Recyclage du CO2 : CarbonWorks se dote d'un photobioréacteur pour changer d'échelle

L'enjeu est considérable puisqu'il s'agit de créer une boucle vertueuse en captant des émissions industrielles de CO2 pour les transformer en matières premières naturelles telles que des engrais. CarbonWorks, co-entreprise de Suez et Fermentalg fraîchement créée, vient de réunir onze millions d'euros pour se doter d'un photobioréacteur de taille semi-industrielle dès 2023.
Des microalgues utilisées par CarbonWorks pour capturer, stocker et réutiliser les émissions de CO2 industrielles.
Des microalgues utilisées par CarbonWorks pour capturer, stocker et réutiliser les émissions de CO2 industrielles. (Crédits : CarbonWorks)

Photobioréacteurs. Ces équipements, appelés à se multiplier dans les années qui viennent pour contribuer à l'indispensable décarbonation de nos économies, restent encore bien nébuleux pour le grand public. "Pour visualiser à quoi ressemblent nos photobioréacteurs, la meilleure image c'est un conteneur rempli d'eau. Dans ce bassin, on apporte la souche d'une microalgue et les trois besoins nécessaires à sa croissance et à la réaction de photosynthèse : de la lumière, du CO2 provenant d'un industriel et des nutriments", simplifie Guillaume Charpy, le CEO de CarbonWorks, interrogé par La Tribune.

Onze millions d'euros

Aussi passionné que clair dans ses explications, il résume : "Finalement, on reproduit la réaction naturelle de photosynthèse mais de manière intensive en optimisant la croissance et la productivité des microalgues". Car ce sont bien ces microalgues qui sont au coeur de ce processus de capture, stockage et valorisation du CO2. D'où la filiation de CarbonWorks, co-entreprise créée mi-2021 par la biotech girondine Fermentalg, spécialiste des microalgues avec 2.300 variétés en magasin, et le groupe Suez, qui apporte son expertise en matière d'hydraulique et d'ingénierie.

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Déjà doté d'un premier photobioréacteur prototype de 10 m3 depuis l'automne 2021, à Cestas, en Gironde, l'entreprise d'une dizaine de collaborateurs vient de boucler un tour de table de onze millions d'euros auprès de plusieurs investisseurs. A l'issue de cette opération, Suez et Fermentalg conservent autour des deux tiers du capital tandis que le reste est détenu par les nouveaux entrants : BNP Paribas Principal Investments, Bpifrance, Demeter Investment Managers via son fonds Agrinnovation et Aquiti Gestion via Naco en association avec la Région Nouvelle-Aquitaine.

Un double objectif

Cet argent frais vise à atteindre un double objectif dans les mois qui viennent, poursuit Guillaume Charpy :

"Passer à une taille semi-industrielle de quelques dizaines de m3 courant 2023 pour passer à une échelle supérieure, toujours à Cestas. Et nouer des partenariats avec des industriels souhaitant accéder aux microalgues naturelles produites pour les utiliser, par exemple, dans l'agriculture et l'alimentation humaine et animale."

Un cas d'usage est d'ores et déjà expérimenté avec Immunrise, une autre société bordelaise de biotechnologie. La capture du CO2 permet de cultiver des microalgues transformées en fongicie algal qui est ensuite utilisé en substitution des pesticides
de synthèse, notamment sur les vignobles. Une boucle vertueuse qui structure la proposition de valeur de CarbonWorks.

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Cibler uniquement le marché industriel

Car compte tenu des importants volumes de CO2 nécessaires et grandes quantités de microalgues - certaines variétés se multiplient tous les deux heures - c'est exclusivement la clientèle industrielle qui sera ciblée par CarbonWorks. "La prochaine étape dès 2024 ce sera d'avoir un réacteur de taille industrielle, c'est-à-dire de plusieurs centaines voire plusieurs milliers de m3", précise Guillaume Charpy avant de baliser la suite :

"À l'horizon 2026, une fois que nous aurons un réacteur industriel qui fonctionne bien je ne doute pas qu'il y aura un appel d'air commercial parce que des industriels qui produisent du CO2 il y en a beaucoup ! Et que parallèlement l'agriculture et l'alimentation sont en train de basculer vers les matières naturelles.

Pour l'heure, un photobioréacteur de CarbonWorks de dix m3 permet de capturer environ dix tonnes de CO2 chaque année. Sachant qu'une tonne de CO2 correspond à un vol Paris/New York par passager ou 590 allers-retours Paris-Bordeaux en train ou à un trajet de 5.000 km en voiture. L'émission moyenne de CO2 d'un Français tourne autour de douze tonnes par an, selon l'Ademe.

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