Pourquoi 3DiTex pivote vers la fabrication de cadres de vélos made in France

Remarquée pour son savoir-faire en matière de tissage complexe, la startup bordelaise 3Ditex s'est réorientée il y quelques mois sur un marché de plus court terme - les équipements de sport et loisirs - tout en mettant un pied dans l'aéronautique et l'hydrogène. Mais les convictions de Bertrand Laine, le cofondateur, n'ont pas changé : produire en France avec des matériaux durables. Dix salariés sont à l’œuvre à Canéjan, en Gironde, autour d'une ligne de production pilote.
Bertrand Laine, le fondateur de 3Ditex.
Bertrand Laine, le fondateur de 3Ditex. (Crédits : Agence APPA)

C'est quelques semaines seulement après l'édition en distanciel du CES 2021 de Las Vegas, que Bertrand Laine a eu le déclic : "Après avoir échangé avec nos prospects et nos clients, on s'est rendu compte qu'on était encore loin d'avoir la technologie adaptée au marché. En clair, nous serions arrivés à court de cash avant d'être en mesure de répondre à leurs besoins..."

Un pivot vers la low-tech

Le dirigeant et fondateur de la startup 3Ditex - pour 3D Innovative Textiles -créée en 2018 décide alors d'abandonner sa cible initiale des textiles techniques et des surfaces 3D pour faire pivoter son savoir-faire de tissage de matériaux composites vers d'autres horizons plus accessibles et plus low-tech. Et donc davantage compatibles avec sa feuille de route.

"C'est aussi à cette période, en discutant avec des acteurs du monde du vélo, qu'on a découvert qu'il existait un besoin non pourvu autour des pièces creuses et tubulaires. Des pièces qui sont aujourd'hui essentiellement fabriquées en Asie parce qu'on ne sait pas les fabriquer ici à un coût compétitif. Or, c'est précisément ce que nous sommes capables de faire chez 3Ditex", poursuit Bertrand Laine.

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Pour réussir à fabriquer des bâtons de marche, de ski ou encore des cadres de vélos à Bordeaux à des coûts similaires à ceux pratiqués en Asie, l'entreprise s'appuie sur son savoir-faire développé des dernières années et dispose d'un prototype de machine de "bobinage multi-couches en continu". L'outil est installé dans les locaux de Canéjan, au sud de Bordeaux, où s'affairent les dix collaborateurs de 3Ditex : docteurs, ingénieurs et techniciens en ingénierie électronique, en mécanique et en programmation logicielle.

"Nous proposons une solution globale qui comporte à la fois des algorithmes et une machine capable de produire à des coûts très compétitifs et en France des textiles et des composites creux et tubulaires que l'on peut cintrer et avec des variations de périmètres. Il y a un léger surcoût mais qui est absorbable dans un produit qui devient Made in France et qui sera vendu à des personnes qui font du sport en pleine nature et donc, a priori, attentives à l'environnement", détaille le dirigeant.

Bertrand Laine 3DiTex

Bertrand Laine tient un cadre de vélo en fibre de carbone produit par 3Ditex (crédits : Agence APPA).

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Produire 100.000 cadres dès 2025

Et alors que les coûts de transport continuent de flamber, la relocalisation est vue comme un postulat de base de son projet, peu importe le matériau utilisé : fibre de carbone, verre, lin, plastique ou autre. Une proposition qui séduit de plus en plus les clients, les financeurs et le grand public. Et la demande semble effectivement être au rendez-vous puisque 3Ditex discute désormais avec des clients et des financeurs pour entrer en phase pré-industrielle. Objectif : être en mesure de produire 100.000 cadres de vélos en 2025 avec un premier cadre de vélo qualifié pour le marché d'ici fin 2023.

Le second marché est celui du stockage d'énergie, notamment les gaz sous pression tels que l'oxygène médical ou l'hydrogène. La startup travaille également avec le groupe chimiste français Arkema (9,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2021) sur une application composite dans le secteur automobile. Enfin, le troisième débouché regroupe des applications industrielles telles que l'aéronautique ou la santé où 3Ditex adoptera une stratégie différente. La startup vient de signer avec l'équipementier tricolore Hutchinson (3,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2021), filiale de Total Energies, fournisseur de l'industrie automobile et aéronautique, pour développer des prototypes puis, ensuite, transférer la technologie. "Sur ces deux marchés, on acceptera de vendre des machines et la technologie puisqu'ils sont trop difficiles d'accès pour un nouvel acteur comme nous mais, pour les autres débouchés, l'objectif est bien de produire nous-même, d'être une entreprise industrielle", précise Bertrand Laine.

Un coloc de startups industrielles


  • 3Ditex est installée à Canéjan dans des locaux partagés avec deux autres startups industrielles bordelaises : Nimbl'Bot, qui développe un robot destiné à l'inspection des centrales nucléaires, et Lynxdrone, qui conçoit des drones civils à usage professionnel. Les trois entreprises, qui étaient déjà colocataires à Saint-Médard-en-Jalles, comptent au total 25 salariés. Elles mutualisent leurs locaux, bureaux et ateliers sur 1.200 m2, échangent constamment et partagent des fonctions supports dont, déjà, le poste de chargée de communication. Un modèle très original qui tient dans la durée.

Nimbl'Bot 3Ditex Lynxdrone

Les colocataires de Canéjan : Bertrand Laine (3Ditex), Jad Rouhana (Lynxdrone), Alice Lassalle et Ludovic Dufau (Nimbl'bot). (crédits : Agence APPA).

20 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2025

La startup vise "entre 300.000 et 350.000 euros de chiffre d'affaires en 2022, dont les deux tiers sont déjà signés", soit dix fois plus qu'en 2021, et se fixe des objectifs beaucoup plus ambitieux pour la suite : autour de 20 millions d'euros à l'horizon 2025 correspondant aux 100.000 cadres de vélos. D'ici là, il faudra boucler avec un fonds français un nouveau tour de table de quelques millions d'euros pour financer notamment la ligne de production pilote dans les prochains mois.

"Notre vrai défi aujourd'hui c'est l'industrialisation de notre technologie. On a démontré que ça fonctionnait mais il faut maintenant prouver qu'économiquement et à grande échelle ça fonctionne encore en passant de quelques dizaines de pièces à quelques dizaines de milliers de pièces !"

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