Poitou-Charentes, le budget de la discorde

Jugée inférieure à la moyenne en 2010 par un rapport de la Chambre régionale des comptes, la dette de Poitou-Charentes pose problème à la nouvelle région à cause de prêts toxiques qu'elle contient, tout comme les retards constatés dans le paiement des factures.
Jean-François Macaire, vice-président de la région ALPC en charge des finances est en difficulté

"Pour la question financière de la Région Poitou-Charentes, je vous renvoie à notre rapport de 2013. Concernant les derniers développements, vous devez bien comprendre que les comptes publics de cette collectivité ont pu ne pas être encore déposés, même s'ils sont très récents" observe-t-on à la Chambre régionale des comptes Aquitaine Limousin Poitou-Charentes (ALPC) pour expliquer l'absence d'alerte sur les dysfonctionnements comptables de la Région Poitou-Charentes révélés ce lundi matin par les quotidiens Sud Ouest et la Nouvelle République. Alain Rousset, président (PS) de la Région ALPC, insiste en particulier, dans l'interview qu'il a accordée, sur les retards pris par le Conseil régional de Poitou-Charentes dans le règlement de factures dues.

En l'occurrence c'est la Fédération départementale du bâtiment de la Vienne qui a protesté auprès du président de la nouvelle région. Des retards de paiement qu'Alain Rousset estime à un total de 132 M€ et qu'il s'est engagé à régler d'ici deux à trois semaines.

Incident l'an dernier à La Rochelle

Par ailleurs le président de la Région évoque une faible capacité d'endettement et l'existence de 130 M€ d'emprunts dits structurés, qu'il s'est également engagé à rembourser le plus vite possible. Jean-François Macaire (PS), qui n'a pas pu répondre à nos questions, tout comme Alain Rousset, a commencé à présider la Région Poitou-Charentes en mai 2014, quand Ségolène Royal a décidé de rejoindre le gouvernement. Un élément récent semble faire écho à la difficulté de la collectivité picto-charentaise à mettre ses factures en règlement.

Le 2 mars 2015, l'agent comptable du Grand Port Maritime de La Rochelle a ainsi saisi la Chambre régionale des comptes d'ALPC "afin de faire inscrire d'office au budget du Conseil régional de Poitou-Charentes les crédits nécessaires au règlement d'une dépense obligatoire, pour un montant de 904.508,67 €". Une action qui n'a pas été menée en vain puisque le 31 mars 2015 la Paierie régionale émettait le paiement attendu, conduisant le fondé de pouvoir de l'agence comptable du port à se désister "de la procédure d'inscription d'office de la dépense susvisée".

La charte Gissler, détecteur de risques

Le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes ALPC consacré à la Région Poitou-Charentes est daté du 5 septembre 2013. Il conclut alors à un endettement maîtrisé de la Région, en tout cas inférieur aux collectivités de taille comparable, et ne relève pas de difficulté particulière dans ce domaine. La CRC pointe toutefois la présence d'une importante quantité d'emprunts dits structurés en 2010 dans l'encours de dette de la Région. Après la crise financière de 2008, les banques ont accepté de signer en 2009 une charte de bonne conduite avec les collectivités locales pour mettre fin à la diffusion de ces produits financiers aussi hautement complexes que spéculatifs, qui se comportent soit comme un nœud coulant autour du cou des collectivités soit comme des bombes à retardement.

C'est dans le cadre de cet accord qu'a été mise au point la charte Gissler. Son objectif : mesurer le niveau de danger réel que représente chaque emprunt dit structuré contracté par les collectivités. La charte Gissler utilise tout d'abord une cotation chiffrée de 1 à 5 pour mesurer la complexité de l'indice qui sert au calcul des intérêts de l'emprunt (taux de change, différentiel entre un taux long et un taux cour, etc.), et une classification alphabétique, de A à E, qui exprime le degré de complexité de la formule de calcul des intérêts.

Endettement maîtrisé

Cette classification a notamment eu pour effet d'identifier une catégorie d'emprunts particulièrement dangereuse, dite "Hors Charte", classée "F6" (ou 6 F), qui regroupe tous les produits déconseillés par la charte Gissler et que les établissements bancaires signataires se sont engagés à ne plus commercialiser. Ainsi, au 31 décembre 2010, l'encours de la dette de Poitou-Charentes affiche une double caractéristique.

La CRC souligne d'un côté qu'il "progresse modérément depuis 2005", qu'à cette date l'encours de la dette s'établi à 306,7 M€ et qu'il est inférieur aux autres collectivités comparables à Poitou-Charentes. Mais dans le même temps, la chambre régionale des comptes adresse un avertissement à l'exécutif picto-charentais.

"L'examen des 26 contrats de prêt qui figurent dans l'état annexe du compte administratif relatif à la dette montre que 82 % de l'encours de la dette au 31 décembre 2010 peut comporter des facteurs de risque au regard notamment de la typologie de la charte Gissler" résume ainsi la CRC.

16 % de très dangereux en 2010

La CRC prend ensuite soin d'enfoncer le clou. "Quatre de ces emprunts notamment, récapitulés ci-après, représentant un encours de 47,9 M€, soit 16 % de l'encours, présentaient une typologie de risque supérieure à celle que les établissements financiers sont en droit de commercialiser depuis la charte Gissler" insiste la CRC.

Car c'est bien à la classe la plus dangereuse des emprunts structurés qu'appartiennent ces 16 % de l'encours de dette, du calibre "F6" en somme. Dans sa réponse à la CRC, la Région Poitou-Charentes, par la voix de Ségolène Royal avait souligné en détail le dispositif de suivi continu dont faisait l'objet ces dettes explosives. Aujourd'hui Alain Rousset, dont la bonne gestion des comptes fait office de vitrine politique, veut en finir avec ce qu'il considère comme des chausse-trapes.

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