Passes d'armes musclées au Conseil régional sur fond de budget explosif

L’assemblée régionale plénière Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, qui se tient à l’hôtel de région, à Bordeaux, a été dominée jusqu’à la mi-journée par l’impact des déséquilibres budgétaires de Poitou-Charentes sur le processus de fusion. L'examen des orientations budgétaires a été refusé par l'opposition, qui a quitté l'hémicycle dans l 'après-midi.
Alain Rousset mis sous pression budgétaire

"Vous savez, la réunion de la commission finances s'est plutôt bien passée" a observé hier mardi Alain Rousset, président (PS) de la nouvelle région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes (ALPC), en souriant, lors de la présentation des sujets abordés ce mercredi dans le cadre de l'assemblée plénière.

Autant dire que cette dernière est moins détendue et qu'elle a été dominée pendant la matinée par la question lancinante des comptes de l'ex-Région Poitou-Charentes, avec de très vifs échanges en début de séance. Notamment plombé par au moins 130 M€ d'impayés et 100 M€ d'emprunts à risque, dont près de 50 M€ à très haut risque : des dettes dont la nature a été précisément identifiée par la dernière enquête de la Chambre régionale des comptes (CRC) Aquitaine Limousin Poitou-Charentes consacrée à cette collectivité, le budget de Poitou-Charentes fait peur.

"Personne ne savait !"

Le rapport portant sur le budget de Poitou-Charentes réalisé par le cabinet EY (ex Ernst and Young) n'a fait que confirmer certaines craintes, évoquant même la perspective d'une faillite en l'absence de fusion. Alain Rousset était-il au courant de la situation budgétaire explosive de la Région Poitou-Charentes l'an dernier, bien avant le début des élections régionales, voire depuis 2014, et a-t-il fait tout ce qu'il pouvait pour camoufler cette situation ? C'est le grief que fait dans ce dossier Virginie Calmels, chef de file de l'opposition LR-Modem, à Alain Rousset.

"Tout le monde me dit : on savait... mais personne ne savait ! Il y avait sûrement des soupçons mais rien d'étayé, même dans le rapport de la Chambre régionale des comptes, relisez-le" s'est défendu Alain Rousset.

Le président est ensuite revenu sur le sujet pour lui donner des perspectives.

"Il n'y a que trois mois que nous sommes aux manettes de la Région ALPC et le système a flambé. Le Fril (Fonds régional d'intervention locale) est passé de plus de 9 M€ en 2014 à 20 M€ en 2015, et aujourd'hui il faut payer 30 M€ ! Nous assistons à un emballement", diagnostique Alain Rousset.

Olivier Chartier persiste

Présidente de Poitou-Charentes jusqu'en mai 2014, date à laquelle l'a remplacé Jean-François Macaire, Ségolène Royal s'estime de son côté diffamée et fait monter la pression en menaçant de poursuites plusieurs élus, dont Florent Boudié, porte-parole (PS) de la Région ALPC, et Olivier Chartier, président (LR) de la commission des finances. Ces derniers ont été contactés par l'avocat de Ségolène Royal. Ce sont eux qui ont présenté à la presse les résultats de l'audit d'EY le 7 avril dernier.

"Je confirme tout ce que j'ai dit sur la gestion ancienne de la région Poitou-Charentes. S'il n'y avait pas eu la fusion avec les autres régions nous allions droit dans le mur. Ségolène Royal ne comptabilisait pas le crédit bail au chapitre des dettes, ce qu'a fait EY, soit 450 M€ d'endettement en moins !" a souligné Olivier Chartier, élu de la Vienne.

Pour Alain Rousset, "il nous nous appartient pas de lancer une chasse aux responsables".

Jean-François Macaire était absent hier lors de la plénière.

Malgré son intérêt, le rapport du cabinet EY est jugé largement insuffisant par l'opposition régionale qui lui refuse la dénomination d'audit. Virginie Calmels s'estime même dupée : "Nous vous avons fait confiance. Nous avons été trompés. Vous n'avez pas diligenté un véritable audit."

Ce document ne suffira pas de toute façon à régler la question des finances. Et c'est bien la Chambre régionale des comptes (CRC) Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, présidée par Jean-François Monteils, qui aura le dernier mot. Toujours est-il que le sujet fait causer, le conseil régional MoDem Joan Taris évoquant dans un trait d'humour "un Poitou-Charentes papers".

Des comptes vérifiés

"Nous avons besoin d'un travail supplémentaire pour juger des dégâts, les choses risquent de s'aggraver avec ce que l'on va découvrir, entre les impayés, les crédits structurés, les participations économiques" a estimé le président de la commission des finances, qui ne veut pas que l'exécutif régional recoure à la hausse d'impôts mais que l'institution en passe par un plan d'économies.

La nouvelle Région, créée depuis le 1er janvier, évolue dans une phase intermédiaire. Elle doit voter son budget le 23 mai prochain et la fiabilité des comptes administratifs des trois régions fusionnées se pose. Sera-t-il possible d'agir alors que la Chambre régionale des comptes n'aura sûrement pas encore rendu ses conclusions ? A cette question cruciale, Stéphane Delpeyrat (PS) répond sans stresser.

"La situation budgétaire de notre nouvelle région, beaucoup d'autres régions aimeraient la connaître. Je le répète parce qu'à cause de tout ce que l'on entend dire, on pourrait croire que nous sommes dans une situation apocalyptique, sur le plan des investissements, etc. Le véritable audit c'est celui que va faire la CRC. Ses conclusions seront connues avant l'été ou un peu plus tard, mais il n'y a pas plus indépendants que les magistrats de la CRC" a notamment observé l'élu landais.

Avant de souligner que les comptes administratifs des ex-trois régions, qui vont servir à calibrer la fusion, ont tous "été avalisés par des comptables publics".

En milieu d'après-midi, la situation s'est à nouveau tendue. Refusant de débattre des orientations budgétaires en l'absence d'un audit complet, Virginie Calmels et les Républicains ont choisi de quitter l'hémicycle, ainsi que les élus Front national dont le chef de file avait préalablement demandé "une commission d'enquête".

 Alain Rousset a malgré tout maintenu l'examen de ces orientations budgétaires : "Il nous faut prendre des décisions chirurgicales mais en toute connaissance de cause (...). Je prendrai mes responsabilités." Sans pour autant "punir Poitou-Charentes".

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