« La Winetech doit créer des ponts entre vignerons et startups tout au long de la chaîne de valeur »

INTERVIEW. Alors que 35 startups de la Winetech sont présentes sur un stand dédié à Vinexposium Paris du 14 au 16 février, La Tribune publie la cartographie de cet écosystème émergent fédérant 71 jeunes entreprises de la filière viti-vinicole. Laurent David, le président de la Winetech, revient sur les enjeux de ce nouveau lobby qui veut devenir l'interface incontournable entre le monde du vin et celui de la tech.
Laurent David, président de la Winetech, partage sa vie entre Paris, Bergerac (Dordogne) et le château Edmus à Saint-Emilion (Gironde). Ici, à Bordeaux, devant la Cité du vin le 9 février.
Laurent David, président de la Winetech, partage sa vie entre Paris, Bergerac (Dordogne) et le château Edmus à Saint-Emilion (Gironde). Ici, à Bordeaux, devant la Cité du vin le 9 février. (Crédits : Agence APPA)

LA TRIBUNE - Qu'est-ce que l'association Winetech et quelle représentativité pouvez-vous revendiquer ?

Laurent DAVID, président de la Winetech - L'association a été créé fin 2019 après un mouvement spontané de plusieurs startups du secteur viti-vinicole. Avec ma carrière chez Apple à Londres et mon château Edmus à Saint-Emilion, j'ai une double casquette de la tech et du vin et j'avais un peu de temps donc j'ai accepté d'en assumer la présidence. Aujourd'hui, la Winetech compte 71 membres sur les 120 startups du secteur en France. Ces 120 entreprises emploient environ 1.200 personnes et prévoient cette année 440 embauches et plus de 130 millions d'euros de fonds à lever après 50 millions l'an dernier. Globalement, elles cherchent à accompagner le vigneron depuis la culture de la vigne jusqu'à la vente en e-commerce. 35 adhérents de la Winetech sont d'ailleurs présents à Vinexposium sur un stand dédié de 300 m2. Les membres de la Winetech sont des entreprises françaises ou francophones mais on réfléchit à élargir le spectre vu l'intérêt que suscite notre démarche.

Lire aussi 3 mnLes ambitions de Twil, la winetech française, qui s'installe à Marseille

Pourquoi ces startups s'intéressent à la filière vin ?

D'abord, de façon générale, quand on n'innove pas, on risque d'être dépassé par un ou plusieurs acteurs qui arrivent et renversent la table. Le vin ne fait pas exception et c'est un secteur dynamique qui sera disrupté tôt ou tard avec le risque pour la France de perdre le lead si elle n'innove pas suffisamment. Ensuite, l'innovation fait partie des habitudes du vigneron qui ne cesse d'expérimenter de nouveaux procédés et de tester de nouveaux outils à chaque étape de son métier, mais tout cela prend du temps. Mais cette innovation se fait le mieux dans des structures dédiées, c'est-à-dire dans des startups agiles, pas sclérosées et capables d'innover à moindre coût. Le monde du vin a donc besoin d'un réseau de startups pour prendre des risques et tester des idées peut-être un peu folles !

Et, en France, on a tous les ingrédients pour réussir : des vins prestigieux, tous les cépages, une grande diversité de vignobles et de savoir-faire, des universités de haut niveau, des incubateurs dédiés, comme celui de Bernard Magrez en Gironde, et même, désormais, un fonds d'investissement dédié avec le lancement de Vitirev ! Il faut donc affirmer notre rôle moteur dans l'innovation.

Lire aussi 4 mnVitirev Innovation réunit 50 millions d'euros pour la transition écologique des vignobles

Concrètement quels sont les apports de ces startups ?

Les startups de la Winetech se positionnent tout au long de la chaîne de valeur de la filière : de la production et la transformation jusqu'à la conservation et la consommation, en passant par la gestion de l'entreprise, le marketing, l'œnotourisme et le conditionnement et, bien sûr, la vente et la distribution. Ce dernier segment, particulièrement via le e-commerce, est celui qui a le plus progressé et le mieux fonctionné depuis 18 mois avec les confinements. Avant la pandémie, on était entre 6 % et 8 % des ventes de vins en ligne, aujourd'hui, j'estime que cette proportion a probablement doublé pour atteindre 15 % ! Mais la Winetech aborde également des problématiques d'emballage, de consigne et de réemploi des bouteilles mais aussi tout le volet vinification avec un tropisme très fort sur la baisse des intrants chimiques et une démarche éco-responsable. Je note enfin la volonté de s'adapter à la consommation des nouvelles générations avec des contenants innovants et des vins plus accessibles.

La Wine Tech

La cartographie des 71 startups de la Winetech en février 2022. Cliquez sur l'image pour consulter l'infographie en plein écran (crédits : Winetech).

Et quelle est la place de l'adaptation au changement climatique dans tout ça ?

Plusieurs startups ciblent directement le travail de la vigne avec des solutions de traitements innovants et de capteurs pour collecter et utiliser la donnée afin d'être en mesure de travailler les vignes pied à pied avec une grande précision. La gestion de l'eau et le recours à des robots et drones viticoles sont aussi directement concernés. On espère vraiment que la France sera leader sur ce secteur grâce notamment à la grande diversité de ses sols, de ses cépages, de ses hauteurs de vignes.

Maintenant que l'association est créée et en ordre de marche, quelles sont les prochaines étapes pour les startups de la Winetech ?

La Winetech doit créer des ponts entre vignerons et startups tout au long de la chaîne de valeur. Nous devons être un lieu de rencontre et de bouillonnement d'idées pour fédérer les vignerons et châteaux qui ont envie d'expérimenter des choses en tant que "early adopters" et les startups qui ont des idées et solutions à tester en conditions réelles. Nous allons créer un label "Winetech Community" pour formaliser ces passerelles nécessaires à l'innovation. Et nous travaillons aussi avec le ministère de l'Agriculture et celui du Numérique et d'autres associations comme la Ferme digitale pour formaliser un plan de soutien, plus large, à l'Agritech française avec l'objectif d'en faire un leader mondial. Il faudra un lieu pour fédérer et incarner cette démarche et créer une base de données mondiale sur le vin car l'enjeu du partage des données et des expériences est indispensable, notamment pour s'adapter à la nouvelle donne climatique. Je crois que cette stratégie de chasser en meute, d'échanger et de travailler ensemble, même si des entreprises sont parfois concurrentes, est maintenant assez bien comprise.

Lire aussi 4 mn« Face au changement climatique, le gros enjeu du vin c'est le partage du savoir » (1/4)

Comment voyez-vous le visage des vignes françaises dans dix ans ?

Dans dix ans, le bio se sera généralisé tandis que la consommation de vin sera toujours plus raisonnée avec cette tendance de boire moins mais mieux. Le vin sera associé aux moments de plaisir et de partage avec des vins plus fruités, moins alcoolisés et des contenants différents comme des petites bouteilles, des bagbox ou des canettes. Sur le terrain, les chais et les vignes seront bardés de capteurs avec une utilisation massive de la donnée pour gérer tous les paramètres de la culture et de la vinification.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 14/02/2022 à 16:01
Signaler
Heureusement, il reste des vignerons qui ont l'âme chevillée au corps et qui font du vin sans avoir besoin d'être cornaques par des "cadors" de la tech. Il n'y a plus de mauvais vin, mais ils sont trop standardisés, aucun intérêt.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.