD - Non, mais l'agence de notation Standard & Poor's nous a conseillé de ne pas anticiper une croissance des droits immobiliers au rythme actuel (+11 % en 2016) et de privilégier des hypothèses plus prudentes. Nous préférons avoir une bonne surprise en fin d'année prochaine qu'une mauvaise et l'objectif est aussi de ne pas utiliser une ressource conjoncturelle, liée au cycle immobilier, pour financer le fonctionnement structurel du département.

On essaye d'anticiper le plus possible et de se projeter déjà sur le budget 2019 qui pourrait voir les taux d'intérêt remonter. On a d'ailleurs sécurisé des emprunts auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI) avec des droits de tirage qui seront disponibles l'an prochain.

Qu'en est-il du poids du RSA et des allocations de solidarité ?

JMD - Les versements au titre du RSA devraient représenter environ 240 millions d'euros en 2017. Il y a une forte hausse globale des dépenses sociales contraintes du département qui dépasseront pour la première fois la barre des 900 M€. Le budget de la prestation de compensation du handicap (PCH) augmente ainsi que celui consacré à la protection de l'enfance qui est devenu le sujet numéro un du département. Nous avons beaucoup d'enfants à placer et pas suffisamment de familles d'accueil.

Vous devrez signer au printemps prochain un contrat avec l'Etat qui plafonnera l'évolution de vos dépenses de fonctionnement à 1,4 % par an, inflation comprise. Etes-vous favorable à cette démarche ?

JMD - Non ! J'y suis totalement hostile ! Ce n'est rien d'autre qu'une recentralisation masquée. Je regrette qu'il n'y ait pas une confiance partagée entre l'Etat et les collectivités. Quand l'Etat a coupé nos dotations ces dernières années, nous avons toujours assumé nos missions, y compris les deux-tiers des dépenses imposées par l'Etat.

En réalité, l'Etat n'arrive pas à se désendetter et il nous demande de le faire à sa place. Mais ça n'a pas de sens de désendetter un département dont 60 % des dépenses sont des allocations sociales versées au nom de l'Etat et qui doit faire face aux besoins d'une population en croissance. Ces contrats sont des effets d'annonce vis-à-vis de Bruxelles. Ils sont incompréhensibles et inapplicables puisqu'ils suivent des injonctions contradictoires : diminuer la dette mais augmenter l'investissement !

Est-ce que la Gironde sera néanmoins en mesure de respecter les critères fixés par le contrat ?

JMD - Nous n'avons eu aucun contact avec la préfecture à ce stade mais les équipes du département sont solides et il ne sera pas facile pour la préfecture de nous contraindre sur des éléments pas justifiables. On est déjà à l'os dans le fonctionnement de nos services et, mathématiquement, il sera difficile de diminuer les dépenses alors que la population augmente.

Cela étant dit, notre stratégie budgétaire pour 2018 a déjà intégré les futures contraintes : nous limiterons la hausse de nos dépenses de fonctionnement à +1,4 % et notre endettement se situe bien en deçà du nouveau plafond de neuf années de capacité de désendettement, il est autour de 3 années. Donc, oui, pour 2018, c'est faisable. Ensuite ce sera beaucoup plus compliqué et nous prévoyons déjà un dépassement à +1,7 ou +1,8 % sur les dépenses de fonctionnement.

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