Europlasma prend une décision radicale pour en finir avec les excès boursiers

Le groupe innovant Europlasma a décidé d'arrêter de se financer grâce aux Ocabsa. Des obligations d'un genre particulier dont l'usage dilue à chaque tour de table un peu plus la valeur unitaire des actions de la société cotée. A tel point que le prix des actions d'Europlasma oscille désormais entre un et trois dix millièmes d'euros ! Une situation intenable en terme d'image, alors que le groupe est en train de se redresser. Aussi, à partir de ce jeudi 10 novembre, Europlasma suspend la conversion de ces obligations en actions. (2/2) (Réactualisé 09/11/2022)
Spécialiste de la dépollution à la torche à plasma (sur notre photo destruction des déchets d'amiante), Europlasma a besoin de beaucoup d'énergie pour atteindre l'état plasma de la matière, à 1.500 °.
Spécialiste de la dépollution à la torche à plasma (sur notre photo destruction des déchets d'amiante), Europlasma a besoin de beaucoup d'énergie pour atteindre l'état plasma de la matière, à 1.500 °. (Crédits : Agence Appa)

Si l'on ne s'en tenait qu'à ses performances boursières, il serait facile de prendre le groupe landais Europlasma pour une sorte de zombi virtuel embourbé au trente-sixième dessous des catacombes numériques d'Euronext, la plateforme européenne de cotation en bourse. En témoigne la dernière cotation boursière de ce groupe basé à Morcenx, qui se présente comme le leader des technologies de dépollution utilisant la torche à plasma, telle que la neutralisation définitive des déchets d'amiante. Et qui connaît par ailleurs un véritable rebond historique de son activité.

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Après avoir valu un millième d'euro en juin 2020, ce qui était déjà un record, le titre Europlasma a franchi une nouvelle limite dans les cotations de l'extrême. Il a ainsi fait son entrée dans un espace de cotation qui a les caractéristiques de l'infiniment petit : celui du dix millième d'euro (0,0001) ! Alors qu'en surface le titre Europlasma semble ne plus bouger, il faut s'aventurer jusqu'au quatrième zéro après la virgule pour retrouver une vie boursière intense mais comprimée à l'extrême.

Plus de 193 millions de titres échangés

C'est ainsi que ce lundi 7 novembre 2022 le titre Europlasma a vu son cours exploser dans le plus grand silence et sa valeur boursière grimper de +50 % pour atteindre la barre des 0,0003 euro à la clôture du marché ! Ceux qui croient qu'il a suffi de trois ou quatre actionnaires rigolos pour faire bouger le cours de ce titre coincé dans les grands fonds  se trompent. Car pour obtenir cette hausse moléculaire d'un dix millième d'euro, qui a conduit la valeur de l'action Europlasma de 0,0002 à 0,0003 euro, les investisseurs ont dû acheter et vendre des montagnes de titres tout au long de la journée. Soit plus de 193,5 millions d'actions pour être plus précis. Un vrai record national !

Cette situation découle de l'émission massive depuis ces dernières années par Europlasma d'un instrument bien connu des sociétés innovantes cotées en bourse qui ont financièrement le dos au mur : les obligations convertibles en action avec bons de souscription d'actions (Ocabsa).

Ocabsa : des outils boursiers fortement baissiers

Schématiquement, ces obligations ont la capacité extraordinaire de se transformer en actions nouvelles ! Ce qui augmente mécaniquement le volume des actions cotées par la société émettrice, qui dispose ainsi d'un moyen efficace de se rémunérer.

Problème pour les investisseurs en manque d'aventure : cette multiplication des petits pains dilue chaque fois davantage la valeur unitaire des actions. Ce qui finit par conduire à la fameuse zone du dix millième d'euro. D'où le message d'alerte adressé par le gendarme de la bourse, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), à tous les investisseurs individuels qui seraient tentés de risquer de l'argent sur ce type de titre.

" ...Le recours à ces financements est le plus souvent le fait de sociétés qui n'ont plus accès à d'autres possibilités de financement (crédit ou émission d'actions) en raison de leur situation financière dégradée ou de leurs perspectives insuffisantes. Au cours de ce type d'opération, le nombre d'actions augmente. Il y a donc un effet dilutif pour les actionnaires.

L'augmentation de capital, réalisée en plusieurs fois, étalée dans le temps, est réservée à un intermédiaire financier qui n'a pas vocation à rester durablement actionnaire et va essayer de céder rapidement les actions de la société sur le marché. En tant qu'actionnaire individuel, vous ne pouvez pas participer à cette opération. Les financements sous forme d'Ocabsa sont donc des opérations complexes susceptibles de créer une forte pression baissière sur le cours de bourse, et conduire à une dilution significative des actionnaires", prévient ainsi l'AMF.

"L'idée de départ était de créer de la valeur plus vite que la dilution"

Un défaut dans la cuirasse dont Jérôme Garnache-Creuillot, le PDG d'Europlasma, est particulièrement conscient. Au point que ce dernier a décidé de joindre l'acte à la parole pour en finir avec la ronde des Ocabsa. Le PDG avait déjà prévenu La Tribune que dès qu'Europlasma commencerait à sortir de l'ornière, le système des Ocabsa serait abandonné :

"Les effets mécaniques de la dilution sont connus. L'idée de départ était de créer de la valeur plus vite que la dilution ne faisait descendre le cours de bourse. Cette entreprise a de la valeur, et elle en a de plus en plus. Le groupe consolide désormais des filiales qui ont généré un chiffre d'affaires consolidé de l'ordre de 10 millions d'euros en 2021. Avec des perspectives d'évolution de 20 à 30 millions d'euros à moyen terme", avait ainsi rembobiné le PDG pour remettre en perspective l'emploi de ces Ocabsa.

Pour les particuliers, la dilution ce n'est pas bon

Avant de confirmer que si les émissions d'Ocbasa sont utiles pour l'entreprise, elles n'en constituent pas moins une médecine toxique pour les actionnaires.

"Europlasma a eu une histoire très compliquée. Les Ocabsa sont un moyen de financer le retournement. La dilution est dure pour les actionnaires. D'autant plus dure au regard du cours de bourse, qui ne reflète pas la valeur intrinsèque de l'entreprise. Mais je reste convaincu du bien-fondé de notre stratégie", a ensuite souligné le PDG qui semble avoir pris le taureau par les cornes et devancé l'appel.

Comme nous l'avons expliqué dans l'article publié ce mardi 8 novembre, Europlasma est sans doute pour la première fois de son histoire en train de chasser ses vieux démons et de se rapprocher d'un niveau d'activité conforme à son vrai potentiel. A condition bien sûr que la crise énergétique ne vienne pas tuer dans l'œuf cette potentielle montée vers le succès qui semble s'être enclenchée pour de bon mais qui reste encore fragile.

Le PDG d'Europlasma a appuyé sur le bouton de la normalisation

Quoi qu'il arrive Jérôme Garnache-Creuillot, convaincu de l'impact négatif pour l'image du groupe d'une cotation de ses titres au dix millième d'euro, alors que sa situation économique est en train de se normaliser, a pris sa décision et appuyé sur le bouton qui est en train de lancer la grande révolution qui doit permettre in fine à Europlasma de vivre une vie aussi normale que possible. Il s'était donné une limite sur laquelle il vient visiblement de rogner.

"Nous devons être à l'équilibre pour pouvoir être financés de façon classique, avec des prêts, des obligations non convertibles. C'est une société qui a rencontré des difficultés par le passé mais avec des perspectives d'évolution très tangibles", a-t-il ainsi confié à La Tribune.

Ce qui n'a pas empêché le groupe d'annoncer officiellement le 5 octobre dernier sa décision de résilier le contrat d'émission d'Ocabsa qu'il avait conclu avec Global Corporate Finances Opportunities 11 (GCFO 11), malgré une situation encore déficitaire. Suite à quoi Europlasma a publié le 14 octobre un premier calendrier de regroupement des titres, qui a été modifié le 26 octobre suivant. A compter de ce jeudi 10 novembre et jusqu'au jeudi 15 décembre décision a été prise de suspendre la conversion des Ocabsa.

10.000 actions anciennes contre 1 nouvelle

Les opérations de regroupement commenceront dès le 15 novembre à raison d'une parité de 10.000 actions anciennes contre 1 nouvelle, sur la base d'un cours de bourse de 0,0001 euro. Ce qui n'affectera pas la valeur unitaire des titres. Un actionnaire détenant un million d'actions Europlasma à 0,0001 euros, soit 100 euros, se retrouvera ainsi après le regroupement avec 100 actions ayant une valeur identique. L'objectif est notamment de faire fondre l'énorme paquet de titres Europlasma qui circule sur le marché. Le nombre définitif d'actions soumises au regroupement planifié par la direction est ainsi supérieur à 40,8 milliards de titres !

Le plus gros de l'opération doit être bouclé le 20 décembre prochain. Cette normalisation de la situation va conduire le groupe à s'endetter comme n'importe quelle société. A ceci près qu'Europlasma n'annonce pas son retrait du marché boursier. Ce qui se comprend. Alors que dans la vie réelle au format standard les dettes doivent être remboursées, il n'en va pas de même dans le paradis boursier, où lever des fonds ne coûte quasiment rien et n'engage la responsabilité que des investisseurs : à leurs risques et périls...

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