Finances publiques : à Bordeaux le compte 515 n’a pas rendu la monnaie

Ce sont en général les dépenses inexpliquées qui posent problème, mais le cas de Parcub, la régie des parkings de Bordeaux, est un peu plus compliqué puisque c’est une recette irrécupérable de 578.122 € qui a provoqué la condamnation du comptable public.
C'est Jean-Noël Gout (au premier plan), vice-président de la CRC, à côté du président de la Chambre, Jean-François Monteils, qui a dirigé les investigations.

Après celui de 2012, la Chambre régionale des comptes Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes (CRC ALPC), présidée par Jean-François Monteils, a commandé un second rapport sur la gestion de Parcub, la régie communautaire d'exploitation des parcs de stationnement de la CUB, devenue Bordeaux Métropole. Ce second rapport, rendu public le 1er juillet dernier, porte sur la gestion de Parcub pendant la période 2010-2013, et n'a pas satisfait à toutes les attentes de la Chambre.

Parcub gère actuellement 17 parkings représentant 8.411 places et sa situation financière est "globalement satisfaisante", juge la CRC, "grâce à une maîtrise des charges, notamment de personnel". Ce qui chagrine la CRC c'est qu'en 2010 Parcub s'est retrouvé dans l'impossibilité de récupérer les 578.122 € de recettes du mois de septembre logées dans le compte numéro 515 ! Et que malgré tous les efforts déployés et le temps supplémentaire accordé par la CRC pour la boucler, cette opération de sauvetage a échoué.

Des placements irréguliers

Au point que cet argent irrécupérable a valu à Jean-Pierre X, comptable public chargé de la gestion des comptes de Parcub, d'être poursuivi par le Procureur financier puis condamné, le 5 septembre dernier, à rembourser à la régie communautaire la somme de 578.122 €. Couverts par des assurances spécifiques, les comptables publics sont toutefois responsables sur leurs propres fonds des deniers publics qu'ils gèrent, et la sanction financière peut-être alourdie si le ministre n'intervient pas. Au centre de ces vicissitudes se trouve un système financier pour le moins exotique mis en route dès 2004, lors de la création de la régie.

La Chambre régionale des comptes rappelle ainsi que "Le fonctionnement de la régie reposait jusqu'en 2011 sur une dérogation à l'obligation de dépôt de ses fonds au Trésor Public à laquelle il a été mis fin. L'utilisation dérogatoire de ce compte se doublait de l'irrégularité du placement de ses disponibilités" détaille ainsi sobrement le rapport. Autrement-dit, grâce à ce fonds dérogatoire les excédents de trésorerie de Parcub pouvaient être placés dans l'achat de valeurs mobilières, qu'il s'agisse d'actions ou d'obligations...

Le comptable pas le régisseur

C'est ainsi que la recette à recouvrer dans le fameux compte 515, qui était initialement d'un montant de 670.187 €, a pu être ramenée à 578.122 € grâce à la vente de Sicav (société d'investissement à capital variable) pour un montant de 92.064 € ! Techniquement le comptable public n'était pas le seul à intervenir dans ce dossier puisque la régie communautaire s'est dotée depuis sa création d'un régisseur d'avances et de recettes, qui en l'occurrence effectuait les encaissements "en espèces, en chèques ou par cartes bancaires, au titre des recettes des parcs de stationnement du mois de septembre 2010".

Ce compte, où était déposée la recette de 578.122 €, qui, comme le précise la CRC, était toujours due à la régie, a été clôturé en septembre 2012 "sans que son solde permette d'apurer davantage les titres émis pour percevoir les recettes qui devaient y avoir été enregistrées" observe le rapport de la CRC. La Chambre régionale des comptes a rappelé que, malgré leur propre responsabilité personnelle et pécuniaire, les régisseurs sont placés sous l'autorité du comptable public, qui, en plus de la vérification du bienfondé des titres d'encaissement et de décaissement, est aussi responsable des opérations menées par les régisseurs. Et qu'en l'occurrence Jean-Pierre X aurait dû vérifier qu'en septembre 2010 les disponibilités du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations étaient suffisantes pour solder l'encaissement.

La parole à la défense

Le comptable public a fait valoir qu'il a hérité en 2010 d'une situation complexe qui "depuis la création de la régie en 2004, faisait transiter par un compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations, sur lequel il n'avait aucun contrôle, les opérations du régisseur de recettes et d'avances ; qu'à cette particularité s'ajoutait l'importance des dépenses payées directement par le régisseur sur les recettes d'exploitation ou de placement".

Lors de l'audience le comptable public a souligné que "dès le début du second semestre de l'année 2010, il avait saisi sa hiérarchie, le président et le directeur de la régie sur la nécessité de faire évoluer les procédures comptables et financières de la régie dans le respect des normes réglementaires ; qu'il a procédé à l'audit de la régie d'avances et de recettes en octobre et novembre 2011, ce qui n'avait jamais été fait jusque-là ; qu'il a obtenu la création d'un compte de dépôt de fonds au Trésor et une nouvelle organisation des régies en 2012" détaille le rapport.

La Chambre régionale des comptes en a pris acte tout en précisant que ces initiatives "n'exonèrent pas le comptable de sa responsabilité, mais pourront, comme les carences de l'organisation de la régie, être mises en avant par lui (...)".

Une complexité ancienne

Jean-Pierre X a ainsi été condamné par la CRC pour avoir manqué à ses devoirs de contrôle, jugeant qu'il ne pouvait bénéficier en l'occurrence d'aucune "circonstance constitutive de la force majeure", avec pour conséquence un appauvrissement du patrimoine de Parcub à hauteur de 578.122 € qui lui incombait de combler.

De son côté, dans ses échanges avec la Chambre régionale des comptes Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, Jean-Philippe Noël, directeur général de Parcub, observe que "le titre de 518.122 € a été pris en charge dans la comptabilité du comptable public par ce dernier sans émargement (et plus précisément dans les comptes de bilan tenus par le seul comptable public)". Avant d'expliquer que "Cette situation est la conséquence indirecte d'un mode de fonctionnement dérogatoire sur autorisation du comptable public nommé lors de la création de la régie et qui a été autorisé pour assurer la continuité du service au mieux et qui a perduré (...)".

L'ensemble des recettes comptabilisé

Jean-Philippe Noël rappelle également que "Face au constat fait par la Chambre, Parcub a réalisé un important travail apportant un éclairage utile. Il a permis de s'assurer de la comptabilisation de l'ensemble des recettes figurant sur les relevés bancaires du compte ouvert par Parcub depuis la création de la régie. Par contre, ce travail n'a pas permis de justifier la trésorerie disponible de Parcub au 31.12.2010". Le directeur général de Parcub enfonce en quelque sorte le dernier clou.

"Or, le comptable public à indiqué à Parcub qu'il n'était pas possible de fournir le compte 515 depuis le 1er mai 2004 jusqu'au 31.12.2010, ces éléments n'étant maintenant disponibles que depuis le 1er janvier 2010. De ce fait, la Recette des finances qui a été parfaitement informée du travail accompli par Parcub a acté de la limite de nos travaux malgré notre volonté constante d'aller à leur terme" explique ainsi le directeur général.

Parcub a-t-il trainé des séquelles liées à sa création ? En tout cas le premier rapport d'activité de la régie, en 2004, pourrait le laisser penser.

On peut notamment y lire que la mise sur pied de la régie "n'a pu donner lieu à tous les préparatifs souhaitables, la création de la régie s'étant improvisée comme alternative tardive du fait des difficultés rencontrées lors de la phase finale du dossier de délégation de service public. La mise en place de la régie s'est donc déroulée dans des délais particulièrement serrés si bien que Parcub a dû fonctionner sans logiciel de comptabilité pendant l'essentiel de son premier exercice comptable". Ouvert en 2004, le compte dérogatoire ne devait avoir qu'une durée de vie très limitée.

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Commentaires 2
à écrit le 03/11/2016 à 22:02
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On y comprend rien ! (et le journaliste sans doute non plus). Où est l'argent ?

le 04/11/2016 à 9:40
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Pour faire plus court disons qu'il s'agit probablement d'erreurs d'écriture, avec des sommes créditées à tort au compte 515, mais aucune investigation n'a pu trancher cette question de façon claire et définitive avant la clôture du compte. Il subsist...

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