C'est en compagnie de Denise Greslard-Nedelec, vice-présidente du Conseil départemental de la Gironde chargée de l'insertion, que Jean-Luc Gleyze, président (PS) de l'assemblée départementale a reçu hier jeudi le Premier ministre, Manuel Valls, mais aussi Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean Jaurès. La Gironde s'est portée volontaire pour l'expérimentation du revenu de base et travaille depuis des lustres sur le sujet en compagnie de la Fondation Jean Jaurès.
"L'innovation sociale est une priorité de la mandature" a ainsi confirmé Jean-Luc Gleyze, s'adressant à un hémicycle où, en plus des députés socialistes Gilles Savary et Pascale Got, avaient pris place Jean-Louis David, adjoint (LR) au maire de Bordeaux Alain Juppé, mais aussi conseiller départemental, et les représentants de nombreuses structures et associations : de la Caisse d'allocation familiales à ATD Quart Monde en passant par la MSA (Mutualité sociale agricole).
"Nous partageons nos questions et nos réponses avec la connaissance du terrain qui est la nôtre : 180.000 Girondins vivent au-dessous du seuil de pauvreté et au Conseil départemental de la Gironde nous avons depuis plusieurs années l'idée de faire avec les usagers, de développer le pouvoir d'agir, avec des méthodes de travail inclusives et innovantes. Il est vital de sortir de la notion d'assistanat", a éclairé Denise Greslard-Nedelec.
L'utopie qui pourrait mal tourner
L'idée d'un revenu de base n'en est qu'à ses prémices et n'agite pas que les cercles de gauche. Comme l'a rappelé Gilles Finchelstein, la Fondation Jean Jaurès a travaillé sur l'idée d'égalité pour en arriver à celle du revenu de base tout en précisant qu'une politique de ce type n'est pas facile à mettre en place "car elle est placée sous le double sceau de l'utopie et de l'ambiguïté, parce qu'elle a intéressé les premiers libéraux et les premiers socialistes, d'où l'importance de clarifier ce que nous voulons exactement".
La création d'un revenu de base, a poursuivi le DG de la Fondation Jean Jaurès, "change notre rapport au travail, au temps libre, à la sécurité, aux prélèvements obligatoires, aux impôts" d'où la grande complexité du débat politique sous-jacent à cette question. "Il n'est pas question d'en arriver à la suppression de la protection sociale ou à l'alibi du tout impôt", a ainsi prévenu Gilles Finchelstein. D'où l'importance du partenariat noué par la fondation avec le Conseil départemental de la Gironde pour avancer et envisager d'expérimenter, "le Département étant le meilleur cadre pour l'expérimentation, puisque permettant une mesure des effets réels" a conclu Gilles Finchelstein.
Que le Département soit le juste échelon de cette expérimentation, Jean-Luc Gleyze ne risquait pas de le démentir.
Bâtir un nouveau modèle
"Il ne s'agit pas d'un problème économique et social, mais d'un sujet de société. Après 40 ans pour retrouver le plein emploi, on voit que le compte n'y est pas, et nous savons l'engagement de votre gouvernement dans la lutte contre la pauvreté, a lancé Jean-Luc Gleyze à Manuel Valls. Nous avons une métropole dynamique, a poursuivi le président du Département, et des campagnes riches de ressources. Mais nous devons aussi faire face à un accroissement de la pauvreté qui va du Médoc au Libournais en passant par l'Entre-Deux-Mers. Dans un contexte financier difficile, il faut penser différemment. Ne sommes nous pas à la fin d'un monde ? Notre protection sociale ne nous donne plus entière satisfaction" a lancé l'élu.
Cette remise en cause touche aux fondements de la société actuelle, qui repose sur de grands piliers, comme la création de la sécurité sociale en 1944 par le Conseil national de la Résistance. Adapter la protection aux nouvelles contraintes nées de la transformation du travail sans retomber dans la grande pauvreté des décennies d'avant guerre, où des kyrielles de médecins - faute de sécurité sociale - n'étaient pas sûrs d'être payés, est au cœur des expérimentations centrées sur le revenu de base.
Quatre scénarios à l'étude
Pour le moment, la Fondation Jean Jaurès travaille, en partenariat étroit avec le Conseil départemental de la Gironde, à la rédaction d'un protocole d'expérimentation. S'appuyant sur des études déjà menées, quatre scénarios sont pour le moment esquissés : la fusion du RSA (revenu de solidarité active) et des APL (aide personnalisée au logement), dans le prolongement des travaux du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) ; la fusion de dix minimas sociaux - dans le prolongement du rapport Sirugue - pour assurer une couverture socle assortie de compléments pour les plus fragiles ; un revenu de base universel et inconditionnel à 750 € ; un revenu de base universel et inconditionnel à 1.000 €.
Manuel Valls, qui s'est ensuite rendu dans les locaux de la société innovante i2S, à Pessac, puis au Château de Luchey Halde, à Mérignac, totalement rénové par Bordeaux Sciences Agro, est revenu sur le Plan pluriannuel de lute contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, lancé par en 2013 par le gouvernement. "Le RSA a été revalorisé de 10 % en cinq ans, les prestations familiales aux parents isolés de 25 % et celles pour les familles nombreuses les plus pauvres de 50 %. Je sais, ce sont des pourcentages, mais ça n'a pas baissé" a tenu à souligner Manuel Valls.
Près de 20 % des jeunes dans la pauvreté
Revenant sur le revenu universel, le Premier ministre a expliqué que sa création était importante, "parce que 35 % des bénéficiaires du RSA n'en font pas la demande, en raison d'un système trop complexe même si nous avons apporté des premières réponses, avec ces mesures de simplification dans le projet de loi de finances pour éviter le calcul incessant des droits au RSA, avec aussi la prime d'activité. Un dispositif plébiscité, qui complète le revenu de ceux gagnant moins de 1.500 euros pas mois" a souligné Manuel Valls. Avant de rappeler que les moins de 25 ans n'ont aucun accès aux minima sociaux alors qu'ils sont "plus de 18 %" à vivre sous le seuil de pauvreté.
Le Premier ministre a enfin évoqué sa vision du revenu universel, "fusionner dans une aide unique les multiples dispositifs existants, créés au fil du temps pour répondre à des situations particulières -RSA, allocation pour les chômeurs en fin de droit, minimum vieillesse...il y a des questions qui vont être posées, je pense aux APL et aux bailleurs" a-t-il évoqué. Un sujet crucial qui réussira peut-être à s'imposer au cours de la prochaine élection présidentielle.
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