"Grande Aquitaine" : une taille XXL qui commence à inquiéter

Modifié 19/10/2015 - 16 h 41/ La future plus grande région de France (Aquitaine -Limousin -Poitou-Charentes) va-t-elle se noyer dans des kilomètres carrés en trop, peut-elle réussir à préserver la décentralisation ? Au-delà de la compatibilité entre des régions agricoles, ces questions sont parmi celles qui mobilisent les états-majors sortants.
Un hégémonisme de Bordeaux n'est pas à exclure

La fusion Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes va accoucher de la plus grande région de France, qui, avec une superficie de 84.060 km2, sera plus étendue que l'Autriche (83.878 km2), pays avec lequel on la compare souvent. En attendant qu'elle ait un nom, cette future région a été administrativement siglée ALPC. Plus sobre et de meilleur goût que le "Apoil" (Aquitaine, Poitou-Charentes, Limousin) qui a circulé un temps sur les réseaux sociaux.

La vitesse à laquelle va s'appliquer la réforme territoriale et l'ampleur de la fusion mettent sous tension le Ceser (Conseil économique et social régional) d'Aquitaine. Luc Pabœuf, président de l'assemblée consultative, dénonce ainsi une mécanique qui pourrait réduire en charpie la représentation des socioprofessionnels auprès des exécutifs régionaux.

"Au fond, ce n'est pas notre existence de Ceser qui est menacée... C'est la société civile organisée, en tant qu'acteur de la politique régionale, qui l'est", a-t-il averti.

3e région la plus riche

Ce pessimisme n'est pas celui des présidents des trois régions qui, conscients de l'énormité des enjeux, ont lancé une sorte de procédure d'urgence matérialisée en juin par l'adoption d'une plateforme d'action commune. Rapprochement des outils de back office, comme l'informatique, harmonisation des procédures, les sujets à préparer sont nombreux.

"Il faut que tout soit harmonisé au 1er janvier 2016, il est important que les régions qui fusionnent puissent continuer à travailler", souligne Alain Rousset, président du Conseil régional d'Aquitaine et de l'Association des Régions de France (ARF).

Avec un produit intérieur brut de 158,3 Md€, ALPC va s'imposer comme la troisième région la plus riche du pays, derrière l'Ile-de-France et Auvergne - Rhône-Alpes, malgré certains territoires appauvris.

Une super-puissance agricole

Délimitée du nord au sud par Pays-de-la-Loire, Centre, Auvergne - Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon - Midi-Pyrénées, et à l'ouest par l'océan Atlantique, la future région va faire le grand écart entre l'Adour au sud et le Marais poitevin au nord, les Pyrénées et le Massif central. L'ALPC, que certains élus se plaisent à qualifier de Grande Aquitaine, sera une super-puissance agricole, en tant que leader national de la production de maïs, de melons, d'huitres, moules, palmipèdes à foie gras (canards et oies), caprins, vin blanc (pour le cognac) et vin rouge sous signe de qualité.

Mais avec des distances dépassant 500 km entre ses points les plus éloignés, elle n'aura pas la partie facile.

"Si on avait eu le choix, il aurait fallu faire entrer les deux Charentes et le Gers en Aquitaine, et là on était bien", regrette un élu aquitain.

Cette grande taille ne risque pas simplement de poser des problèmes de mobilité aux habitants, elle pourrait aussi compliquer la projection des pôles de compétitivité dans ce nouvel espace.

Des pôles très étirés

Les élus veulent croire que les pôles de compétitivité comme Aerospace Valley (aérospatial et défense) ou Agri Sud-Ouest Innovation (agriculture, agroalimentaire) ne seront pas affectés par une réforme qui va pourtant éloigner les deux régions dont ils dépendent : Aquitaine et Midi-Pyrénées. En début d'année Agnès Paillard, présidente (originaire d'Aquitaine) d'Aerospace Valley, interrogée à ce sujet, ne cachait pas qu'il y aurait sûrement des difficultés, en évoquant le pôle aéronautique Aéroteam en Poitou-Charentes.

"A terme, Aéroteam pourrait sans doute rejoindre Aerospace Valley mais il y a un problème de taille. Si l'on perd le contact physique avec ses interlocuteurs, ça ne marche plus, et la distance à parcourir entre le nord de Poitou-Charentes et le sud de Midi-Pyrénées est dissuasive", estimait-elle alors.

Le retour de l'ogre bordelais

L'autre inconnue concerne la trajectoire que suivront les super métropoles créées par la loi de Modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam). Dans la future région ALPC, Bordeaux est la seule métropole de ce type.

"Demain il est vrai que Bordeaux Métropole peut imaginer son avenir sans les autres, car c'est une grande métropole. Jusqu'ici la Région Aquitaine a répondu à ce risque par une politique d'équilibre entre les territoires", jauge Jean-François Macaire, président de la région Poitou-Charentes.

S'il oublie le rôle de bouclier des territoires ruraux face à Bordeaux revendiqué pendant des décennies par le Conseil général de la Gironde, c'est qu'il n'a pas encore pris la mesure de la crainte qu'inspire, aux Girondins des campagnes, l'hégémonisme de Bordeaux. Au point qu'il a fallu que le gouvernement exerce une énorme pression financière au printemps dernier pour contraindre les patrons de Libourne, après des années de guerre larvée, à fusionner leur chambre de commerce et d'industrie avec celle de Bordeaux, située à une trentaine de kilomètres... Si ce nouveau risque de centralisation est plus réel que jamais, le thème de la menace bordelaise est aussi un plat traditionnel très prisé en Aquitaine.

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